AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782724295436
362 pages
France loisirs (30/11/-1)
  Existe en édition audio
4.19/5   4344 notes
Résumé :
Injustement privées de leur héritage, Elinor et Marianne Dashwood sont contraintes de quitter le Sussex pour le Devonshire, où elles sont rapidement acceptées par la bourgoisie locale étriquée et à l'hypocrisie feutrée.
L'aînée, Elinor a dû renoncer à un amour qui semblait partagé, tandis que Marianne s'éprend bien vite du séduisant Willoughby. Si Elinor, qui représente la raison, dissimule ses peines de coeur, sa cadette étale son bonheur au grand jour, inca... >Voir plus
Que lire après Raison et sentimentsVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (355) Voir plus Ajouter une critique
4,19

sur 4344 notes
Dans le film documentaire La Femme aux cinq éléphants, Svetlana Geier (celle qui a retraduit en allemand les cinq gros romans de Dostoïevski) explique que selon elle, qui possède à présent une connaissance presque intime de l'auteur, Fiodor Dostoïevski a toujours écrit et réécrit le même livre, à quelques nuances près. Je ne sais si l'on peut en dire autant de Jane Austen mais force est de constater qu'il existe d'étonnantes similitudes entre Sense & Sensibility (Le Coeur et la Raison ou Raison et Sentiments selon les traductions), premier roman publié de l'auteure et Pride & Prejudice (Orgueil et Préjugés), son second.

C'est particulièrement vrai des deux soeurs principales des deux romans. En effet, l'Elinor ici présente rappelle à s'y méprendre la Jane d'Orgueil et Préjugés, idem pour la Marianne Dashwood du Coeur et la Raison qui est jumelle homozygote d'Elizabeth Bennet. C'est vrai également d'une foule de personnages dont on retrouve à peu de choses près toutes les caractéristiques (Ici Willoughby annonce fortement Wickham d'Orgueil et Préjugés, même chose pour Mrs Ferrars vis-à-vis de Lady de Bourgh ; Mrs Dashwood, belle-soeur d'Elinor, comparée à Caroline Bingley, Edward lui-même n'est pas sans évoquer fortement Darcy. Bref, inutile d'en faire la liste exhaustive, on peut quasiment tous les transposer.)

La principale différence enregistrée ici par rapport à l'oeuvre suivante, est la différence de focalisation. Dans le Coeur et la Raison, nous nous identifions davantage à Elinor, la soeur aînée pleine de pondération et qui est dans un contrôle absolu d'elle-même (rôle qui est tenu par Jane dans Orgueil et Préjugés et qui n'est pas l'héroïne). En revanche, Orgueil et Préjugés cherche à nous faire prendre le point de vue d'Elizabeth, la cadette tout feu tout flamme, romantique à l'excès et au caractère bien trempé. (Ici, ce rôle est dévolu à Marianne et, vous l'aurez compris, ce n'est pas elle l'héroïne principale.)

Si l'on se résume, donc, avec un même canevas, Jane Austen nous propose une relecture basée sur une focalisation différente. En ce qui me concerne, quoique j'aie bien aimé cette mouture, je la trouve très sensiblement inférieure à Orgueil et Préjugés. Ceci est, selon moi, imputable à trois éléments :

Premièrement, une héroïne sage et pondérée, cela fait toujours moins de spectacle qu'une héroïne qui ne s'en laisse pas conter. Une héroïne pondérée évitera les gros pièges tendus par la passion, tandis que l'autre y sautera à pieds joints, si bien que, d'un point de vue romanesque, nous autres lectrices et lecteurs peu scrupuleux aimons généralement mieux voir celui ou celle qui se prend carrément les pieds dans le tapis plutôt que celle qui avance timidement sur la pointe des pieds en évitant les grosses chutes.

