Citations sur Goliat (15)
En remontant plus loin encore, je me rappelle m'être accolé au zinc d'un bar de San Francisco et, en même temps que les verres se succédaient, une colère grondait. Froide, sourde. Elle s'est répandue en moi comme un cancer jusqu'à ce qu'on ne fasse plus qu'une seule et même entité.
Le soleil a pris possession de l'immensité bleue qui s'offre à lui. Et la chaleur qu'il diffuse, malgré l'heure matinale, est déjà suffocante. Le simple rideau tiré en travers de la fenêtre ne suffit pas à piéger tous les rais de lumière qui se jettent à l'assaut de la pénombre. L'un d'eux, après avoir franchi cette unique barrière, traverse la pièce et s'abat sur mes paupières.
Comme une feuille de papier buvard en contact direct avec un stylo- plume, les blouses blanches s'imbibaient d'un liquide poisseux qui s'étalait pour former de grandes rosaces pourpres...
Pour être bien dans sa peau, tout homme devrait avoir au fond du cœur le secret lui permettant d’attendre sans crainte que le soleil de sa vie s’éteigne.
Entre tes iPhone et la quantité innombrable d’accessoires qui vont avec, ton pick-up et ton anglaise décapotable au très généreux treize litres au cent, et ton suicide programmé à grands coups de cholestérol par l’ingestion, à outrance, de viande provenant d’élevage aux proportions démesurées, tu contribues tous les jours à détruire ce que nous avons sous les pieds. Tout comme, avec tes foutus sandwichs au thon provenant des pêches intensives dont les chaluts labourent les fonds marins, tu participes à la destruction des océans. Et je ne te parle même pas des mégots de Pall Mall que tu sèmes à travers toute la ville, n’importe quel autre crétin avec la clope au bec qui passera par là dans deux ans, temps nécessaire à leur dégradation, sera encore capable de te suivre à la trace !
Le bruit caractéristique de la fermeture du sac mortuaire remontant le long du cadavre l'interrompt. Au même moment, et comme un mauvais présage, une nuée d'oiseaux s'envole dans un vacarme trahissant leur affolement. Les trois représentants de la loi ne restent pas plus longtemps sur place.
« Du calme, grand chef, lui lance son collègue en espérant le tempérer. T’énerver ne servira qu’à nourrir ton ulcère.
— Je sais bien que tu as raison, mais merde, tous ces cons font semblant de s’intéresser à notre problème et ça me met hors de moi. Tant qu’il n’est pas ne serait-ce qu’effleuré par le malheur, l’homme ne s’en soucie pas.
— Eh oui, l’homme moderne et civilisé est, dans sa grande majorité, un égocentriste égoïste à tendance narcissique. »
Lentement, les dernières images de la veille me reviennent en mémoire, par flashs, de simples bribes qui me permettent de remonter le temps chronologiquement. Je me revois alors titubant et luttant contre les effets de l'alcool pour monter les escaliers qui mènent à cette piteuse chambre d'hôtel, et encore avant cela, déambuler dans les rues sous le regard accusateur des passants outrés par mon ivresse. En remontant plus loin encore, je me rappelle m'être accolé au zinc d'un bar de San Francisco et, en même temps que les verres se succédaient, une colère grondait. Froide, sourde. [...]
Maintenant, ce sont les raisons de cette colère qui me reviennent à l'esprit. Je repense à l'homme qui m'a tout pris, mais aussi à ce moment où je n'ai pas pu empêcher que la vie finisse en cauchemar.
Un haut-le-cœur me ramène à la réalité, je me précipite alors dans la salle d'eau et me penche sur la cuvette pour vomir. Planté au-dessus du résultat de ma gueule de bois, j'affronte le mélange des effluves émanant de mon estomac, ce qui fait ressurgir d'autres souvenirs plus lointains encore.
Quelque chose me dit que comme Chaplin vous fuyez les temps modernes. Je me trompe ?
– Là, tu te plantes, mon petit gars. Pour moi, le progrès est arrivé lorsqu’on a planté un lave-linge dans la salle de bains de ma grand-mère pour lui retirer les mains de son lavoir. Et “l’avancée” ce serait que les bonshommes apprennent à s’en servir.
Mon boulot va consister à confronter des particules de pétrole à des bactéries, le tout plongé dans une eau glaciale et apparemment au beau milieu de bancs de cachalots. Tout ça pour m’assurer qu’elles seront le remède miracle à la pollution engendrée par des millions de mâles surexcités par le pouvoir que leur procure leur grosse auto.