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Citations sur Mihailovic, Héros trahi par les Alliés (1893-1946) (2)

En un mois, Mihailovic a beaucoup changé. Son visage s'est creusé et sa légendaire bonne humeur s'est muée en une mélancolie ineffaçable. Les conclusions de la conférence de Téhéran sont à l'origine de son accablement, mais pas seulement. Il vient d'apprendre que sa fille Gordana, qui a réussi à s'évader de sa prison de Belgrade, s'est ralliée aux idées communistes. Un de ses hommes avec qui il s'est brouillé lui a fait parvenir le journal intime de son enfant : Cica a reconnu son écriture. Il était dit que sa souffrance n'aurait pas de limites.
Lorsqu'il s'approche de Mihailovic pour lui transmettre l'ordre du commandement allié, Rootham ne parvient pas à repérer immédiatemment le chef tchetnik. Debout au milieu d'un groupe de paysans, il se distingue à peine de ses interlocuteurs. Avec sa taille moyenne, ses vêtements élimés, sa barbe noire et son calot gris, rien n'indique qu'il est un général et le chef d'une armée.
Le major anglais parvient enfin à la hauteur de Mihailovic et lui expose la demande de Wilson. Le général l'écoute, retourne converser avec les paysans, puis entraîne Rootham un peu à l'écart.
" Non seulement votre gouvernement se prépare à m'abandonner, soupire Mihailovic, mais il veut que je lui fournisse les raisons de cette attitude. Tito a trompé Churchill et votre gouvernement. Churchill est sincèrement convaincu que Tito est un démocrate, qu'il se bat pour la liberté de notre peuple, pour les droits sociaux et économiques de tous, qu'il respectera la propriété, ne tolérera aucune violence, qu'il est l'ami de l'Angleterre. Churchill n'a pas vécu dans les républiques de Bihac et d'Uzice. Il ne connaît pas les rigueurs d'un régime totalitaire. On a loué Tito, on m'a calomnié. J'ai toujours été un homme de gauche, comme on me l'a autrefois reproché à Belgrade. Maintenant, pour me condamner, on me désigne comme un réactionnaire, un collaborateur, un dictateur, un ami des Allemands, moi qui ai seul refusé la défaite pendant que les communistes s'en réjouissaient, moi l'homme du 19 mai 1941 à Ravna Gora !
- Si vous refusez de détruire ces ponts, insista Rootham, vous ne serez plus reconnu par l'Angleterre.
- Vous avez vu ces paysans qui me parlaient tantôt ? Ce sont des riverains de l'Ibar. Ils m'ont supplié de ne rien faire. Ils m'ont parlé de leurs femmes, de leurs enfants, de leurs maisons, de leurs hôtes. Ils m'ont parlé des représailles allemandes.
" Ce petit pont ne modifiera rien, de toute façon, à la marche des événements. L'acte de sabotage vous permettra d'envoyer au Caire un communiqué glorieux où vous parlerez de la mort de 100 ou 200 hommes qui ont eu confiance en moi et de la ruine de leur village. Vous n'avez pas bâti votre existence entière par le travail de vos mains, major. Vous n'avez pas élevé, nourri, soigné vos bêtes, construit vos outils, préparé vos semences, tondu la laine qui vous habille, récolté votre nourriture par les longs mois d'hiver. Vous ne pouvez comprendre ce qu'est le travail de ces humbles, ce que signifie pour eux la perte d'une maison que les Allemands brûlent joyeusement.
" Je leur ai dit que je me battais pour eux, que j'étais des leurs. Ils ont confiance en moi. Comprenez-vous ce sentiment de responsabilité, ce devoir heureux que l'on éprouve envers ceux qui ont confiance en vous ? Pourriez-vous trahir cette foi ? Et de l'autre côté, cela : pour sauver ces vies, me perdre.
" Un ultimatum, n'est-ce pas ? La fin de votre aide ? Refuser de faire sauter le pont, c'est ne pas être présent pour la libération et laisser la place à Tito. Trois années de loyauté vis-à-vis des Alliés auront abouti à l'abandon.
" Tel est mon choix : plaire à une poignée de paysans pouilleux ou à l'immense Angleterre.
" Je ne puis donner cet ordre. "
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Peine perdue : même les protestations des officiers alliés témoins de victoires tchetniks revendiquées par les partisans [ communistes de Tito ] ne seront, jusqu'à la fin de la guerre, prises en considération. Ainsi, la destruction du pont de Visegrad, l'un des plus grands exploits militaires des monarchistes yougoslaves entre 1941 et 1944.
