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Critique de Nastasia-B


Dans l'histoire de la littérature, ou, plus exactement, de l'évolution littéraire, cette Évelina de Frances Burney, surnommée Fanny, constitue certainement le lien entre les générations et les styles des Richardson et Fielding, d'une part, et Jane Austen, d'autre part. C'est épistolaire et enlevé comme Samuel Richardson, c'est alerte et volontiers drôle ou caustique comme Jane Austen.

Mais, mais, mais, car il y a un mais, selon moi, Évelina accuse des faiblesses que ne possèdent ni ses devanciers, ni ses successeurs. J'ai beaucoup lu, dans les commentaires des autres lecteurs, que ce que l'on reprochait au roman de Fanny Burney était le côté "un peu nunuche " de son héroïne.

Pour ma part, ce n'est pas tellement cela que je reproche à l'ouvrage, car je crois que l'auteure retranscrit réellement ce qu'étaient les sentiments et les réflexions d'une jeune fille des années 1770 dans ce milieu. Certes, ça peut nous paraître un brin couilluchon (terme non genré issu de la fusion des adjectifs épithètes couillon et nunuche) de nos jours, mais c'était comme ça, j'ai l'impression, à l'époque, et, en cela, cette oeuvre nous restitue bien quelque chose de son temps.

Non, ce qui me dérange plus, en ce qui me concerne, ce sont des lourdeurs, des insistances vraiment très insistantes quant au caractère de tel ou telle. le capitaine Mirvan est lourdingue à souhait, idem pour la grand-mère Madame Duval, idem encore pour toute la famille Branghton.

Les caractères très appuyés, très monolithiques, et donc, toujours selon moi, très lourdingues également, des autres personnages vont dans le même sens ; lord Orville, toujours preux chevalier, Willoughby, toujours goujat (un nom auquel Jane Austen donnera une descendance en le reprenant tel quel dans Raison et Sentiments), Mrs. Selwyn, toujours mordante, le révérend Villars, toujours sage, honnête et droit, etc., etc.

Et la nuance, ma chère Fanny Burney, et la nuance ? Alors certes, certes, vous étiez une toute jeune auteure de 26 ans lors de la publication du livre. Certes, certes, votre plume est combien enlevée, certes, certes, vous réussissez à merveille ce que Richardson avait inauguré avec succès, à savoir, donner à chaque personnage une expression qui lui soit propre et reconnaissable.

À cet égard, j'aimerais saluer la performance de traduction de Florence Bruzel Vercaemer pour les éditions Corti, qui parvient à restituer cela magistralement. le phrasé altéré de Mme Duval, les grossièretés du capitaine Mirvan, les tics de langage de lady Louisa, le ton compassé d'Arthur Villars, les fulgurances de la vieille Selwyn, etc. Tout cela est très réussi.

Au chapitre des faiblesses, j'ai encore à mentionner une construction méga téléphonée et des révélations de filiation opportunes, le tout, selon moi, un peu trop nombreuses et à propos pour être crédibles. Tout cela me gâche une impression de lecture qui n'était, pourtant, pas désagréable.

Bon, voilà, c'est dit, alors, qu'en est-il du synopsis ? On nous apprend qu'une orpheline, Évelina en l'espèce, fut élevée depuis sa naissance par le brave révérend Villars, qui fut pour elle mieux qu'un père. On apprend que l'infortunée maman de ladite Évelina, une lady première classe, soyez-en sûrs, est morte alors que cette dernière était toute marmotte.

On apprend encore que le père biologique, un infâme assurément, de la toute belle, toute tendre, toute naïve Évelina, l'aurait abandonnée bien que jouissant de titre et fortune. La mamie frenchie de la demoiselle, sorte de demi-mondaine sur le retour, s'en vient sur le continent afin que le sus-mentionné papa largueur finisse par reconnaître sa progéniture, dans le but de pouvoir faire entrer notre brave Évelina dans le monde.

Ce faisant, Mrs Mirvan et sa fille, copies carbone l'une de l'autre — au même titre d'ailleurs qu'Évelina et sa défunte mère —, bonnes et secourables à souhait, se proposent de dégrossir un peu la jeune campagnarde en lui faisant découvrir Londres à l'occasion du retour du capitaine Mirvan, après plusieurs années d'absence en mer.

Ce faisant toujours, enchaînant bals et soirées diverses, la petite Évelina ne laisse pas la gent masculine indifférente, car très vite, par dizaines, tous les individus mâles du royaume se massent et lui reniflent le derrière, tels des bataillons de chiens errants derrière une caniche en chaleur.

Et va pour un lord Ceci, un baronnet Cela, un Mister Truc, un autre lord Bidule et un Monsieur Chose, qui lubrique, qui élégant, qui goujat, qui insistant, qui malséant, qui dandy, qui cavalier ou qui la grande classe s'enchaînent à vouloir toucher la main de la demoiselle.

Et c'est pile là qu'arrive, en plein bal, ... mais vous n'imaginez tout de même pas que je vais vous en révéler davantage ? D'ailleurs, ce que j'exprime ici bas n'est rien moins qu'une vulgaire interprétation subjective (doublée d'un trou en plein bal), c'est-à-dire, pas grand-chose.
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