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Citations sur Le fleuve des rois (12)

Notre père était un homme dur. Il n’était pas du genre à aimer les embrassades ou à donner la main, et rejetait toute marque d’affection. Il avait du mal à exprimer son amour. Pourtant, il y avait des choses qui lui tenaient à cœur. Le fleuve, par-dessus tout, était comme un membre de sa famille et comptait beaucoup plus à ses yeux que n’importe quel lien de chair ou de sang. Les jours où il ne travaillait pas, il nous y emmenait mon frère et moi, et nous installait à la proue, bien peignés et très sérieux comme si on allait à l’église. Et peut-être était-ce là qu’on allait. Dans son église. Une cathédrale marécageuse et irriguée par de multiples ruisseaux, avec un toit feuillu que soutenaient des colonnes de cyprès et de gommiers. Il nous apprenait ses beautés et ses secrets, ses endroits cachés. Et je crois qu’en nous montrant le fleuve – son fleuve – il nous ouvrait son cœur, au moins en partie. C’est comme ça que je savais qu’il nous aimait.
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Le soleil se lève aussi haut qu’un dieu, ainsi qu’il s’est toujours levé sur une infinité d’histoires, et l’espace d’un instant Hunter se sent légion, indissociable de la multitude des visages qui se tournent, se sont tournés ou se tourneront vers le ciel à midi. Ils sont tellement nombreux à espérer l’avènement d’un royaume qui mettra de la lumière dans chaque jour et de l’or dans chaque heure. Un monde doré de mythes en devenir, où les rivières seront apaisées et où rien ne disparaîtra plus. Mais il sait bien que ce royaume, c’est ici qu’il se trouve. En ce moment. Dans ce pays où dix milles forteresses ont été construites et démolies, où les pluies ruissellent déjà dans les montagnes et où le fleuve s’écoule inlassablement.
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On dit qu'on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, et Hunter sait que cet adage signifie qu'on ne peut jamais toucher deux fois la même eau vive. Qu'à peine effleurée, elle est déjà ailleurs, dans la mer, ou dans les nuages, ou dans le sang des bêtes et des hommes.
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On dit qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, et Hunter sait que cet adage signifie qu’on ne peut jamais toucher deux fois la même eau vive. Qu’à peine effleurée elle est déjà ailleurs, dans la mer, ou dans les nuages, ou dans le sang des bêtes et des hommes. Mais cela va plus loin que ça. Dans sa forme même, le fleuve change sans arrêt, et les cycles de gels, d’inondations, d’érosion et de sédimentation redessinent indéfiniment son cours.
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Tout de suite il fait plus frais, et plus sombre, dans ce cours d’eau protégé par une voûte de cyprès et de tupélos. Éclats de lumière et morceaux de bois rident sa surface, et le monde semble ici plus ancien et plus vaste, comme retranché de sa partie moderne, livrée au soleil. Des racines, parfois parsemées de crapauds, en émergent comme des genoux cagneux et paraissent grandir à mesure que les deux frères remontent le courant. Bientôt, elles prennent la forme de massues noueuses et renflées qu’on dirait faites pour fracasser des crânes. Le ruisseau s’élargit et ils continuent à pagayer entre des cyprès poussés dans l’eau, aux souches fripées comme des doigts de pied. Hunter comprend que ces arbres appartiennent à une forêt primaire dissimulée plus loin dans les marais ; certains doivent avoir plus de mille ans.
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Le Moyne reste à l’écart pendant que La Caille parle avec le chef indien. Celui-ci ne cesse de gesticuler, son doigt brandi en signe de menace, la paume tendue devant eux, et l’artiste n’a pas besoin d’interprète pour comprendre ce qu’il est en train de dire.
Ils n’ont pas respecté les termes de leur alliance.
ls ne lui ont pas apporté leur aide durant la bataille.
Ils l’ont trahi.
Tout autour, les yeux de ses guerriers sont durs comme des éclats de pierre.
Les Français prennent congé et quittent le village, s’évertuant à avancer de front dans le corridor aveugle. Le Moyne ne peut chasser de son esprit l’image des yeux du chef indien, gonflés de fureur et marbrés de vaisseaux rougeâtres semblant près de jaillir de leurs orbites.
« Je crois que nous sommes en fâcheuse posture, lâche La Caille en secouant la tête.
– Il n’était pas content.
Tu t’attendais à quoi ? Notre commandant lui avait promis des hommes et des armes pour combattre ses ennemis. J’ai pas mal bourlingué à la surface du monde, mon ami. Et manquer à sa parole est la seule chose universellement condamnée. »
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J'ai pas mal bourlingué à la surface du monde, mon ami. Et manquer à sa parole est la seule chose universellement condamnée.
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Le spécimen qui focalisait l’attention de tout le monde avait un énorme corps bien gras et une bouche de dessin animé. C’était un monstrueux poisson-chat à tête plate, capable de gober un homme jusqu’à la taille comme s’il avait une queue de sirène. Les pêcheurs durent se mettre à deux pour le hisser sur la balance. L’homme à l’origine de cette prise miraculeuse portait le bouc, une casquette de base-ball à motif camouflage, un jean coupé sous le genou et des tennis blanches souillées. Apparemment, il conduisait les camions de grumes pour le compte de l’usine. Sur sa casquette, on pouvait lire : RAYONIER, du nom de l’une des entreprises les plus importantes u secteur. Il avait pêché ce poisson-chat dans un trou d’eau de cinq mètres, avec un corps de ligne d’un centimètre de diamètre et un plomb de quatre-vingt-cinq grammes. Le doyen de l’association chargé de la pesée avait les yeux rivés au cadran circulaire de la balance et à la flèche rouge qui affichait en tremblant le poids du poisson mort. Suspendu au crochet, celui-ci ressemblait à un têtard mutant, boursouflé par quelque terrifiant produit chimique que l’usine avait rejeté en amont du fleuve.
« Trente-neuf kilos et trois cents grammes, annonça le juge. À deux cents grammes près, le record était battu. »
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Les deux frères contournent un bouquet de palmiers nains hérissés d’épines, et débouchent devant un cyprès colossal qui se dresse vers le ciel telle une colonne de pierre, sa souche aussi large qu’une maison reposant sur une assise de racines boursoufflée et fuselée comme dix troncs réunis en une unique ogive originelle. Des stalagmites boisées, aussi grandes que des hommes, pointent du sol de part et d’autre telles des sentinelles, et il n’est pas impossible que des nuées noires de chauves-souris endormies la tête en bas hantent les creux du tronc de l’arbre.
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Les gens saccagent ce fleuve depuis des siècles. En abattant les arbres qui le bordent, en construisant leurs usines et leurs manufactures. Ils sucent son sang et lui chient dessus. Moi, je l'ai aimé toute ma putain de vie et je l'ai bien traité. Il est temps qu'il me rende la pareille. Si quelqu'un mérite d'en retirer quelque chose de bien, c'est moi.
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