Préparée avec minutie par Mihailovic lui-même, l'attaque de Visegrad a été décidée en accord avec le général britannique Armstrong et le lieutenant-colonel américain Seitz qui ont été parachutés en territoire tchetnik le 24 septembre. Le général royaliste a alors compris qu'il ne profiterait pas comme il l'avait escomté de la capitulation italienne. Fidèle à son habitude, il refuse néanmoins de céder au pessimisme. Fidèle également à ses engagements, il veut montrer aux nouveaux arrivants que son énergie à lutter contre l'occupant n'est pas émoussée. Et parvenir, qui sait, à susciter chez les Alliés un regain de sympathie à son égard.
Située à 80 kilomètres de Sarajevo sur la Drina, la rivière qui sépare la Serbie et la Bosnie, la ville de Visegrad abrite une garnison de 800 Allemands et oustachis. À la tête d'une armée de 2500 hommes rassemblés en moins d'une semaine, le commandant Zaharije Ostojic lance son offensive à l'aube du 7 octobre. Après avoir détruit trois petits ponts en aval de la ville, l'assaut est donné - furieux, irrésistible. À la fin de la journée, Visegrad tombe aux mains des monarchistes qui récupèrent 500 fusils, une vingtaine de canons et de nombreuses munitions. 350 ennemis gisent dans les rues de la ville.
Dès le lendemain, la troupe se dirige vers le pont ferré de cent cinquante mètres de long, quelques kilomètres plus au sud. Après avoir maîtrisé la garnison de 300 hommes stationnée près de l'ouvrage, les tchetniks envoient plusieurs plongeurs déposer les charges explosives, soit plusieurs centaines de kilos, jugées nécessaires pour précipiter le pont d'acier dans la rivière et couper ainsi la ligne ferroviaire Uzice-Visegrad. Puis, sous les yeux et les cris de joie de l'armée tchetnik et de Hudson, Armstrong, Archie Jack et d'autres officiers alliés présents, le colonel Seitz est invité à appuyer sur le détonateur.
Dès le lendemain de l'opération, Armsrong et Seitz repartent au quartier général de Mihailovic d'où le général britannique envoie un rapport où se mêlent admiration et enthousiasme. Avis est également donné de faire, de cet événement, une grande publicité sur les ondes de la BBC. Plusieurs jours passent, la radio anglaise reste désespérément muette. Enfin, un soir, alors que Mihailovic et ses hôtes sont en train de bavarder devant un feu, quelqu'un entend le mot Visegrad prononcé par un speaker. Immédiatement, les oreilles se tendent vers le poste de radio : " Les courageux partisans ont détruits la semaine dernière les quatre ponts ferroviaires qui relient Uzice à Visegrad. "
Une chape de silence tombe sur le camp. " C'est une chose terrible ", murmure, défait, le lieutenant-colonel Seitz. " Une chose terrible, oui, renchérit le général Armstrong. Depuis quand refuse-t-on d'accorder foi au témoignage d'un général britannique sur le théâtre des opérations ? " Et l'officier anglais de se précipiter pour adresser un nouveau message au Caire signalant qu'il a personellement assisté à la destruction du pont de Visegrad par les royalistes de Mihailovic. Son rectificatif ne sera jamais diffusé.

Realpolitik d'abord : dans l'objectif qu'il s'est assigné - la conquête du pouvoir en Yougoslavie -, Tito n'a fixé aucune frontière morale. Ainsi accepte-t-il sans sourciller l'aide croissante que les Alliés - qu'il déteste - s'obstinent à lui apporter.
[ . . . ]
S'il pratique la politique du grand pardon pour quelques milliers des plus zélés collaborateurs du IIIème Reich, Tito continue à faire preuve d'une détermination guerrière sans faille vis-à-vis des résistants royalistes yougoslaves. En octobre 1943, il donne carte blanche à deux de ses lieutenants, Peko Dapcevic et Blazo Jovanovic, pour " nettoyer " le Monténégro de la présence tchetmik. Ayant repéré une petite unité royaliste réfugiée dans le monastère d'Ostrog, près de Niksic, les deux hommes s'apprêtent à donner l'assaut de la falaise au sommet de laquelle celui-ci est perché. À l'intérieur se trouvent deux des commandants tchetniks les plus prestigieux : Bajo Stanisic et Blazo Djukanovic. Pour ce dernier, toute lutte est vaine : aussi négocie-t-il sa redition en échange de la vie sauve pour lui et vingt-trois de ses compagnons. Les communistes acceptent. Une fois parvenus dans le camp de ceux-ci, les vingt-quatre hommes sont exécutés. Au bruit des coups de feu, Stanisic se penche à la fenêtre du monastère : il est abattu par un partisan. Mihailovic vient de perdre deux chefs de la résistance royaliste au Monténégro.
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