Deuxièmement, si l'auteure, Jane Austen, tient tant à nous raconter deux fois la même histoire, sachant qu'elle-même est la cadette de sa famille parmi les filles, sa soeur aînée étant Cassandra et tout, et tout ce qu'on peut lire dans sa biographie, c'est qu'il y a vraisemblablement un fort pesant autobiographique là-dedans et, sachant cela, quelle sera l'oeuvre la plus aboutie ? Celle qui parlera d'elle-même ou celle qui parlera de sa soeur aînée ? Eh oui, fatalement, celle qui parlera plutôt d'elle-même, donc, Orgueil et Préjugés.

Enfin, troisième et dernier point de comparaison romanesque, l'ouvrage est plus linéaire, plus prévisible, plus simpliste ici que dans la version suivante. On sent moins le fil se tendre, les intrigues se mêler les unes aux autres. Bref, notre coeur reste à l'image de celui d'Elinor, calme et pondéré, tandis que dans Orgueil et Préjugés, notre coeur s'emballe au rythme de celui d'Elizabeth et tout ceci concourt à une impression moins impressionnante, de mon point de vue.

Qu'en est-il du synopsis ? Nous suivons une famille de la Gentry anglaise, c'est-à-dire de l'aristocratie provinciale dont la richesse émane de la possession des terres agricoles. Nous avons affaire à une famille plutôt modeste, c'est-à-dire qui peut vivre de ses rentes sans travailler mais pas dans une aisance débordante.

Au demeurant, la famille Dashwood a à subir une fragmentation de son patrimoine car le père a eu un fils d'un premier mariage. Devenu veuf, il s'est remarié et a eu trois filles de sa seconde épouse avant de s'éteindre lui même. En théorie, selon les règles de l'époque (fin du XVIIIème siècle), à peu près tout revenait au fils et à peu près rien à ses trois demi-soeurs. Avant de mourir, Monsieur Dashwood père a fait en sorte de ne pas laisser complètement son épouse et ses filles à la rue, mais elles doivent à présent compter chaque sou. Un beau mariage est donc plus que souhaitable pour les deux aînées, sachant qu'à 19 et 17 ans, elles entrent dans la course, si l'on peut dire…

D'un point de vue économique, Elinor et Marianne sont un très mauvais parti pour les représentants de la Gentry. Moralement et physiquement, c'est plutôt l'inverse. Se trouvera-t-il de valeureux prétendants pour passer outre l'orgueil et les préjugés liés à la fortune et pour ne s'intéresser qu'à ces deux charmantes âmes elles-mêmes indépendamment de toute considération d'ordre pécuniaire ? Ne seront-elles considérées que pour leur beauté physique comme on pourrait le redouter ?

Jane Austen s'en donne à coeur-joie pour railler la mesquinerie de ces soi-disant « aristocrates » et, pour celles et ceux qui m'accuseraient de trop parler dans cette critique d'orgueil et préjugés, je me permettrai simplement de leur recopier ce passage, qui, selon moi, en dit long sur le double projet romanesque de l'auteure. Il se situe au chapitre XIII du volume II :

« Elle avait suffisamment vu se manifester son orgueil, son étroitesse d'esprit et le préjugé tenace qu'elle avait conçu à son endroit pour saisir l'étendue des difficultés qui auraient contrarié ses fiançailles avec Edward et retardé leur mariage, si par ailleurs le jeune homme avait été libre. »

En somme, un bon roman, plaisant mais pas du calibre d'Orgueil et Préjugés d'après mes seuls critères d'appréciation. À vous de voir et de vous forger votre propre opinion à ce propos car vous savez à présent que ceci n'est que mon avis, et que d'avis, tout le monde en a un, si bien que 1 sur 7 milliards, ça ne représente vraiment pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          1566
Je m'inscris en faux contre l'opinion assez courante qui veut que les gens coincés dans un salon austenien entre une assiette de scones, une table de whist et une théière en argent s'ennuyaient à périr.

