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EAN : 9782262035075
352 pages
Perrin (03/02/2011)
4.42/5   6 notes
Résumé :
Le 17 juillet 1946, le général Draza Mihailovic est fusillé par les communistes yougoslaves au terme d'une parodie de procès. Avec sa mort disparaît le chef de la résistance monarchiste anti-allemande, dernier obstacle à la conquête de la Yougoslavie par Tito. Né en 1893 au coeur de la vieille Serbie, décoré à de multiples reprises durant les deux guerres balkaniques (1912-1913) et la Première Guerre mondiale, Mihailovic intègre ensuite l'état-major de l'armée yougo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ce livre retrace l'histoire de Draža Mihailovic, général serbe, pris dans les tourments de l'histoire yougoslave de la première moitié du XXe siècle.

A sept ans, Draža se retrouve orphelin et c'est son oncle, Vladimir, qui va le prendre sous son aile et l'emmener à Belgrade. Rapidement, il décide d'embrasser une carrière militaire. Lors de son examen d'entrée à l'académie militaire, il sera dans les trente lauréats. Bon élève, il se révélera aussi être un fervent croyant.

En 1912, alors que l'Empire ottoman s'est affaibli, la ligue balkanique va en profiter pour démarrer la première guerre balkanique. Mihailovic est alors nommé adjudant. La bataille de Kumanovo est une victoire des Slaves contre les Turcs. Ils iront même jusqu'en Albanie mais Vienne fera en sorte que cette dernière déclare son indépendance afin d'y bouter les Serbes. Pire, ils fomentent avec les Bulgares une stratégie pour que ces derniers attaquent les armées serbes et grecques, en vain.
Le régiment de Mihailovic fait partie des plus efficaces lors de la première guerre balkanique. Il sera promu sergent major et obtiendra la médaille d'argent.

Lors de la deuxième guerre balkanique contre les Bulgares, il est stationné au Kosovo, chargé de surveiller la frontière avec l'Albanie. On y craint des infiltrations d'albanais qui se font passer pour des serbes.
Si l'idée d'une Yougoslavie commence à germer dans l'esprit des Croates et des Serbes, l'Autriche-Hongrie ne souhaite évidemment pas qu'ils y parviennent.
Le 28 juin 1914, jour du Vidovdan, le prince héritier choisit cette date pour parader en Bosnie et rappeler à tous à qui cette terre appartient. Provocation de trop, Gavrilo Princip, membre de la Main Noire, assassine le prince. C'est le déclenchement de la Première Guerre Mondiale. le 22 juillet, un ultimatum est lancé à la Serbie : sur 10 points, la Serbie dira non à un seul (que l'enquête de l'assassinat soit menée par l'Autriche-Hongrie). le prétexte est trouvé pour déclarer la guerre et bombarder la Serbie.

Mobilisé dès juillet, Mihailovic va subir l'assaut de l'armée ennemie. L'assaut est repoussé grâce au général Stepanovic. Draža démontre un comportement exemplaire malgré des relations difficiles avec les hautes instances militaires. Il reçoit la médaille d'or pour sa bravoure. À 21 ans, il est déjà un héros. A la fin de l'année 1914, la Serbie a humilié un empire pourtant plus fort que lui. Belgrade ne tombe qu'en octobre 1915 et la déroute de l'armée serbe suit. C'est le grand exode de l'hivers 1915 avec, à sa tête, le roi Pierre. Mihailovic est des leurs. Ils traversent alors les montagnes d'Albanie tout en se faisant agresser par les bandits albanais. Il arrivera, éreinté, sur l'île de Corfou où il sera soigné.
Remis sur pied, il retourne se battre aux côtés des Français. Il sera blessé, puis retournera au combat une nouvelle fois. Il sera promu lieutenant et aura de nouvelles décorations. Il s'adonne aussi à sa passion : la photographie. Il suit des cours d'instructions militaires donnés par les Français. Avec l'aide de Franchet d'Esperey, commandant en chef des armées alliées en Orient : contre-offensive des Serbes qui mène à un armistice avec la Bulgarie. Guillaume II dira : "c'est une honte : 62 000 serbes ont décidé de l'issue de la guerre." 1 200 000 serbes sont morts.
Il aura su montrer son courage, sa bonne humeur et son charisme à ses troupes.

