Citations sur Chroniques de l'Armageddon, tome 4 : Mission fantôme (11)
Assis sur l’immense lit deux places, j’ai failli délacer mes chaussures, mais je me suis arrêté. C’était une mauvaise habitude que j’avais attrapée à force de vivre dans la sécurité relative des Keys. Retirer mes pompes serait le moyen le plus sûr de voir une centaine de macchabées fracasser la porte de devant. Loi de Murphy, tout ça...
Je m’appelle Dudley. J’ai eu une vie bien remplie et heureuse.
J’ai arpenté cette terre soixante-treize ans avant les morts.
Je vous souhaite bien du courage pour atteindre cet âge-là, bande de pauvres bougres.
Bien cordialement.
D. Wildes
J’ai été frappé par un éclair de jalousie quand j’ai compris que le pauvre bougre, c’était moi.
Les morts marchaient à présent dans la merde humaine, à la recherche des culs vivants qui l’avaient lâchée.
Ces choses n’étaient rien de plus que des machines biologiques programmées pour tuer, des virus ambulants qui cherchaient des cellules saines afin de se multiplier, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien à infecter.
Il fallait que je les réduise à ça. Les envisager sous n’importe quel autre angle était terrifiant.
J’ai fait volte-face, fusil levé, et j’ai failli dégommer un chat. Il avait bien morflé ; sa queue avait été presque entièrement arrachée, et il lui manquait l’oreille gauche. Des morts-vivants l’avaient probablement acculé. J’ai envisagé de nourrir la pauvre bête, mais il a détalé rapidement quand je me suis dirigé vers lui. J’espère qu’il s’en tirera.
Etre sauvage ou mourir, comme tout le monde ici-bas.
En m’agenouillant près du robot, je me suis senti moins seul, d’une certaine manière. Même si cet assemblage de fibres de carbone, de titane et de silicone n’était pas vivant, il remplissait sa fonction d’étrange copie du meilleur ami de l’homme. Je me demandais ce qu’Annabelle, la chienne de John, penserait de la machine. Je ne me suis pas rendu compte que je tapotais le dos du robot avant de sentir la chaleur dégagée par le GTR contre ma main.
Petit à petit, la locomotive a ralenti, puis elle a cessé d’avancer et la lueur de son phare a commencé à s’estomper. Comme ça. Plus personne n’allait jouir de cette création que quelqu’un avait mis des centaines d’heures à construire. Monde de merde...
J’ai ajusté mon amplificateur et j’ai progressé vers les terres, rassuré par le fait que, pour le moment, rien ne pouvait m’atteindre par les côtés. Quand mes chaussures ont foulé les herbes folles, les règles ont changé ; à eux l’avantage, désormais. Si je ne me pliais pas à leurs règles, je risquais de devenir l’un d’eux ; j’étais la seule particule positive dans une galaxie de particules négatives.
Le vent a changé de direction et a rabattu leur puanteur sur moi. J’ai été submergé par l’odeur âcre de quarante mille morts, qui a saturé tous les cils à l’intérieur de mes narines. J’ai remonté mon foulard sur ma bouche et mon nez pour essayer d’atténuer ce remugle d’outre-tombe.
Une demi-seconde plus tard, j’ai entendu l’impact visqueux de la cartouche de gros calibre pénétrant un crâne. Le cycle était lancé : tir de silencieux, impact dans le crâne, puis son d’un corps s’écroulant sur le trottoir. A la manière d’un solo de batterie post-apocalyptique, cette séquence s’est répétée jusqu’à ce que plus aucun macchabée n’avance.