Au contraire... Leur mutuel intérêt étant d'occuper les heures de conversations et les mondanités, ces "coincés de salon" étaient bien plus à même que nous de développer une analyse très fine de la nature humaine, une observation aiguë de leurs concitoyens et un sens de la psychologie frôlant l'expertise. Jane Austen elle-même, tout comme certaines de ses héroïnes - Elinor, Elizabeth, Anne - était une femme de tête qui savait à la fois raisonner et exprimer ses sentiments.

Je ne vénérerai jamais assez la liberté de ton, l'humour, la finesse et la tournure d'esprit, l'ironie, l'objectivité et le jugement de Jane Austen qui, bien qu'étant née femme en 1775, a su brosser de tels portraits d'hommes et de femmes, tenant compte de leur psychologie, de leur tempérament, de leur condition sociale, de leurs aspirations personnelles, de leurs sentiments et par dessus tout cela de la complexité de l'âme humaine pour nous offrir ces concentrés d'émotion et de pénétration que sont ses malheureusement-trop-peu-nombreux romans.

"Sense and sensibility" est un diamant, tout simplement.
Plus cérébrale que "Pride and Prejudice", cette oeuvre se caractérise pourtant elle aussi par les parcours croisés de deux soeurs et si Elinor et Marianne sont moins intimes et soudées qu'Elizabeth et Jane, cela n'a pour effet que de renforcer encore davantage l'aspect dramatique du récit. Jane Austen réussit la prouesse de tisser une trame qui tient compte des particularités et des comportements de très nombreux personnages ayant leurs propres codes de conduite issus de leur position sociale et de leur éducation tout comme leur propre personnalité et leurs propres défauts et qualités. Alors que chez d'autres auteurs, une telle densité et de telles particularismes mèneraient au désordre et à la dispersion, miss Austen, elle, parvient à en faire un puzzle harmonieux, structuré et spirituel quoique définitivement poétique et exaltant.

Je ne dirai rien ici de l'histoire, je me contenterai seulement de louer une fois de plus l'écriture inimitable d'un auteur que j'encourage tout lecteur à découvrir au moins une fois dans sa vie. Cependant, pour celles et ceux qui, résolument, prendraient peur devant une littérature classique, je les encourage alors à visionner la superbe adaptation qu'Emma Thompson a réalisée pour le film d'Ang Lee en 1995 que je tiens à ce jour pour l'adaptation la plus soignée, précise, esthétique et fidèle de tout ce que le cinéma et la télévision ont pu produire dans la catégorie "austeneries".
Commenter  J’apprécie          13423
« Rente et sécurités » pourrait être le titre de ce roman qui nous plonge dans le royaume anglais du matérialisme et de l'oisiveté à la charnière du XVIII et du XIX siècle.

Les personnes sont appréciées à l'aune de leurs fortunes, de leurs revenus ou de leurs futurs héritages. A de rares anomalies près (médecins) personne ne travaille ou ne travaille plus (colonel) tout en jouissant de revenus confortables et éternellement stables.

Peu curieux de l'actualité politique ou culturelle, les acteurs passent leur temps à se rencontrer, bavarder, commérer et médire les uns sur les autres.

A l'exception d'un intermède musical, leur vie culturelle semble inexistante (aucune lecture) et les conversations se focalisent sur la préservation de cet art de vivre aussi futile que confortable.

Préservation qui implique des unions conçues comme de véritables projets de fusions - acquisitions dans lesquels les sentiments sont proscrits.

On comprend pourquoi Jane AUSTEN refusa de se marier…

Cette étude sociologique d'un monde désuet et obsolète se double d'une analyse psychologique observant deux soeurs, l'une « raisonnable », l'autre « sentimentale ». Quoique dégoulinant de romantisme, le dialogue et l'émoi de ces deux jeunes femmes est intemporel et féroce pour les hommes !

Superbement écrit et traduit ce roman est un témoignage bouleversant sur une époque et une conception du mariage surannées et matérialistes.

