La vie, la prose, la poésie, une lente infusion, l'acuité de la littérature.
Gwendolyn Brooks poétesse renommée, dévoile son unique roman. Prenez soin de ce chef-d'oeuvre !
«
Maud Martha » publié en 1953, judicieusement réédité par les Éditions Globe.
Un portrait d'une justesse impressionnante d'une femme noire (un peu, voire beaucoup, celui de l'autrice) grandissante au fil des pages. Née en 1917, elle est toujours en vie.
C'est une déambulation apprenante. le passage de l'écluse, d'ombre et de lumière et résolument attachant. le pouvoir évocateur du mot-même tiré au cordeau.
On marche dans les pas de
Maud Martha, virtuose de sincérité. L'intégrité d'une femme noire dans les années 40, Chicago en toile de fond et ses relents nauséabonds d'un racisme éprouvant.
Comment forger sa propre identité dans la poussière des chemins austères et monstrueux d'inégalités flagrantes. Quid du noir et du blanc.
Maud Martha sème des petits cailloux pour nous, elles et eux. le charme d'une écriture de coton, douce, voix chuchotante, solfège de magnanimité.
La classe ouvrière noire, ses combats et les exclusions, as de pique gorgé de pluie dans les ruelles intestines.
Son quotidien, kaléidoscope de trente-quatre tableaux. L'idiosyncrasie comme des courants d'air.
Maud Martha décroche les étoiles du ciel et rend son monde beau, envers et contre tout.
« Quelles ineptie. Méchancetés- et inepties-que cela. Mais elle ouvre toutes les fenêtres...Elle représentait l'ensemble de la race « noire » et Charles incarnait la race caucasienne. La bénéficiaire et le bienfaiteur… Ce qu'elle voulait, c'est offrir au monde une bonne
Maud Martha ».
Lucide, étonnante, intelligente, elle essaie de se fondre dans ce siècle de rancoeurs et de ségrégations. Les femmes blanches, caste supérieure, mépris sur les lèvres, et pourtant, elle se frotte aux rusticités, affronte les regards durs, soupçonneux. « Je suis censée faire quoi EXACTEMENT avec toute cette vie ? ».
Mariée, une fillette Paulette, les survivances comme des chapelles. « J'attends un bébé pour cet homme et j'aimerais le porter en paix !… Mais si l'amertume était dans la racine, pour quelle raison perdrait-elle son temps à s'en prendre à la feuille ? ».
Traverser l'immensité glacée des adversités, magistrale et digne, altière et intègre, femme noire, le spartiate d'un logement, qu'importe la pauvreté ! Elle lit « Servitude humaine » et lui « La sexualité du couple marié ». « Mais nous sommes les seules personnes de couleur ici ».
Elle est de mimétisme, dos rond, le silence est sa force. Sombre et merveilleuse, terriblement humaine.
Maud Martha est quasi jumelle avec Amélie Poulain. L'Ère des petits riens et des nobles gestuelles. L'autrice en filigrane, le marque-page qui retient l'essentiel de ce microcosme , antidote aux désillusions d'un Chicago raciste.
Sublime et combattante elle se désolidarise des obscurités prégnantes et dévoreuses. Elle est exemplaire, divinement poignante dans sa ténacité. Elle contourne les obstacles pour les siens et transforme la pluie en arc-en-ciel. Optimiste dans son antre, elle saute par-dessus les flaques des rejets du monde-présent. Les discriminations sont des peintures qui coulent sur les fenêtres. Elle glisse son doigt, magicienne, et les rais de couleur alors, inondent les sourires de sa fillette.
«
Maud Martha » est un edelweiss à flanc de rocher, efficace, un viatique de résistance. Un livre salutaire. le piédestal d'une littérature engagée. Traduit à la perfection de l'anglais (États-Unis) par
Sabine Huynh, également poétesse. Les Éditions Globe viennent de mettre au monde un roman remarquable qui sera vite sur le podium des prix littéraires. À noter Gwendolyn
Elizabeth Brooks, poète américaine et professeure est la première femme noire à recevoir le prix Pulitzer pour son oeuvre poétique en 1950.