En septembre 1919 : il intègre le premier bataillon de la garde royale à Belgrade. Puis se forme l'Etat des Serbes, Croates et slovènes. Mais certains Croates ne rêvent que d'une Croatie libre et indépendante. le PCY (Parti Communiste Yougoslave) quant à lui est interdit. Mihailovic se marie et devient père de 3 enfants. Après l'assassinat du roi Aleskandar à Marseille, il est commandant du train qui mène la dépouille du défunt à travers la Serbie.

A la fois espion et diplomate en Bulgarie pendant une très courte période, il écrira ensuite un rapport sur la nécessité de réformer une armée restée vingt ans en arrière, voulant basculer vers une guerre de mouvement plutôt qu'une guerre statique avec des fortifications. le temps lui donnera raison mais l'état-major n'est pas de son avis. Résultat de son analyse : 30 jours d'arrêt et retour à Belgrade.

Vient alors la Seconde Guerre Mondiale. Rapidement, l'Europe s'effondre et la France est vaincue. le pacte tripartite signé avec les forces de l'Axe ne le sera que 2 jours ! Un coup d'état renverse le gouvernement et la résistance est lancée. Pierre II, 17 ans, arrive au pouvoir. Dès lors, Hitler souhaite éradiquer la Yougoslavie. Mais cela le contrarie dans ses plans et lui fait perdre 4 semaines sur sa campagne militaire prévue contre la Russie. Au bout de 12 jours, l'armistice est signé. Les Allemands n'ont perdu que 558 hommes ! Mihailovic entre en résistance avec seulement 80 hommes, il sera le premier des maquisards. Il doit combattre les Allemands mais aussi les oustachis ou encore les musulmans ! Il s'avère être un maître dans l'art de la résistance. Il applique sa stratégie de troupes mobiles. Les Tchetniks sont nés.

En même temps, apparait un autre personnage : Josip Broz Tito (qui, en 1914, participait aux raids contre les Serbes en étant dans l'armée allemande). Tandis que les Tchetniks résistent contre l'Allemagne, le PCY fait tout pour affaiblir le régime pour, plus tard, prendre sa place. Ils vont même jusqu'à soutenir les oustachis, mouvement fasciste croate. Au cours de l'été 1941 se déroule un véritable massacre des oustachis envers les Serbes.
Finalement, les 2 hommes se rencontrent et parviennent à un accord de collaboration ponctuelle. La situation se complique lorsque d'autres personnes, qui se font aussi appelés Tchetniks, rejoignent les Allemands et collaborent. Malgré cela, les désaccords sont trop nombreux et une guerre civile entre monarchistes et partisans communistes est inévitable. En 1942, il devient ministre de la Guerre, sur ordre du roi. Refusant de se rendre au gouvernement collaborateur, sa famille est arrêtée et incarcérée dans des camps de concentration.
Mihailovic forcera tellement l'admiration qu'il sera à la une du magazine Time en 1942. Il devient en même temps la cible numéro un des Allemands.
Les Tchetniks organisent de nombreux sabotages pour gêner les opérations allemandes. Tandis que Mihailovic combat, Tito fait de la politique et massacre des villages serbes liés aux Tchetniks (malgré le soutien de l'URSS, Tito sera réprimé par Staline dans sa lutte contre les royalistes).

En 1942, un accord est passé entre Churchill et Staline. Mihailovic est abandonné par les Anglais qui jouaient jusqu'alors sur les deux tableaux entre les partisans et les royalistes. Les Anglais falsifient la réalité et font passer les partisans pour les seuls combattants l'occupation nazie. La célèbre radio, la BBC, n'hésite pas à mentir. Tito ira, plus tard, jusqu'à falsifier et détruire des journaux pour montrer que les partisans étaient les seuls résistants.
En février 1943, Tito se retrouve coincé avec ses hommes entre les forces de l'Axe et les Tchetniks. Il préférera attaquer les Tchetniks et gagnera la bataille de Neretva. Il ira même jusqu'à conclure une trêve avec les Allemands. Toutefois Hitler décide de lancer une nouvelle attaque.
Le défaite de l'Italie est un tournant. Tito parvient à réunir les Croates, anciens alliés de l'Italie à ses troupes. Certains d'entre eux, "repentis", deviendront ses futurs ministres. En même temps, Tito continue de faire du zèle contre les royalistes.

