Rien n’était plus rassurant que de s’endormir mussé dans ces terriers de bois. Car ce n’est pas l’obscurité de la nuit que les enfants redoutent le plus ; c’est l’immensité de l’espace noir dans lequel ils sont plongés, les recoins inaccessibles et effrayants où spectres, croque-mitaines et autres monstres se tiennent, tapis dans l’ombre, prêts à se jeter sur leurs proies dès qu’elles auront fermé les yeux.
Les arbres lui étaient une meilleure compagnie, plus sereine, plus constante, plus stable. Ils pouvaient être foudroyés, mais demeuraient jusqu’au bout fiers et droits, et ne courbaient pas l’échine au premier vent contraire.
Petite, la forêt est généreuse envers les pauvres, elle leur donne ce dont ils ont besoin pour survivre. Mais il faut la respecter. Ne casse jamais une jeune ramure et ne grave jamais ton nom sur un tronc d’arbre avec un canif, cela fait du mal aux arbres. Sais-tu combien il faut de temps pour faire un chêne ? Cent ans pour qu’il lève, cent ans pour qu’il vive, cent ans pour qu’il meure. Nous sommes bien peu de chose, à côté…
Cette forêt était si ancienne qu’une vie humaine n’aurait pu en épuiser l’histoire. Pourtant, cela valait la peine de prendre son temps pour en découvrir les mystères et les secrets. La patience était nécessaire ; la forêt ne se livrait pas au premier coup d’œil. Elle avait ses pudeurs de dame. Elle aimait se laisser deviner, convoiter. Les visiteurs trop pressés passaient à côté de l’essentiel, quelque chose de très précieux qui se cachait à leur regard, se dérobait sans cesse. La forêt était un être vivant. Elle vibrait au rythme des saisons et des éléments. Pour la ressentir, il suffisait d’écouter le murmure du vent, le froissement des feuilles mortes à l’automne, le cri du merle…
La trop grande solitude ouvre parfois les portes du cœur. Du cœur des autres, en tout cas.
Doit-on aimer au-dessus ou en dessous de soi ? L’égalité peut-elle exister entre deux êtres qui s’aiment ou croient s’aimer ?
À défaut de la vivre, elle rêvait sa vie en couleurs pastel.
Les Allemands ne plaisantent pas avec les mesures de rétorsion. Ils n’ont pas tort. Le peuple n’obéit qu’à la menace.
C’est mieux d’user le savon des autres que le sien, pas vrai ? Au prix qu’il coûte…
La lavandière se moquait bien de ces ragots ; elle en distillait bien d’autres en retour, et avec les intérêts encore. Elle nettoyait du linge propre, était correctement payée pour cette tâche et se passait parfaitement bien de la considération d’autrui.