Marcel Brion fut l'auteur de l'une des plus belles biographies de Frédéric II de Hohenstaufen (1194-1250).
Né a Iesi, dans la marche d'Ancône, Frédéric était le fils de l'Empereur Henri VI et de Constance de Hauteville, la fille du roi de Sicile, le Normand Roger II. Il fut très tôt projeté sur la scène de l'Histoire : ayant perdu son père en 1197 et sa mère en 1198, il fut placé sous l'autorité du pape Innocent III ; son titre de roi des Romains lui fut retiré à cette époque au profit de Philippe de Souabe ; Frédéric vit son royaume réduit par le pape à la Sicile et à l'Italie méridionale ; c'est que le pape ne voulait pas que les États pontificaux fussent pris en tenaille entre la Germanie et le sud de l'Italie ; Frédéric passa son enfance et sa jeunesse à Palerme, où il acquit savoir et culture : il fut formé à la pensée philosophique d'
Aristote et à celle d'Averroes ; il s'intéressa à la poésie, aux mathématiques et aux arts ; il connut bientôt plusieurs langues, allemand, normand, français, latin, grec, arabe.
Il fut marié en 1208 à Constance d'
Aragon, de onze ans son aînée. Mais le pape dressa contre lui un rival : Othon IV de Brunswick fut couronné empereur romain germanique en 1209. Puis le Pape Innocent III se ravisa et fit déclarer devant la diète de Nuremberg en 1211 qu'il apporterait son soutien à Frédéric pour le trône de Germanie. La contrepartie devait être l'abandon de la couronne de Sicile qui devait revenir à Henri, fils de Frédéric. Frédéric put donc franchir les Alpes et être fait Empereur à Mayence le 9 décembre 1212. Un peu plus tard, Othon IV connut une humiliante défaite face au roi de France Philippe II Auguste, à Bouvines, le 27 juillet 1214. On trouva dans ses bagages les insignes de l'Empire germanique, que le roi capétien fit remettre à Frédéric. Un an plus tard, le 23 juillet 1215, Frédéric fut couronné pour la deuxième fois, cette fois-ci à Aix-la-Chapelle. Innocent III puis Honorius III confirmèrent successivement le fait, le deuxième, depuis Rome, en 1220.
Mais l'idylle avec la Papauté cessa à ce moment-là.
Marcel Brion nous conte tous les déboires de Frédéric II avec le Saint-Siège, depuis sa promesse de partir en Croisade, ce qui aurait bien fait les affaires des papes, qui auraient été trop contents d'éloigner d'Italie cet Empereur germanique, jusqu'aux difficiles années de la fin. Comme Frédéric tardait à faire passer dans les faits l'engagement qu'il avait pris d'aller libérer Jérusalem, alors qu'il devait affronter une ligue de cités lombardes révoltées contre son autorité, il dut faire face dorénavant aux attaques les plus virulentes de la papauté, qui n'hésita pas à prononcer son excommunication. C'est Grégoire IX qui arrêta cette décision en prenant prétexte du défaut (et même simplement du retard) d'exécution du saint voeu prononcé par Frédéric pour frapper l'Empereur de ses foudres. On connaît la suite, le départ en Croisade d'un Frédéric II séparé de la communauté des fidèles, sa manière peu orthodoxe de faire la Croisade, ses négociations secrètes avec le sultan d'Egypte Malik al-Kamel, l'arrangement qui permit à la Chrétienté de récupérer le plus pacifiquement du monde pour quelques années la ville de Jérusalem et les localités de Nazareth et de Bethléem, le couronnement de Frédéric comme roi de Jérusalem le 18 mars 1229, les liens tissés avec le grand-maître des chevaliers Teutoniques qui devait servir d'ambassadeur pour de nombreuses tractations avec divers interlocuteurs, y compris auprès de la papauté, les intercessions de Louis IX pour tenter de raccommoder le Pape et l'Empereur et la fin de vie difficile de Frédéric qui eut à lutter contre des personnes qui, poussées en avant par le Souverain Pontife, contestèrent à l'Empereur le droit à régner en Sicile, en Italie et en Allemagne. Déposé en 1245, par Innocent IV, réfugié à Lyon, où il bénéficiait de la protection de Louis IX, battu en 1248 par les Palermitains, qui avaient fini par s'insurger contre lui, il mourut dans les Pouilles, à Fiorentino, le 13 décembre 1250.
Il est connu pour avoir entretenu des relations d'amitié avec des princes arabes et avec leurs envoyés et il n'en finit pas d'étonner ses contemporains par ses choix cultur
els, avec l'idée de marier les styles orientaux et occidentaux et de faire se rencontrer les croyants chrétiens et les tenants de l'Islam. Il faisait briller tout cela partout autour de lui, à la grande "stupeur du monde" ("stupor mundi").
On lui doit par ailleurs un traité de fauconnerie et, surtout, des mesures qui maintenaient les privilèges des ecclésiastiques et princes allemands.
Il est inhumé dans la cathédrale de Palerme.
François Sarindar, auteur de :
Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu
(2010)