AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Magdalae


Grâce à la dernière opération "Masse Critique" et à l'envoi généreux des éditions "Chèvre-feuille étoilée" (que j'ai été heureuse de découvrir), j'ai pu lire La femme de la mer ionienne, un roman contemporain que j'aurais eu peu de chances de lire dans d'autres circonstances. Pourtant, c'est son titre qui m'a tout de suite intriguée. J'ai été conquise par la poésie de ce titre qui nous fait d'emblée voyager en Méditerranée et ce n'est que sans surprise qu'on retrouve la narratrice tiraillée entre deux vies, deux Italies : celle du Nord, de Milan où elle étouffe et celle du Sud, la région des Pouilles où elle va renaître. La femme de la mer ionienne est clairement une sorte de roman d'apprentissage : réapprendre à devenir femme.

Son auteur, Jackeline van Bruaene, m'était forcément méconnue et plus généralement, c'est assez difficile de se repérer dans la masse de publications spécialement en temps de "rentrée littéraire". J'ai été heureuse de tomber sur un roman contemporain "sérieux" avec un réel travail de la langue (sans être illisible) et une idée de départ originale et prometteuse. C'est d'ailleurs cette originalité qui a guidé mon choix à la lecture du résumé : l'immoralité de l'abandon d'une mère au foyer dans un monde où l'enfant, à la fois son autre et son même, est roi et où la femme doit à la fois rester pleinement femme (désirable, accomplie, indépendante) tout en trouvant sa place. Rentrer dans une case en somme, à la perfection....

Or la perfection n'est pas une vie : être exclusivement une mère de famille ou une femme d'affaire non plus. c'est le tiraillement assuré. C'est ce que vit la narratrice dont on apprend le prénom - les prénoms - qu'assez tardivement. J'ai aimé ce flou facilité par l'usage du "je" et d'un monologue intérieur au début constant avant les premières rencontres. C'est forcément déstabilisant, dérangeant et on ne cherche même pas à forcer l'identification avec le personnage. le lecteur est clairement exclu : interdit de juger, de faire la morale ni même d'approuver ce choix. Il suffit d'écouter l'histoire de Geneviève, cette Française expatriée avec sa petite famille, ou plutôt Maria Pia puisque c'est son prénom d'emprunt au début pour passer incognito, fuir le monde, pour enfin s'assumer.

Malgré une intrigue assez simple, ça a été une lecture assez ardue, un peu fastidieuse pour tout avouer. Dans le style du stream-of-consciousness à la Virginia Woolf par exemple, on a affaire à de longues phrases prolongées à l'infini grâce à de nombreuses virgules. On s'habitue assez facilement à ce genre de syntaxe surtout quand on a l'habitude de lire du Proust, du Claude Simon ou du Faulkner. C'est plutôt l'emploi parfois arbitraire des temps du récit qui est un réel frein. le français étant assez rigide sur ce point, même pour des effets de style, ça ne pardonne pas. Cela s'explique surement par l'énorme place réservée à l'oralité, au parler vrai pour un roman qui avoue à peine son emprunt à la "confession" de peur de paraître trop moral. Ce style parfois "brut de décoffrage" cache parfois des moments franchement stéréotypés : des idées simplistes et manichéennees mais surtout des opinions pas très recherchées notamment sur la politique italienne ou américaine qui jurent un peu avec d'autres propos qui se veulent à bon droit contestataires et intelligents notamment sur la femme ou l'humanitaire. Forcément, ça rend la narratrice d'autant plus banale et bornée, un peu "ratée. Une anti-héroïne sans le savoir en somme.

Malgré une forte dose de romanesque (l'héroïne n'est jamais dans le besoin,, ses enfants ne souffrent pas et elle devient rapidement la protégée d'une généreuse marchande d'objets d'art qui va tout aussi facilement l'aider à se reconstruire par le travail), certains passages restent assez magiques comme la rencontre avec la fameuse "femme de la mer ionienne" (miroir renversé de l'héroïne) mais surtout le récit de voyage des parents de l'héroïne dans le désert africain où ils vont aider une enfant d'esclave malade et en sous-nutrition. C'était plein de poésie et ça sentait le vécu.

La femme de la mer ionienne, c'est surtout l'image d'un objet d'art, une bague, dont Maria Pia va s'enticher. Cette bague, c'est le refus de l'alliance d'un mariage raté pour une autre alliance, un contrat avec soi- même. Une promesse. On a envie de croire au choix de vie de Maria Pia, à son courage et même s'il est irréalisable sans une bonne dose de souffrance et de galères. La fin du roman (qui finit sans finir) ne donne pas forcément envie de tout plaquer mais juste de prendre le temps de réfléchir sur soi- même et sur la femme qu'on veut devenir.

Et d'aller en Italie pour visiter les Pouilles !
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}