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Citations sur Les somnambules (72)

Souvent on dirait que le monde n’est qu’une seule et terrible machine qui ne connaît jamais de repos… La guerre et tout le reste… ça obéit à des lois qu’on ne comprend pas… des lois insolentes qui ne doutent jamais d’elles-mêmes ; des lois d’ingénieurs. Chacun est obligé d’agir comme on le lui prescrit, chacun, sans regarder derrière lui… Chacun est une machine que l’on ne voit que de l’extérieur, une machine hostile… Oh ! la machine c’est le mal, et le mal c’est la machine. Son ordre c’est le néant qui doit nécessairement arriver… avant qu’il soit permis au temps de recommencer une ère nouvelle…
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Rationalisme de l’irrationnel : un homme apparemment d’un rationalisme absolu comme Huguenau est incapable de distinguer le bien du mal. Dans un monde absolument rationnel, il n’existe pas de système de valeurs absolu, il n’existe pas de pécheurs, mais tout au plus des êtres nuisibles.
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Heure terrible de la mort et de la conception! Heure terrible de l'Absolu, supportée et subie par une génération qui s'est éteinte, qui ne sait rien de l'infini où elle est poussée par sa propre logique; sans doctrine, à l'abandon, sans y voir aucun sens, ils sont livrés à l'ouragan glacial; il faut qu'ils oublient pour pouvoir vivre et ils ne savent pas pourquoi ils meurent.
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Si donc son action est soumise au style, sa pensée doit l'être également. Dans cette occurence (du point de vue pratique et du point de vue de la théorie de la connaissance), l'acte a-t-il précédé la pensée, ou la pensée l'acte, le primat de la vie a-t-il précédé le primat de la raison, le " sum " le " cogito ", et le " cogito " le " sum " ? Nous pouvons laisser cette question sans réponse, car l'entendement ne peut saisir que la logique rationnelle de la pensée alors que la logique irrationnelle de l'action dont tout style est constitué ne peut être reconnue que dans l'œuvre créée, dans le résultat.

Troisième partie : 1918, Huguenau ou le réalisme, Chapitre XXXI : Dégradation des valeurs (4).
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Mais en même temps, cette liaison très intime entre l'essence de la pensée logique et les valeurs et les non-valeurs produites par l'action range la logique totale de l'époque le schéma de pensée qui régit un homme comme Huguenau et le contraint à agir et non autrement, qui lui prescrit de faire telles ou telles supputations commerciales et lui fait élaborer des contrats de telle façon et non de telle autre — elle range toute la logique interne de Huguenau dans la logique totale de l'époque et établit un rapport existentiel de cohésion entre celle-ci et cette logique totale qui pénètre l'esprit productif de l'époque et son style visible. Et même si cette pensée rationnelle, même si cette pensée logique n'est rien qu'un fil ténu — un certain sens unidimensionnel de la vie —, la pensée, flottant dans l'espace logique abstrait, n'en est pas moins l'abrégé des multidimensions de l'événement et de son style total, à peu près comme l'ornement dans l'espace corporel est l'abrégé du résultat visible auquel aboutit le style, — l'abrégé de toutes les œuvres porteuses de style.

Troisième partie : 1918, Huguenau ou le réalisme, Chapitre XXXI : Dégradation des valeurs (4).
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Huguenau est un homme dont les actions sont efficaces. Efficace est la division de sa journée, efficace est la manière dont il conduit ses affaires, efficaces l'élaboration et la conclusion de ses contrats. Au fond de tout cela il y a une logique complètement dépouillée d'ornements et il semble qu'on ne fait pas une conclusion trop risquée en disant qu'une pareille logique requiert en tous lieux un style dépouillé d'ornements. Certes, ce style apparaît même aussi bon et aussi juste que l'est tout ce qui est nécessaire. Et cependant, c'est le néant, c'est la mort qui sont liés à ce dépouillement d'ornements, derrière lui se cache la figure monstrueuse d'un trépas, où le temps s'est effondré en ruines.

