- Tu as survécu, dit-elle fermement. Certains n'y sont pas parvenus. Tu n'avais pas d'autres moyens de rester en vie. Pour faire cesser les persécutions, tu devais noircir ton âme. Si je ne cautionne pas la violence, je ne peux pas te condamner pour ton passé.
N'importe qui peut avoir un cœur aussi dur que le mien. Il suffit de lui donner la bonne motivation.
- Je fais de toi mon cœur
"Au lever de la Lune.
"Pour t'aimer et t'honorer
"Toute notre vie durant.
"Que nous renaissions,
"Que nos âmes se rencontrent et se reconnaissent,
"Afin de s'aimer encore
"Et de se souvenir."
Farah resta perplexe un instant, puis annonça simplement :
- Moi pareil.
Quand elle releva les yeux, le spectacle devant elle la cloua sur place. Sir Carlton Morley avait retroussé les manches de sa chemise jusqu’aux coudes. Ses mains manucurées, qu’il tenait sur ses hanches, étaient tachées de sang, et sa chevelure habituellement impeccable était hirsute. Le grand brun assis sur une chaise au centre de la pièce, les mains liées dans le dos, arborait une posture faussement détendue. Tous deux étaient hors d’haleine et transpiraient. Mais ce ne fut pas ce qui surprit Farah le plus. Les deux hommes la regardaient avec une expression presque identique sur le visage : un mélange intense de surprise, de contrition et d’autre chose qui ressemblait à de… la concupiscence ? L’air dans la pièce était chargé de violence. Puis, lorsqu’elle croisa le regard du prisonnier, tout devint extraordinairement silencieux et immobile.
Madame voulait des enfants ? Il lui en donnerait de quoi remplir tout un manoir ! Il la pilonnerait jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus marcher. Il avait tenté la voie honorable, fait son possible pour la préserver des périls de sa vie, mais c’était terminé. Elle voulait l’amour de l’Âme Noire de Ben More ? Elle l’aurait, avec tous les dangers et les ténèbres qui venaient avec.
— Mon corps fonctionne parfaitement bien, répondit-il. Je pourrais vous prendre jusqu’à ce que vous demandiez grâce.
— Alors faites-le, chuchota-t-elle d’une voix tremblante. Je vous épouserai et je vous donne la permission de… de me prendre comme vous voudrez jusqu’à ce que je sois enceinte.
Elle baissa les yeux de nouveau et serra ses petits poings contre ses flancs. Toutefois, sa posture et son expression demeurèrent aussi déterminées.
Pour n’importe quel homme, cette offre revenait à recevoir les clés du paradis. Dorian, lui, avait l’impression d’être poussé dans le gouffre de l’enfer.
Il lutta pour conserver son sang-froid et détacher son regard de son corps nu. C’était presque au-dessus de ses forces. Jamais ses yeux ne s’étaient repus d’un tel festin. Jamais son corps n’avait réagi ainsi à la vue d’une femme.
On disait Blackwell riche comme Crésus, puissant comme César et impitoyable comme le diable. Même s’il n’avait pas un joli visage qui faisait se pâmer le beau sexe, il était le genre d’homme qui attirait l’attention féminine partout où il allait. La peur et la fascination étaient d’irrésistibles armes de séduction, et les femmes ressentaient toujours l’une ou l’autre face à ce grand ténébreux.
Ces rencontres secrètes le laissaient toujours avec un besoin de mordre la vie à pleines dents, comme lorsqu’on a échappé de peu à la mort. Il lui faudrait au moins deux ou trois culbutes avec une catin pour se remettre.
« La vraie connaissance est de connaître l’étendue de son ignorance. »
Il citait Confucius ? Il paraissait injuste qu’un homme aussi dangereux soit également intelligent, riche, puissant et cultivé.