AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de colimasson


Vous vous souvenez de la lenteur lourde et indifférente de « Mes avis » ? du minimalisme dramatique de « La mort de Dinah » ? Vous ne retrouverez rien de cela ici. Bove devient bovin sans perdre son âme et nous montre qu'à l'instar des petits copains qui réussissent dans le monde de la littérachiotte, il est capable de faire des petits romans sentimentaux qui s'arracheront auprès des bonnes femmes pendant au moins une semaine, le temps de passer à une autre savonnette à la mode. Bove, divin bovin ne pouvant s'empêcher de laisser remonter à la surface sa mélancolique sentimentalité, s'entiche donc d'une histoire d'amour. Sa publication initiale sous forme de feuilleton pour la presse l'oblige à injecter dans chaque chapitre un nouveau rebondissement qui sent parfaitement le chiqué de ce qui allait devenir le divertissement hollywoodien. Bien que nous soyons saturés de ces ficelles qui sont absorbées comme absence de stimulus par nos cerveaux endurcis, essayons de lire ce triste petit livre comme si nous étions vierges d'incroyablement tout.


Comme Denis de Rougemont le démontrait dans « L'amour et l'occident », comme Pacôme Thiellement nous le raconte avec d'autres exemples dans « Sycomore sickamour », il est de tradition dans notre culture humaine de placer la barre du véritable amour à la hauteur de la plus incroyable torture sentimentale : il n'est pas d'histoire d'amour réussie qui ne soit à jamais inaccomplie. Qu'on soit d'accord ou non (sûrement ne le serons-nous d'ailleurs pas, à première vue), c'est à la surface de ce fond diffus de croyances et de légendes que nous voguons la galère, nous laissant rattraper par le cliché insoupçonné plus vite que prévu. Vous l'aurez compris, c'est ce qui se passe dans cette histoire, un homme et une femme amoureux l'un de l'autre ne pouvant se maquer ensemble à cause de différences sociales insupportables pour la famille de la jeune fille. Qu'il est bon d'imaginer qu'à une époque, même pas trop éloignée encore de la nôtre, on pouvait être malheureux en amour sans jamais s'en vouloir à soi-même, sans jamais se dire que l'on ne convient pas à ce que l'autre attendait de nous, sans jamais en venir à se haïr pour celui ou celle que l'on est, mais en accusant simplement l'inertie sociale et le conformisme des classes, ce qui est beaucoup moins blessant pour l'amour-propre de chacun.


Si vous n'aimez pas Emmanuel Bove outre mesure, voire si vous ne le connaissez pas encore par ses autres merveilleux petits bouquins (déjà cités plus haut), ne lisez-pas cet impossible amour, vous auriez l'impression qu'une daube vous est tombée entre les mains, enfin, quelque chose d'un peu mièvre et convenu, ce qui ne donne pas forcément envie d'y retourner. Mais si vous connaissez et aimez déjà ce brave Bove, vous pourrez, comme moi, projeter dans la lecture de ce livre tout ce que vous imaginez de cet homme que finalement nous ne connaissons pas : un type sur lequel s'abattent toutes les émotions les plus dévastatrices et qui reste là sans broncher, un type qui ne déteste pas la vie mais qui n'en voit pas non plus l'intérêt, un type qui aime passer des heures à décrire les pensées des êtres humains et qui les commente de manière à mettre en relief le caractère dérisoire et émouvant de leurs passions.


Merci à Nagui qui a sauvé ce livre du pilori un jour, il y a longtemps déjà.
Commenter  J’apprécie          200



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}