C'est avec un intérêt renouvelé que j'ai relu ces pages qui m'évoquent « La petite soeur » d'Hector Malot et la gracieuse Geneviève de Mussidan menacée d'être privée de son héritage.
Commenter  J’apprécie          1020
Raison et sentiments … Un roman conventionnel certes, tout comme l'univers étriqué de la bonne société anglaise dans laquelle nos héroïnes évoluent, mais sous la plume de la grande Jane Austen, ironie, esprit et cynisme s'en mêlent, fines analyses psychologies aussi de l'esprit féminin et de la naissance de l'amour, sentiment si délicat et imprévisible qui change sans cesse la donne.

Raison et sentiments distille ainsi un parfum persistant de romance, étranglé sous les convenances et le rang social. A l'époque, quand on aime, on le fait éperdument ou en silence. La retenue conjuguée à la passion. Jane Austen a su conjuguer élégance et frivolité, délicatesse et complexité des noeuds et des liens qui se font, et se défont, dans un livre qui fait partie de ma bibliothèque fétiche. Découpé en tranches de vie tour à tour dramatiques, ou tendres, le roman s'articule surtout sur nos deux héroïnes principales, Marianne, la jeune idéaliste passionnée, qui vibre à chaque seconde et sur tous les tons, et Elinor, douce, discrète et plus modérée. Deux soeurs, aussi différentes l'une de l'autre, qu'unies par une même volonté d'aimer et d'être aimées en retour. Elinor n'ose avouer ses sentiments par peur d'être repoussée, alors que Marianne les affiche fougueusement sans se soucier du retour de bâton. Tout sonne juste, le style d'écriture est en lui-même vraiment magnifique, et exhale un doux parfum de nostalgie bucolique propre à nous transporter plus de 200 ans auparavant.

Qu'il est doux de pouvoir apprécier pleinement de telles oeuvres, pleines de tact et de vérité cachée sous le vernis.
Commenter  J’apprécie          773
Cette fois encore le titre contient deux termes antinomiques. L'un s'applique à la fille ainée de la famille Dashwood, Élinor, le second à la cadette Marianne. La benjamine Margaret encore trop jeune pour être concernée par le mariage apparaît peu. le testament d'un oncle ayant favorisé l'enfant né d'un premier mariage, Mrs Dashwood et ses trois filles doivent quitter leur propriété à la mort du père. La façon dont leur demi-frère déjà riche, se convainc sous l'influence de sa femme, qu'il ne peut rien faire pour elles, est déjà un régal. Et l'on sait qu'on va retrouver l'esprit caustique de l'auteur. Installées dans un cottage dans un autre comté, les deux soeurs vont bien sûr vivre des émois amoureux, mais sur des modes différents ainsi que le suggère le titre.
Miss Jane Austen semble décidément douée pour créer des caractères, et singulièrement des caractères ridicules. Comme dans Orgueil et préjugés avec Mrs Bennet, Mr Collins et lady Catherine, nous avons ici quelques portraits de personnes stupides et impolies. A se demander où elle prenait ses modèles. Celui de sir John « Homme bénévole et philanthropique ! Il lui était pénible de garder pour lui seul, même un cousin au troisième degré. », de sa belle-mère Mrs Jennings qui bénéficie toutefois de réelles qualités de coeur, de Mr et Mrs Palmer et bien d'autres à divers degrés. Ainsi Mrs Parker ne trouve rien d'étrange à répondre à Elinor qui l'interroge sur Willoughby : « Oh oui ma chère, je le connais extrêmement bien. Non pas que je lui ai jamais parlé, mais je l'ai souvent vu en ville. » Croiser quelqu'un dans des réunions mondaines ne m'avait pas jusqu'alors paru la meilleure façon de le connaître intimement. Ou son mari répondant à sa femme en présence de sa belle-mère : « Je crois ne contredire personne en disant que votre mère est mal élevée. » Moi qui croyais que les conversations bourgeoises, surtout il y a deux siècles étaient compassées.
C'est vraiment l'étude des caractères et de leur évolution qui constituent de la volonté même de l'auteur l'intérêt de ses livres. le dénouement est en effet rapporté sobrement sur quelques pages.
J'ai ressenti, plus que dans d'autres romans du même type, le drame que constitue dans n'importe quelle civilisation, à n'importe quelle époque, le fait pour les femmes de n'exister que pour et par le mariage. Je ne pense même pas aux mariages forcés et aux femmes maltraitées, simplement au fait de ne pouvoir avoir d'autre but dans la vie. Pas d'autre source d'épanouissement, bien que j'aime peu ce terme.
Contrairement à beaucoup, j'ai préféré ce titre à Orgueil et préjugés, nonobstant une causticité moins apparente.

