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Critique de Chestakova


Dans la longue liste de la masse critique du 7 février, la curiosité m'a fait cocher ce livre, car Antoinette Fouque m'était presque inconnue, et pour avoir entendu Françoise Héritier la citer souvent, je me doutais confusément qu'une pépite pouvait se révéler à mon ignorance. J'avoue ne pas avoir été déçue. Ce petit livre d'une centaine de pages, met en lumière une réflexion théorique originale, aux antipodes de tous les conformismes et la forme « entretiens avec » permet d'installer autant de respirations dans le développement brillant de cette pensée, qui « n'entre pas dans les cases » comme le précise Christophe Bourseiller qui recueille ses propos, dans la préface.
La question « Qui êtes-vous » posée à Antoinette Fouque ne peut ouvrir qu'une infinité de routes : celle de ses origines méditerranéennes, née à Marseille, prédestinée pour elle parce que ville matricielle, elle qui se confronte dès ses années d'études à la question fondatrice de sa pensée « Comment être une femme ». Deux dates scellent l'écho de ce point d'interrogation dans sa vie : 1964, naissance et plus encore gestation de sa fille Vincente, véritable bouleversement psychique la mesurant à son inconscient et lui révélant un lien unique, homosexué, tissé de mère en fille. Sa naissance politique s'inscrit en trois temps dans le contexte de 1968 : sa rencontre avec Monique Wittig, l'explosion de mai et la création du MLF en octobre. Intellectuelle, passionnée de littérature, d'une curiosité insatiable, qui lui donne la passion d'apprendre dans une boulimie récupératrice de ce à quoi des générations de femmes n'ont pas eu accès, elle est philosophe dans son interrogation sur la vérité mais elle est plus encore analyste dans sa réflexion sur la vie. Elle commence sa formation analytique en 1968, avec Lacan, elle s'en éloigne en 1975 avec Serge Leclaire, pour affirmer contrairement à Lacan, qu'il y a deux sexes et non un sexe unique celui qui se voit, reléguant dans la non existence celui qui ne se voit pas. Lorsqu'elle crée le MLF en octobre 1968, c'est aussi contre ce que mai 68 portait de viriliste et de machiste, elle raconte les débuts du mouvement, les lectures, les tracts, le travail de terrain pour faire advenir la parole des femmes. Très vite en son sein, le mouvement. « psychanalyse et politique » prend forme, un laboratoire d'idées, un mouvement de pensée pour débusquer la folie en politique et introduire en psychanalyse une autre libido que phallique.
A partir de ces années fondatrices, tout son itinéraire est évoqué jusqu'à ses prises de position contre les violences faites aux femmes, elle crée en 1980 l'Observatoire de la misogynie, elle prend position en faveur de la GPA qui permet pour elle de donner à la gestation toutes ses lettres de noblesse. Elle inscrit la défense des femmes dans leurs luttes, lorsqu'elle meurt en 2014, la route est encore longue. Quel regard aurait-elle porté sur la déferlante « me too » et la reconquête lente de leur dignité par les femmes ?
Ce livre a été une découverte dans laquelle je me suis plongée avec un intérêt soutenu, merci à Babelio, merci aux éditions « des femmes » qu'Antoinette Fouque a créé.
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