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Critique de Presence


Ce tome fait suite à The Authority Révolution, tome 1 (épisodes 1 à 6), la première moitié de cette saison qui forme une histoire complète. Il contient les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2005, écrits par Ed Brubaker, dessinés par Dustin Nguyen, encrés par Richard Friend, avec une mise en couleurs réalisée par Wendy Broome (épisodes 7 à 9), Randy Mayor (épisode 8) et le studio Wildstorm FX (épisodes 11 & 12).

3 ans ont donc passé depuis que les membres de The Authority ont décidé de rendre les rênes du pouvoir au peuple des États-Unis, dans le cadre d'une démocratie. Ce matin, Jenny Quantum a rendez-vous pour son bilan médical annuel. Elle éprouve toutes les difficultés du monde à tolérer la condescendance du médecin car il s'adresse à elle comme à petite fille, ce qui correspond à l'âge de son corps physique. À un moment, elle détecte la présence d'un individu chauve en train d'observer la scène, restant invisible au médecin et à Apollo. Elle n'en dit rien. Apollo la ramène à leur appartement à San Francisco. Jenny se met à dessiner dans sa chambre. Elle est contactée par le Docteur, depuis le Jardin de la Mémoire Ancestrale, celui qui a précédé Jeroen Thorndike. Il s'inquiète de la disparition de ce dernier et de l'absence de Docteur dans le monde. Avant de la ramener du Jardin à San Francisco, il lui répond qu'il n'y a rien qu'elle ne puisse faire. Alors qu'elle boude sur son lit faute de pouvoir aider son ami disparu, Jenny Sparks lui apparaît et l'emmène en lui faisant traverser le miroir sur lequel elle est apparue.

De son côté, Apollo rend compte à Jack Hawksmoor et à Angela Spica (Engineer) de l'évolution de Jenny Quantum, de ses disparations inopinées de sa chambre, et de son voyage vers le Jardin de la Mémoire Ancestrale. Il indique qu'il serait peut-être bon de s'inquiéter de manière plus active de l'absence de Docteur. Pendant ce temps-là, Jenny Quantum effectue son voyage spirituel avec Jenny Sparks, en discutant de la nature de ce qu'elles voient, et surtout de la nature de cette manifestation de Jenny Sparks. Elles finissent par arriver à la Cité Infinie qui repose sur une tortue géante, volant dans un ciel bleu parcouru de petits nuages. Elles atterrissent sur la place principale de la ville, et sont accueillies par Jenny Crusade et Jenny Steam. La première s'exprime dans un anglais très formel et assez emprunté, la second parle beaucoup plus directement et se moque ouvertement des phrases de la première. Jenny Crusade explique à Jenny Quantum que Jenny Steam veut absolument qu'elle soit plus moderne. Jenny Quantum exprime clairement sa joie de découvrir une telle ville, dans son langage peu châtié, ce qui réjouit Jenny Steam qui pense que cette jeune demoiselle est des plus prometteuses.

Après la première moitié de saison, le lecteur se dit qu'il s'est fait une bonne idée de la suite du récit. Ainsi descendus de leur piédestal, les membres de The Authority vont devoir trouver ce qui a pu provoquer leur chute, et ils finiront bien par identifier et trouver le coupable et lui en mettre plein la face. Néanmoins, il reste à découvrir comment ils vont le faire, et quel est l'objectif de l'ennemi, une simple vengeance, ou quelque chose de plus ambitieux dont la vengeance n'est qu'un élément. Ed Brubaker maîtrise bien les caractéristiques des personnages de The Authority et en donne pour son argent au lecteur. L'une des difficultés auxquelles il est confronté est que Warren Ellis avait inventé des nouveaux superhéros pour les débuts de l'équipe, et ne les avait développés que le temps de 12 épisodes, pouvant ainsi se contenter de rester sur des concepts peu approfondis, comme il sait en créer, sans avoir à les creuser. le scénariste reprend la relation entre Apollo et Midnighter, en respectant leur amour, ainsi que leur volonté de ne pas devenir un obstacle dans la vie de l'autre. Il met en scène le côté solaire d'Apollo, ainsi que la fibre plus sombre de Midnighter, en incluant l'explication du fonctionnement de ses pouvoirs, le fait qu'il ait déjà passé en revue des milliers d'actions potentielles de son adversaire.