Le 28 novembre 1943 a lieu la conférence de Téhéran. Roosevelt, Churchill et Staline s'accordent sur le partage de l'Europe... Et sur l'abandon du soutien de Mihailovic en faveur des partisans. Si le roi Pierre II a résisté pendant longtemps à la pression de Churchill, il se voit obligé d'abdiquer et de ne plus soutenir Mihailovic.
Tandis que les Tchetniks s'engagent une dernière fois dans des attaques contre les Allemands, les partisans, eux, en profitent pour attaquer les royalistes.
Le 12 septembre 1944, le roi abandonne Mihailovic et demande à tous de rejoindre les partisans.
Le général serbe a été trahi par les Anglais et, désormais, par son roi.
Lors de l'arrivée de l'armée rouge, les Tchetniks combattent avec elle et libèrent des villes... Avant d'être une nouvelle fois trahis et tués par les partisans.
L'épuration des communistes contre les royalistes est lancée. Des dizaines de milliers de personnes sont tuées ou envoyées dans des camps en URSS.

A la libération, il est de nouveau trahi par sa fille, Gordana, qui est passée du côté des partisans (elle le dénonce à la radio). Mais le combat continue après un repli dans les montagnes de Bosnie. Tout en sauvant les aviateurs alliés échoués. Les Anglais pensent se répartir la Yougoslavie avec la Russie sauf que Tito ne l'entendra pas ainsi.
Le 13 mai 1945, les partisans se ruent sur les tchetniks, c'est un massacre. Son fils Voja se fait tuer sous ses yeux.

Il sera fait prisonnier, et subira des tortures. Tandis qu'en Occident des voix s'élèvent pour sa libération, (notamment des pilotes alliés sauvés par les Tchetniks), son procès est fabriqué de toutes pièces : des documents sont falsifiés, on ne retient que ce qui est à charge contre l'ancien général. de plus, il apparait régulièrement dans un état second, probablement drogué, pour qu'il ne puisse se défendre correctement. Seules deux femmes oseront témoigner en sa faveur, elles seront par la suite interdites de travailler. Son avocat sera jeté en prison où il mourra. Mihailovic est reconnu coupable, il sera exécuté le 17 juillet 1946 dans un lieu tenu secret encore aujourd'hui.

Il a été conspué par Tito et donc classé comme fasciste pendant plusieurs décennies dans l'histoire serbe. Un procès l'a réhabilité en 2015, soit 69 ans après sa mort, reconnaissant que son procès n'avait pas été équitable et avait été falsifié.

Finalement, Draža Mihailovic aura été un fervent patriote pour une Yougoslavie royale et indépendante. Courageux, chef de guerre ingénieux, il succombera à cause des multiples trahisons et d'un Tito qui souhaite régner en seul maître sur la Yougoslavie.
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Une excellente biographie, qui au final prend la forme d'une réhabilitation. C'est du bon travail d'historien précis, documenté, étayé. On tire la conclusion des faits, au lieu d'essayer de déformer les faits pour les faire coller au point de vue qu'on veut démontrer. Pour autant que je puisse en juger en tout cas, car je ne suis pas historien de formation, et les documents sur la résistance en Yougoslavie ne courent pas les étalages.

Les faits qu'ils présentent (sourcés) sont stupéfiants, et totalement inconnus pour beaucoup. En comparaison de du sort de la Yougoslavie, l'occupation de la France apparait presque enviable. Les dimensions atteintes par la résistance locale, impressionnantes.

La trahison sans excuse des alliés est terrible. A Yalta, il a été décidé que la Yougoslavie échouerait aux soviétiques et la Grèce aux occidentaux. La résistance yougoslave est dominée par les royalistes et républicains, et celle des grecs par les communistes ? On s'en fiche. Les troupes des uns et des autres se chargeront de liquider ce que les SS ont laissés. La propagande fera le reste.