Troisième partie : 1918, Huguenau ou le réalisme, Chapitre XXXI : Dégradation des valeurs (4).
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La prévalence du style architectural parmi les caractéristiques d'une époque est un des sujets les plus étranges. Après tout, quelle situation privilégiée tout à fait remarquable, les arts plastiques ont-ils reçue à l'intérieur de l'histoire ! Ils ne sont certainement qu'un très mince échantillon dans la foule des activités humaines dont une époque est remplie et, certainement même pas un échantillon très intellectuel, et cependant ils surpassent tous les domaines intellectuels en puissance caractéristique, ils surpassent la poésie, surpassent même la science, même la religion. Ce qui dure à travers les millénaires, c'est l'œuvre d'art plastique, elle reste l'indice de l'époque et de son style.
Cela ne peut pas tenir seulement à la durabilité des matériaux. Parmi les choses qui proviennent de ces derniers siècles, on a conservé du papier écrit, en masse, et cependant, toute statue gothique est plus " moyenâgeuse " que toute la littérature du Moyen Âge. Non, ce serait une très misérable explication ; si une explication est possible, il faut la trouver dans l'essence du concept même de " style ".
Car le style n'est certainement pas une chose qui se limite à la construction ou à l'art plastique : le style c'est quelque chose qui traverse de la même manière toutes les expressions vitales d'une époque. Il serait absurde de parler de l'artiste comme d'un être d'exception, de quelqu'un qui mène une existence particulière à l'intérieur du style et qui produit celui-ci, alors que les autres en sont exclus.
Non, s'il existe un style, toutes les expressions vitales en sont pénétrées. Le style d'une période est tout aussi présent dans sa pensée que dans toute action qui est implantée par les hommes de cette période. Et c'est seulement cette donnée, nécessairement telle, parce qu'il ne peut en être autrement, qui permet d'expliquer un fait surprenant : pourquoi ce sont précisément les actions qui se manifestent dans l'espace qui ont pris une signification si extraordinaire, une signification évidente, au vrai sens du mot.
Peut-être serait-il oiseux d'y réfléchir, si derrière ne se cachait pas le problème qui seul légitime toute philosophie : l'angoisse du néant, l'angoisse du temps qui conduit à la mort. Et peut-être toute cette inquiétude inspirée par la mauvaise architecture et qui fait que je me recroqueville dans mon logement, peut-être toute cette inquiétude n'est-elle rien d'autre que cette angoisse. Car, quoi que l'homme fasse, il le fait pour anéantir le temps, pour le supprimer, et cette suppression s'appelle l'espace. Même la musique, qui est uniquement dans le temps et qui remplit l'espace, transmue le temps en espace, et la théorie qui possède la plus grande vraisemblance, c'est que toute pensée s'accomplit dans l'espace, et que le processus de pensée représente un amalgame d'espaces logiques à multiples dimensions, indiciblement compliqués. Mais s'il en est ainsi, on peut également admettre que toutes ces manifestations qui se rapportent immédiatement à l'espace reçoivent en apanage une signification et une évidence sensible, qui n'appartiennent à aucune autre activité humaine. C'est ce qui éclaire également la signification particulière et symptomatique de l'ornement. Car l'ornement détaché de toute forme utilitaire, bien que celle-ci soit à l'origine de son développement, devient l'expression abstraite, la " formule " de toute la pensée spatiale, devient la formule du style lui-même, et, par là, la formule de toute l'époque et de sa vie.
Et c'est en cela que me semble résider cette signification, que je serais tenté de qualifier de magique, c'est par là, qu'il devient significatif qu'une époque complètement dévolue au trépas et à l'Enfer doive nécessairement vivre dans un style qui n'est plus capable de produire d'ornement.

Troisième partie : 1918, HUGUENAU OU LE RÉALISME : Chapitre XXIV, Dégradation des valeurs (3).
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Toutefois, lorsque, fidèle aux convictions calvinistes qu'il importait de Suisse avec ses périodiques, Lohberg partait en guerre, tel un pasteur, contre les plaisirs des sens, puis d'une même haleine, tel cette fois un orateur socialiste dans une réunion de libres penseurs, venait à exalter la simple et libre vie au sein de la nature, lorsqu'il laissait ainsi pressentir par exemple de sa chétive personne que le monde avait une fêlure, qu'il s'était glissé une abominable erreur de compte dans la tenue des livres de l'univers, erreur que seul pourrait racheter un miraculeux accroissement de l'actif, alors de ce brouillamini il ne se détachait qu'une chose, à savoir qu'il en était du café de la mère Hentjen comme du bureau de tabac de Lohberg : elle gagnait son pain sur le dos des ivrognes et elle aussi détestait ce gagne-pain et cette clientèle.
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"Pour brailler au Reichtag et dans les journaux, ils s'y entendent, ces messieurs les juifs, dit Geyring, mais parler-leur du travail syndical, ils se défilent."
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Toujours, en effet, elle attendait de lui des propos incendiaires et haineux dont elle eût pu repaître son propre dégoût du monde. Elle jetait bien parfois un regard dans la presse socialiste, mais, à dire vrai, ce qu'elle y trouvait lui paraissait bien pâle et elle espérait sans cesse que le discours vivant lui offrirait davantage que l'imprimé. Ainsi elle était d'une part satisfaite d'apprendre que Geyring lui aussi méprisait les journalistes, comme d'ailleurs elle approuvait toujours que quelqu'un méprisât quelqu'un d'autre, mais d'autre part elle se voyait pourtant frustrée dans son attente. Non, il n'avait rien de bien terrible, cet anarchiste, ce bonhomme qui passait sa journée assis au bureau du syndicat à la façon d'un adjudant de police dans son commissariat, et Mme Hentjen eut encore la ferme conviction que l'univers entier n'était qu'un vaste complot entre les hommes, uniquement concerté pour léser et décevoir les femmes.
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