Ed Brubaker met également en avant le rôle du Docteur, ou plutôt les conséquences de son absence et le mystère qu'elle constitue. le lecteur a le plaisir de retourner 2 fois dans le Jardin de la Mémoire Ancestrale. Il sent bien que le scénariste n'arrive à l'envisager que comme une sorte d'endroit mystique où les âmes des Docteurs perdurent, sans le développer plus que le défrichage effectué par Warren Ellis. Dustin Nguyen se montre même moins descriptif que Bryan Hitch, laissant le plus gros travail de la représentation au metteur en couleurs pour des teintes vives et pop. Ce Jardin est réduit à une sorte de Limbes où la lignée des Docteurs se retrouve et profite d'un repos bien mérité. du coup, le lecteur manque d'enthousiasme en découvrant que Brubaker lui fait le même coup avec la Cité de l'Infini où se retrouve toute la lignée des Jenny. Heureusement, l'artiste se montre plus inventif dans sa représentation : la toute volante irrésistible dans son ampleur, accolant des bâtiments évoquant chacun l'époque d'origine d'une Jenny différente. le scénario ménage un deuxième séjour dans cette Cité de l'Infini, tout aussi visuellement sympathique que le premier. L'intrigue contient au moins un moment par personnage pour mettre en valeur ses caractéristiques et ses pouvoirs. Dustin Nuguyen sait représenter l'attitude insolente et pleine de d'assurance de Jenny avec sa clope à la main, les postures radieuses d'Apollo, la froideur calculatrice tout en efficacité de Midnighter, les capacités technologiques d'Engineer, la connexion spirituelle d'Hawksmoor avec la ville, la grâce de Swift dans ses évolutions aériennes. Seul le Docteur reste un peu retrait en termes visuels.

Dustin Nguyen conçoit ses dessins comme un croisement entre les représentations descriptives simplifiées propres aux comics de superhéros (y compris avec une économie dans la représentation des décors, et leur absence régulière avec des arrière-plans vides), et une forme d'épure fortement inspirée de Mike Mignola. Il ne cherche pas à reproduire l'esprit des dessins de ce dernier, mais utilise des blocs d'aplats de noir aux contours anguleux pour donner du poids aux silhouettes, pour les tirer vers une représentation plus mythologique, intemporelle. le résultat n'a pas l'évidence (trompeuse) des cases de Mignola, mais l'impression de présences et de forces dépassant l'individu se fait ressentir. L'artiste sait trouver un bon point d'équilibre entre ses aplats de noir irréguliers, les éléments représentés, et les surfaces laissées vierge. le lecteur peut constater cet équilibre par exemple lors des séquences se déroulant à bord du Porteur (Carrier). Nguyen délimite avec quelques traits le sol et les montants supportant les baies vitrées, et le metteur en couleur applique les effets spéciaux rouge + motifs géométriques, transcrivant la sensation du milieu The Bleed, à l'identique des tomes précédents.

La narration visuelle donne une impression un peu facile, en reprenant les conventions visuelles des comics de superhéros, avec des aplats de noir un peu plus massifs, un niveau de description suffisant tout en étant un peu superficiel. le lecteur se laisse donc emporter par l'intrigue, tout en constatant régulièrement que dans les faits Dustin Nguyen réalise régulièrement des images saisissantes ; la tortue volante certes, mais aussi les particularités des différentes Jenny en fonction de leur siècle, des ambiances immersives (l'intérieur du Porteur ou les rues de Hong Kong), des séquences d'action saisissantes (la défaite d'Hawksmoor dans le désert, les attaques vicieuses de Midnighter contre les autres membres de l'équipe), et des images inoubliables (un fougueux baiser avec la langue et mélange de salive). de son côté, Ed Brubaker a su donner une motivation double à l'ennemi, à la fois la vengeance, mais aussi une vision politique différente de celle de The Authority, tout en étant aussi valable. le lecteur a l'impression que le scénariste va se contenter d'un combat final pour mettre à bas l'ennemi. Mais en fait, ce dernier évoque les choix politiques de The Authority pour établir leur gouvernement, et la manière dont lui a procédé, influençant l'évolution de l'ordre du monde en toute discrétion. le lecteur retrouve ainsi le thème initial de la saison, abordé sous un angle différent. Bien sûr l'ennemi est dépeint comme un individu dangereux et méprisable parce que sa stratégie comprend la mise à mort des membres de The Authority, mais dans le fond sa manière de procéder apparaît plus acceptable que celle de The Authority. Présenté ainsi, il reste au lecteur à se faire sa propre opinion, entre 2 façons de prendre en main les affaires du monde, chacune des 2 reposant sur un ou des individus convaincus de la pertinence de leur vision, indépendamment de l'avis du peuple.

Dans un premier temps, le lecteur se dit que cette deuxième moitié de saison ne va guère le surprendre, entre les dessins fonctionnels aux caractéristiques esthétiques déjà établies dans la première moitié, et une intrigue qui progresse vers une confrontation finale jouée à l'avance. À la lecture, il apparaît que Dustin Nguyen fait plus que le minimum, créant des visuels mémorables, dans une narration simple et fluide, et qu'Ed Brubaker réserve plusieurs surprises à ses lecteurs, sans oublier de reprendre le fil thématique de la gouvernance.
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