On connait la puissance des dictatures communistes dans ce domaine. Celle de Tito fut particulièrement efficace, puisqu'elle réussit à discréditer totalement les Tchetniks et à les faire passer pour des collaborateurs.

Ayant eu la chance de lire un livre "d'histoire" rédigé dans cette ligne, je peux mesurer la différence de qualité des travaux d'historien. J'ai pu également mieux comprendre certaines batailles qu'il décrivait, pour le moins curieuses d'un point de vue militaire... Et qu'on comprend mieux en apprenant qu'à l'époque, les troupes de Tito se limitaient en fait à une poignée d'hommes, même si elles étaient baptisées "divisions" !

Un livre présentant un aspect particulièrement méconnu et triste de la seconde guerre mondiale, et défaisant un écheveau soigneusement embrouillé par la propagande soviétique.
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C'est l'histoire d'une de ces fautes des démocraties occidentales qui contribuèrent à livrer l'Europe centrale au communisme. En 1943 pour complaire à Staline, les alliés ont abandonnés au profit de Tito le premier des résistants; et Tito l'a sali, brisé, liquidé, avec la complicité tacite du monde libre, lâché leur allié naturel avec cynisme par Churchill et Roosevelt alors que les américains l'appelaient le Robin des bois des Balkans. Et les épitaphes élogieuses venues bien trop tard de Churchill dans ses mémoires. La Légion d'honneur décernée à titre posthume, non publique rendue par le président Truman reconnaissant les conditions exceptionnellement difficiles dans lesquelles Mihaïlovic s'est distingué, pour servir la cause des alliés dans l'obtention de la victoire définitive...
Le président Nixon a ainsi déclaré: le général Mihaïlovich fut un patriote courageux. Des centaines d'aviateurs lui doivent leur vie...Le peuple américain n'oubliera jamais cette dette.
Belles et nobles, claironnantes déclarations, on ne peut s'empêcher d'y sentir de puissants relents de cynisme politicien.
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Où l'on voit la malfaisance mensongère du communisme et de Tito, soutenue par la déloyauté et le cynisme de Churchill, briser la résistance royaliste et broyer la droiture d'un héros trahi.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
En un mois, Mihailovic a beaucoup changé. Son visage s'est creusé et sa légendaire bonne humeur s'est muée en une mélancolie ineffaçable. Les conclusions de la conférence de Téhéran sont à l'origine de son accablement, mais pas seulement. Il vient d'apprendre que sa fille Gordana, qui a réussi à s'évader de sa prison de Belgrade, s'est ralliée aux idées communistes. Un de ses hommes avec qui il s'est brouillé lui a fait parvenir le journal intime de son enfant : Cica a reconnu son écriture. Il était dit que sa souffrance n'aurait pas de limites.
Lorsqu'il s'approche de Mihailovic pour lui transmettre l'ordre du commandement allié, Rootham ne parvient pas à repérer immédiatemment le chef tchetnik. Debout au milieu d'un groupe de paysans, il se distingue à peine de ses interlocuteurs. Avec sa taille moyenne, ses vêtements élimés, sa barbe noire et son calot gris, rien n'indique qu'il est un général et le chef d'une armée.
Le major anglais parvient enfin à la hauteur de Mihailovic et lui expose la demande de Wilson. Le général l'écoute, retourne converser avec les paysans, puis entraîne Rootham un peu à l'écart.
" Non seulement votre gouvernement se prépare à m'abandonner, soupire Mihailovic, mais il veut que je lui fournisse les raisons de cette attitude. Tito a trompé Churchill et votre gouvernement. Churchill est sincèrement convaincu que Tito est un démocrate, qu'il se bat pour la liberté de notre peuple, pour les droits sociaux et économiques de tous, qu'il respectera la propriété, ne tolérera aucune violence, qu'il est l'ami de l'Angleterre. Churchill n'a pas vécu dans les républiques de Bihac et d'Uzice. Il ne connaît pas les rigueurs d'un régime totalitaire. On a loué Tito, on m'a calomnié. J'ai toujours été un homme de gauche, comme on me l'a autrefois reproché à Belgrade. Maintenant, pour me condamner, on me désigne comme un réactionnaire, un collaborateur, un dictateur, un ami des Allemands, moi qui ai seul refusé la défaite pendant que les communistes s'en réjouissaient, moi l'homme du 19 mai 1941 à Ravna Gora !
- Si vous refusez de détruire ces ponts, insista Rootham, vous ne serez plus reconnu par l'Angleterre.
- Vous avez vu ces paysans qui me parlaient tantôt ? Ce sont des riverains de l'Ibar. Ils m'ont supplié de ne rien faire. Ils m'ont parlé de leurs femmes, de leurs enfants, de leurs maisons, de leurs hôtes. Ils m'ont parlé des représailles allemandes.