J'ai été étonnée de lire dans une critique parue pendant ma lecture, que les romans de Jane Austen et des soeurs Brontë étaient l'équivalent au début 19ème des Musso, Levy et Gavalda d'aujourd'hui. Je ne peux comparer, n'ayant lu aucun de ces trois auteurs. Mais y trouve-t-on vraiment la même finesse d'analyse psychologique ? Les descriptions ne sont pas très longues chez Austen, mais y en a-t-il chez les auteurs précités ? Or cela me semble faire partie des éléments indispensables pour s'imprégner d'une atmosphère. Enfin les oeuvres d'il y a 200 ans bénéficiaient elles d'une telle publicité, de l'équivalent des têtes de gondoles ?
Mais encore une fois, je n'ai pas les éléments pour comparer.


Challenge 19ème siècle 2015
Commenter  J’apprécie          693

Citations et extraits (347) Voir plus Ajouter une citation
Malgré toute la fascination que peut exercer l'idée de s'attacher constamment à un seul être, en dépit de tout ce qu'on peut avancer en faveur d'un bonheur qui dépendrait entièrement de quelqu'un en particulier, nous ne sommes pas faits pour cela — cela n'est pas réalisable — cela n'est pas possible.

Volume III, Chapitre I.
Commenter  J’apprécie          1021
« M. Palmer est si drôle, dit-elle à l'oreille d'Elinor. Il est constamment de mauvaise humeur. »
Après l'avoir observé quelque peu, Elinor ne put se résoudre à reconnaître qu'il fût naturellement et sans effort aussi revêche et aussi mal élevé qu'il cherchait à le paraître. Peut-être son humeur avait-elle pu s'aigrir dans une certaine mesure en découvrant comme plus d'une autre personne de son sexe que, sous l'effet d'une prévention inexplicable en faveur de la beauté, il se retrouvait marié à une femme très sotte.

Volume I, Chapitre XX.
Commenter  J’apprécie          470
Chère Mademoiselle,

Je viens d'avoir l'honneur de recevoir votre lettre et vous prie d'accepter en échange mes sincères remerciements. Je suis navré d'apprendre qu'il ait pu y avoir quelque chose dans ma façon d'agir hier soir qui n'ait pas rencontré votre approbation? Bien que je sois dans le grand embarras pour découvrir par quel détail de mon comportement j'ai pu avoir le malheur de vous offenser, je vous conjure de me pardonner, ce qui, je vous l'assure, s'est produit sans aucune mauvaise intention de ma part. Je ne penserai jamais aux relations que j'ai eues autrefois avec votre famille dans le Devon sans les sentiments les plus vifs de plaisir et de gratitude, et je me flatte qu'ils n'auront point à disparaître sous l'effet de quelque méprise ou de quelque interprétation erronée de mes actions. L'estime que je porte à tout votre famille est des plus sincères. Mais si j'ai eu le malheur de donner à croire davantage que je ne ressentais ou que je ne cherchais à exprimer, je me reprocherai de ne pas avoir été plus circonspect dans la manière dont j'ai fait connaître cette estime. Que j'aie jamais voulu laisser entendre davantage est une chose dont vous reconnaîtrez l'impossibilité quand vous comprendrez que mon coeur est depuis longtemps promis à une autre et que beaucoup de semaines ne s'écouleront pas avant que cet engagement soitjane austen,raison et sentiment,sense and sensibility,lettre,letter,marianne,willoughby tenu. C'est avec beaucoup de regrets que j'obéis à vos ordres de retourner les lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser et la mèche de cheveux que vous m'avez si obligeamment accordée.

