II aurait pu prendre une photo - s'il avait eu un portable. Mais à quoi auraient servi ces photos ? Personne ne les regarderait jamais. Ce n’était pas comme avant, quand il était gamin, à l'époque du Polaroïd. On prenait une et on l'avait de suite dans la main, après quoi on la classait dans un album photos.
Aujourd'hui ? Toutes les photos étaient « nuagiques », elles flottaient dans le cloud, l’Agence nationale de la sécurité n’avait plus qu'à les télécharger à loisir. À son bon plaisir.
Elle avait l'air ridicule. Ses oreilles, dépourvues de leur camouflage ressortaient tellement qu'on aurait cru que quelqu'un les avait prises au hasard à quelqu'un d'autre pour lui coller sur les côtés du crâne ces battoirs en cartilage. Je me demandai même comment j'avais pu ne jamais remarquer à quel point elles étaient énormes, et moches. Je commis l'erreur de le lui dire : nous ne nous adressâmes plus la parole pendant une semaine.
« Les vagues se brisaient sur la grève, refluait puis venaient à nouveau éclater là: force antédiluvienne dont les assauts sur le rivage réduisaient à rien jusqu’au pierres les plus dures, les muants en des grains qui n’étaient qu’une fraction de la taille d’une fourmi, tous inertes sur les fonds marins qui s’étendaient, immaculés et austères, jusqu’à l’infini. » -La fourmi Argentine
La bibliothèque est l’un de mes bâtiments préférés en ville, un monument en grès élevé à la gloire du savoir et de la culture à une époque où les gens s’en souciaient encore. Bien sûr, de nos jours, c’est surtout un réceptacle de fesses, d’hommes pour la plupart, qui encombrent les fauteuils et les grandes tables en chêne, avec leurs sacs débordant de leurs piètres possessions pour passer leur temps à regarder des sites porno sur les écrans des ordinateurs, gribouillant dans un carnet ou faisant un somme, tête rejetée en arrière, bouche grande ouverte. Cela dit, je ne me plains pas. Ils ont le droit de vivre.