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Critique de Aquilon62


L'enfer est pavé de bonnes intentions,... Maintenant il est tapissé de belles illustrations...

Il n'est pas simple de marcher dans les traces laissées par Sandro Botticelli le premier à avoir illustré la Divine Comédie, qui a d'ailleurs inscrit dans notre inconscient collectif cette carte de l'enfer en forme de cône inversé ou d'entonnoir ;
Il est loin d'être aisé de suivre les pas de Gustave Doré qui réalisa en son temps 136 sublimes illustrations de la Divine Comédie, dont certaines sont également passées à la postérité ;
Il peut être compliqué de se frotter aux illustrations qu'à pu faire William Blake à la fin de sa vie et qui disait "l'imagination n'est pas un état : c'est l'existence toute entière" ;
Il faut savoir faire fi des 100 aquarelles réalisées par Salvador Dali en 1950, pour une commande qui sera finalement annulée ;
Il faut pouvoir s'affranchir des sublimes illustrations plus récentes de ce poème par Lorenzo Matteotti, et de celles peut-être moins réussies (c'est subjectif) du plasticien Miquel Barcelo....

Bref illustrer la Divine Comédie est une gageure, pour ne pas dire entrer dans une forêt obscure et pour citer les premiers vers du Chant III "« Par moi on va dans la cité dolente, par moi on va dans l'éternelle douleur, par moi on va parmi la gent perdue. Justice a mû mon sublime artisan, puissance divine m'a faite,et la haute sagesse et le premier amour. Avant moi rien n'a jamais été créé qui ne soit éternel, et moi je dure éternellement. Vous qui entrez laissez toute espérance. » Ces paroles de couleur sombre, je les vis écrites au-dessus d'une porte" (traduction Jacqueline Risset).

Comme un pied de nez cet ouvrage commence par une dédicace de l'éditeur aux auteurs : "Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait." Mark Twain
Et quelle RÉUSSITE, voilà mon premier gros coup de coeur de l'année, mon premier 6 étoiles..
Et comme ce magnifique ouvrage débute par un "avertissement", une fois n'est pas coutume, je vais donner à cette critique une forme épistolaire :

Messieurs Paul et Gaetan Brizzi,

Je me permets en toute modestie de m'adresser à vous.
Peut-être me lirez-vous, insidieusement je l'espère....
Peut-être cette "lettre" restera lettre-morte, inconsciemment je ne le souhaite pas.....
Peut-être, et sûrement, cette lettre sera-t-elle lue par de futurs lecteurs, et je l'espère tant votre travail mérite d'être récompensé, tant votre ouvrage ouvre la voie de ce poème au plus grand nombre.

Alors certes, on pourra me renvoyer un certain manque d'objectivité, tant pour moi la Divine Comédie est le chef d'oeuvre absolu, mon livre de chevet, dont je dispose en de nombreuses éditions toutes différentes tant ce poème écrit au XIVe siècle est d'une telle richesse, d'une telle subtilité.
Alors j'en convient ce n'est pas un texte qui se apprivoiser si facilement. Il nécessite un réel effort de contextualisation. Il nécessite d'avoir certaines connaissances historiques, mythologiques, théologiques, philosophiques, je m'arrête là avec les mots en iques (je me permettrai une autre litanie d'adjectifs concernant votre travail).
Mais ce poème tant par sa densité, sa profondeur, son atmosphère, sa lumière toute en nuance de sombre pour l'Enfer, son émotion ne peut s'affranchir de représentation qu'elles soient mentales ou physiques.

Je me permets de vous citer : "Nous avons alors préféré ne pas nous décider avant, d'une part, de nous être familiarisés, bien évidemment, avec l'oeuvre elle-même, et, d'autre part, avant d'avoir réfléchi à la forme que notre travail pouvait prendre. de toute évidence, il nous fallait envisager une approche de vulgarisation. Faire un livre pour un vaste public au risque de s'aliéner le milieu intellectuel. Bref, rester humbles, mais veiller, aussi et surtout, à ne pas trahir l'esprit du génie italien."
Et bien on ressent cette appropriation, et cette retranscription dans ce que vous appelez travail de vulgarisation. C'est extrêmement bien réussi. le récit n'a rien perdu de son côté onirique et vous avez réussi à y insuffler un je ne sais quoi qui le rend accessible tout en conservant son côté érudit.
Et c'est bien tout ce qui fait le charme et la qualité de votre ouvrage, on est en permanence sur un fil invisible entre BD et illustration. Et quelles illustrations !!!
La couverture à elle seule est juste magnifique ;
L'arrivée devant les portes de la cité de Ditè la ville dolente est imposante ;
La source du Phlégéthon tonitruante ;
Toutes les enceintes sont majestueuses ;
La tour à degrés vertigineuse ;
La porte de l'Enfer inquiétante ;

Et mention spéciale pour le visage de Dante qui retranscrit à merveille les sentiments qu'il traverse au long de son périple, vous avez sublimement "animé" ce visage que généralement on connaît très austère sur les représentations que nous avons de lui.

Vous avez réussi cette symbiose parfaite entre illustration et BD, on est constamment sur ce jeu d'équilibriste entre ces deux disciplines un peu comme Dante est Virgile en equilibre sur cette corniche....
Chaque "vignette ou case" pouvant être extraite de votre ouvrage et devenir une image à elle seule, une petite oeuvre d'art que l'on sent travaillée, voire ciselée.

Soyez rassurés vous avez relevé ce "défi" avec brio, vous avez réussi l'impossible et soyez-en remerciés pour la qualité de vos dessins, la fluidité de la lecture, l'enchaînement des pages avec et sans dialogues, etc...
Vous n'avez rien à envier à vos illustres prédécesseurs....

Alors chers auteurs, si Olivier Souillé, directeur de la galerie Daniel Maghen vous propose de faire de même avec le Purgatoire et le Paradis, n'hésitez pas. Et si cela ne se fait pas, je refranchirai sans aucune crainte les portes votre Enfer.
Et je termine, ce message en vous assurant de toute mon indulgence (celle que vous demandez en fin d'avertissement), tant votre travail est merveilleux et sublime.
Soyez assurés de mon plus grand respect quant à votre travail, et de mes plus vifs remerciements pour un sublime moment de lecture.

Signé : Aquilon

Purgatoire - Chant IV : "Le poète comprit que j'étais stupéfait de voir le char de la lumière passer entre nous et l'Aquilon."
Purgatoire - Chant XXXII : "Les sept nymphes, autour, faisaient un cloître en cercle, avec ces lumières à la main qui ne redoutent ni l'Autan ni l'Aquilon."

PS : Votre BD de l'Enfer nous emmène au Paradis de l'illustration, sans passer par le Purgatoire contredisant Châteaubriant qui disait : "Le purgatoire surpasse en poésie le ciel et l'enfer, en ce qu'il présente un avenir qui manque aux deux premiers.".
Votre Enfer est un Paradis pour les yeux.
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