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Critique de JIEMDE


JIEMDE
07 septembre 2017
Débarqué chez Gallmeister en début d'année en provenance directe de Rivages Noir, François Guérif n'est pas arrivé les mains vides.

Dans sa musette, il apportait quelques pépites, parmi lesquelles William Boyle qui m'avait emballé avec Gravesend son premier roman et dont j'attendais le deuxième avec gourmandise. Mais aussi, il faut l'avouer, avec une pointe d'inquiétude tant les deuxièmes livres peuvent souvent être compliqués à écrire pour leurs auteurs quand ils suivent un premier succès. Un manque de confiance inutile de ma part car Tout est brisé est à nouveau une magistrale réussite !

Boyle y évoque le croisement de deux vies brisées qui se retrouvent, s'entrechoquent, puis s'éloignent à nouveau pour enfin mieux se retrouver.

Celle d'Erica, abandonnée de ses proches (sa mère et son mari sont décédés, sa soeur s'est éloignée et son fils a disparu) et retournée vivre à la cinquantaine dans le quartier de Bensonhurst, bas faubourg de Brooklyn, chez son père radin, hystérique et dépendant. Pas de pause dans la vie d'Erica et finalement, ça n'est pas plus mal : ça l'empêche de penser. Mais cela ne la rapproche pas de son fils perdu dont le souvenir la hante. « Et perdre quelqu'un, ça donne du sens à la vie, ça donne un but ».


Jimmy son fils, est également en pleine déroute, au Texas, loin de Brooklyn. Galère financière, galère alcoolique, galère amoureuse… Rester n'est plus possible, mais rentrer est impossible. Il va pourtant essayer. Sans succès. Reste alors la nostalgie, et le retour vers les jours heureux et insouciants de son passé étudiant à New Platz. Mais là-bas non plus, l'herbe n'est pas plus verte qu'ailleurs. « Il voulait de l'amour, il voulait que la vie soit facile… ». Où qu'il aille, Jimmy comprend que cela ne résout rien à ses angoisses et que la fuite n'est pas une solution : les démons courent aussi vite que lui, voire plus. « Peut-être était-ce partout le même désert ? ».

Alors, dans la tempête et le chaos, il reste à ces deux-là à se retrouver et à se ré-apprivoiser. Et à revivre. « Écoutant le grondement de la tempête à travers les murs, il se sentit calme ».

Dans Tout est brisé, on retrouve l'exceptionnelle capacité de William Boyle à décrire la solitude, la nostalgie, l'angoisse, la désespérance et le besoin d'amour. L'écriture est sensible, délicate et souvent avare de mots superflus, signe des grands.

On y retrouve également cette peinture du Brooklyn cheap - « cette ville tenait les fantômes de Jimmy dans le creux de sa main » - si près de New-York via un simple trajet de Greyhound et en même temps si loin.

Boyle n'est pas avare du partage de ses passions : la musique et les vinyles, ceux de Buckley, Cohen ou Dylan, le cinéma et la littérature, avouant même son admiration pour Flaubert et Camus au détour d'un bas de page.

Enfin, Boyle nous plonge à nouveau dans les thèmes abordés dans Gravesend : l'homosexualité, l'alcoolisme, le mal-être et la désespérance, la fuite en avant et le difficile retour vers son passé…

Peintre talentueux de la mélancolie, Boyle n'en oublie pas pour autant d'y ajouter quelques touches d'espérance renaissante ci-et-là : un bouquet de lys violets, la bienveillante Ludmilla, Franck le poète alcoolique, sorti de nulle-part pour mieux y retourner après avoir joué son rôle de trait d'union entre Erica et Jimmy.

Une vraie réussite donc, qui alimente une gourmandise littéraire encore plus forte pour le prochain opus de Boyle.
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