" Ce petit pont ne modifiera rien, de toute façon, à la marche des événements. L'acte de sabotage vous permettra d'envoyer au Caire un communiqué glorieux où vous parlerez de la mort de 100 ou 200 hommes qui ont eu confiance en moi et de la ruine de leur village. Vous n'avez pas bâti votre existence entière par le travail de vos mains, major. Vous n'avez pas élevé, nourri, soigné vos bêtes, construit vos outils, préparé vos semences, tondu la laine qui vous habille, récolté votre nourriture par les longs mois d'hiver. Vous ne pouvez comprendre ce qu'est le travail de ces humbles, ce que signifie pour eux la perte d'une maison que les Allemands brûlent joyeusement.
" Je leur ai dit que je me battais pour eux, que j'étais des leurs. Ils ont confiance en moi. Comprenez-vous ce sentiment de responsabilité, ce devoir heureux que l'on éprouve envers ceux qui ont confiance en vous ? Pourriez-vous trahir cette foi ? Et de l'autre côté, cela : pour sauver ces vies, me perdre.
" Un ultimatum, n'est-ce pas ? La fin de votre aide ? Refuser de faire sauter le pont, c'est ne pas être présent pour la libération et laisser la place à Tito. Trois années de loyauté vis-à-vis des Alliés auront abouti à l'abandon.
" Tel est mon choix : plaire à une poignée de paysans pouilleux ou à l'immense Angleterre.
" Je ne puis donner cet ordre. "
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Peine perdue : même les protestations des officiers alliés témoins de victoires tchetniks revendiquées par les partisans [ communistes de Tito ] ne seront, jusqu'à la fin de la guerre, prises en considération. Ainsi, la destruction du pont de Visegrad, l'un des plus grands exploits militaires des monarchistes yougoslaves entre 1941 et 1944.
Préparée avec minutie par Mihailovic lui-même, l'attaque de Visegrad a été décidée en accord avec le général britannique Armstrong et le lieutenant-colonel américain Seitz qui ont été parachutés en territoire tchetnik le 24 septembre. Le général royaliste a alors compris qu'il ne profiterait pas comme il l'avait escomté de la capitulation italienne. Fidèle à son habitude, il refuse néanmoins de céder au pessimisme. Fidèle également à ses engagements, il veut montrer aux nouveaux arrivants que son énergie à lutter contre l'occupant n'est pas émoussée. Et parvenir, qui sait, à susciter chez les Alliés un regain de sympathie à son égard.
Située à 80 kilomètres de Sarajevo sur la Drina, la rivière qui sépare la Serbie et la Bosnie, la ville de Visegrad abrite une garnison de 800 Allemands et oustachis. À la tête d'une armée de 2500 hommes rassemblés en moins d'une semaine, le commandant Zaharije Ostojic lance son offensive à l'aube du 7 octobre. Après avoir détruit trois petits ponts en aval de la ville, l'assaut est donné - furieux, irrésistible. À la fin de la journée, Visegrad tombe aux mains des monarchistes qui récupèrent 500 fusils, une vingtaine de canons et de nombreuses munitions. 350 ennemis gisent dans les rues de la ville.
Dès le lendemain, la troupe se dirige vers le pont ferré de cent cinquante mètres de long, quelques kilomètres plus au sud. Après avoir maîtrisé la garnison de 300 hommes stationnée près de l'ouvrage, les tchetniks envoient plusieurs plongeurs déposer les charges explosives, soit plusieurs centaines de kilos, jugées nécessaires pour précipiter le pont d'acier dans la rivière et couper ainsi la ligne ferroviaire Uzice-Visegrad. Puis, sous les yeux et les cris de joie de l'armée tchetnik et de Hudson, Armstrong, Archie Jack et d'autres officiers alliés présents, le colonel Seitz est invité à appuyer sur le détonateur.
Dès le lendemain de l'opération, Armsrong et Seitz repartent au quartier général de Mihailovic d'où le général britannique envoie un rapport où se mêlent admiration et enthousiasme. Avis est également donné de faire, de cet événement, une grande publicité sur les ondes de la BBC. Plusieurs jours passent, la radio anglaise reste désespérément muette. Enfin, un soir, alors que Mihailovic et ses hôtes sont en train de bavarder devant un feu, quelqu'un entend le mot Visegrad prononcé par un speaker. Immédiatement, les oreilles se tendent vers le poste de radio : " Les courageux partisans ont détruits la semaine dernière les quatre ponts ferroviaires qui relient Uzice à Visegrad. "
Une chape de silence tombe sur le camp. " C'est une chose terrible ", murmure, défait, le lieutenant-colonel Seitz. " Une chose terrible, oui, renchérit le général Armstrong. Depuis quand refuse-t-on d'accorder foi au témoignage d'un général britannique sur le théâtre des opérations ? " Et l'officier anglais de se précipiter pour adresser un nouveau message au Caire signalant qu'il a personellement assisté à la destruction du pont de Visegrad par les royalistes de Mihailovic. Son rectificatif ne sera jamais diffusé.