Je suis, chère Mademoiselle, votre très obéissant et très humble serviteur,

John Willoughby"
Commenter  J’apprécie          120
— Quatre mois ! et cependant vous l’aimiez !
— Oui, mais je n’aime pas que lui, et, le bonheur des autres m’étant cher, j’étais heureuse de leur épargner le spectacle de mes souffrances. Maintenant, je ne veux pas que vous vous inquiétiez à cause de moi, car je vous assure que je ne souffre plus vraiment moi-même. J’ai, pour me soutenir, beaucoup de choses. J’ai conscience de n’avoir provoqué ma déception par aucune imprudence et je l’ai supportée de mon mieux sans l’augmenter. Je n’impute à Edward aucune faute véritable. Je voudrais qu’il fût très heureux. Et je suis sûre qu’il fera toujours son devoir, que, bien qu’il puisse ressentir en ce moment quelque regret, je pense qu’à la fin cela pourra s’arranger. Lucy ne manque pas de bon sens et, sur ce fondement, on peut bâtir beaucoup de bien. Et, après tout, Marianne, quand on réfléchit à ce qu’il y a d’admirable dans l’idée d’un attachement constant et unique, et quand on imagine tout ce qui est inclus dans cette idée que le bonheur d’une personne dépend entièrement d’une autre, n’est-il pas concevable, n’est-il pas possible qu’il en soit ainsi ? Edward épousera Lucy et il épousera une personne supérieure physiquement et moralement à la moitié de son sexe ; et le temps et l’habitude l’amèneront à oublier qu’il ait jamais pensé à une autre qui valait mieux qu’elle.
Commenter  J’apprécie          140
- Il ne faut pas chercher trop loin, Marianne. Rappelez-vous ; je ne connais rien au pittoresque et je vous choquerai par mon ignorance et mon manque de goût si j'en viens au détail. Je dirai des collines qu'elles sont escarpées alors qu'il faudrait les qualifier d'imposantes ; du relief, qu'il est étrange et bizarre tandis que vous le qualifierez de sauvage et de romantique ; des lointains qu'ils sont hors de vue au lieu d'être fondus dans une molle brume. Il faut vous contenter de l'admiration que je puis honnêtement vous offrir. Je trouve ce pays tout à fait à mon goût. [...] Je n'ai pas l'âme d'un peintre.
- J'ai peur que ce ne soit que trop vrai, dit Marianne ; mais pourquoi vous en moquez vous ?
- Je soupçonne, dit Elinor, que, pour éviter un genre d'affectation, Edward tombe ici dans un autre. Parce qu'il est persuadé que beaucoup de gens affichent plus d'admiration pour les beautés de la nature qu'ils n'en ressentent réellement, et que leur prétention l'irrite, il affecte une plus grande indifférence et moins de perspicacité à les découvrir que ce n'est réellement le cas. Il est délicat et veut avoir son genre d'affectation personnel.
Commenter  J’apprécie          110

Videos de Jane Austen (167) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jane Austen
Jane Austen est une autrice tellement intemporelle qu'elle est désormais la reine d'Internet des réseaux sociaux
#cultureprime #litterature #janeausten _____________
Retrouvez-nous sur : Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture Twitter : https://twitter.com/franceculture Instagram : https://www.instagram.com/franceculture TikTok : https://www.tiktok.com/@franceculture Twitch : https://www.twitch.tv/franceculture
Et abonnez-vous à la newsletter Culture Prime : https://www.cultureprime.fr/
autres livres classés : classiqueVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (17088) Voir plus



Quiz Voir plus

Raison et sentiments

Paru en 1811, le roman est alors signé

Currer Bell
A lady
Anonymous
Jane Austen

22 questions
115 lecteurs ont répondu
Thème : Raison et sentiments de Jane AustenCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..