Citations sur La ville de sable (28)
Que savons-nous, enfin, des métamorphoses qui attendent les voyageurs, quelquefois, à de certains carrefours?
J'éprouvai aussi la puissance d'un appel, intense, irrésisitible, auquel j'étais prêt à répondre, (...). Une aspiration violente vers en haut, un besoin de rejoindre le vol lent et magnifique de cet oiseau en plein ciel. Le pressentiment d'une volupté qui n'est point en elle-même son but et sa fin, mais un passage vers une jouissance plus haute, vers une connaissance plus parfaite.
"Les nuits sont enceintes des jours des jours." Celle-ci se gonfle, en effet, comme si des prodiges nombreux la peuplaient. La lune fait ruisseler son eau féerique sur un monde qui est devenu, pour moi, nouveau et surprenant. (...)
Ne suis-je pas, moi-même, un homme très ancien que le vent a fait sortir de son tombeau profond?
Il arrivait toujours des événements divertissants quand on accompagnait une caravane. On se mêlait à toutes sortes d'hommes, de tous les pays et de tous les états. Mais le vrai voyage était celui qu'on faisait seul, ou escorté d'un domestique silencieux. Quand on est seul, absolument seul, en présence d'un grand soleil ou de la nuit, de la mer remuante comme un troupeau de chevaux, ou du mur des glaciers, couteaux blancs, abîmes de verre, le voyage révèle alors toute sa véritable signification.
Tout ce qu'elle touchait s'approchait d'elle, la caressait, recevait la vie profonde qui émanait de ses doigts, la beauté qui rayonnait de ses yeux. Je pensais à un astre qui entraîne dans son orbite toutes les étoiles et tous les grains de poussière épars dans l'univers. J'avais quelquefois le vertige, en la regardant, ainsi qu'au sommet d'une très haute tour.
Un étourdissement me prenait enfin quand nous avions longtemps voyagé ainsi sur les routes d'un univers sans limites.
Devant moi, un sentier étroit dévale joyeusement à travers les derniers escarpements, vers le creux de la vallée. Plus loin, il se jette dans une route comme un ruisseau dans un fleuve, et cette route se noue à d'autres chemins, qui se séparent de nouveau, et chacun s'en va de son côté, parmi les champs et les bouquets d'arbres.
Tous ces bruits prennent dans l'immobilité du monde réveillé une vitalité magique. On dirait qu'ils vont frapper jusqu'aux creux le plus profond de leurs rêves, les dormeurs attardés sur les plages du songe. Ils appellent du fond de la terre de larges et longs échos.
Pour ces hommes, il n’y avait pas de frontière nette entre l’objet et le songe. Tous deux s’interpénétraient et se pénétraient réciproquement. Chez le Persan, aussi, je retrouvais cette manière de rassembler l’arrière-plan de la veille et les prolongements indistincts des songes.
La nuit a remporté les mystères sacrés dont elle était chargée et que le jour ne doit pas voir.