Realpolitik d'abord : dans l'objectif qu'il s'est assigné - la conquête du pouvoir en Yougoslavie -, Tito n'a fixé aucune frontière morale. Ainsi accepte-t-il sans sourciller l'aide croissante que les Alliés - qu'il déteste - s'obstinent à lui apporter.
[ . . . ]
S'il pratique la politique du grand pardon pour quelques milliers des plus zélés collaborateurs du IIIème Reich, Tito continue à faire preuve d'une détermination guerrière sans faille vis-à-vis des résistants royalistes yougoslaves. En octobre 1943, il donne carte blanche à deux de ses lieutenants, Peko Dapcevic et Blazo Jovanovic, pour " nettoyer " le Monténégro de la présence tchetmik. Ayant repéré une petite unité royaliste réfugiée dans le monastère d'Ostrog, près de Niksic, les deux hommes s'apprêtent à donner l'assaut de la falaise au sommet de laquelle celui-ci est perché. À l'intérieur se trouvent deux des commandants tchetniks les plus prestigieux : Bajo Stanisic et Blazo Djukanovic. Pour ce dernier, toute lutte est vaine : aussi négocie-t-il sa redition en échange de la vie sauve pour lui et vingt-trois de ses compagnons. Les communistes acceptent. Une fois parvenus dans le camp de ceux-ci, les vingt-quatre hommes sont exécutés. Au bruit des coups de feu, Stanisic se penche à la fenêtre du monastère : il est abattu par un partisan. Mihailovic vient de perdre deux chefs de la résistance royaliste au Monténégro.
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Vidéo de Jean-Christophe Buisson
L'attaque du Haut-Karabagh par l'Azerbaïdjan est la plus récente des nombreuses crises qu'a connues l'Arménie au cours de sa douloureuse histoire.
Premier état chrétien de l'histoire et, depuis des siècles, foyer de résistance soumis aux pressions impérialistes russes et turques, c'est trop souvent dans un silence coupable et dramatiquement isolée que l'Arménie se bat pour sa survie. Lors d'une soirée exceptionnelle, le Collège des Bernardins a accueilli Sylvain Tesson et Jean-Christophe Buisson entourés de Mgr Gollnisch, Tigrane Yégavian, Nora Martirosyan et Pascal Bruckner afin de faire entendre la voix des Arméniens et de lancer un plaidoyer pour leur venir en aide.
#arménie #tesson #buisson #hautkarabagh
Chapitrage : 0:00 Attente 8:55 Discours du directeur du Collège des Bernardins 16:26 Propos de Mgr Gollnisch 23:10 Début de la table ronde 1:35:30 Propos de Pascal Bruckner 1:43:40 Questions-Réponses 1:55:00 Concert
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