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Critique de Nastasia-B


Qu'est-ce que c'est que ce truc bizarre ? Force m'est de constater que ce n'est pas banal. Sans trop de certitude, je le catégoriserais volontiers comme étant une sorte de récit de voyage en vers avec émission d'une opinion politique et culturelle.
Le titre original, Childe Harold's Pilgrimage a été traduit en français au XIXème siècle sous le titre le Pèlerinage du Chevalier Harold ou comme ici, dans cette traduction de 2001, sous le titre le Pèlerinage sire Harold. L'une et l'autre échouant à rendre le sens véritable du mot "childe", vieux terme de chevalerie qui signifie littéralement "écuyer", au sens de personnage issu de la noblesse, futur chevalier, mais n'ayant pas encore reçu l'adoubement. de même, le mot pèlerinage pourrait évoquer une quelconque religion or, il n'en est rien, et le mot périple pourrait convenir tout aussi bien.
Le lord George Gordon Byron, petit fils du grand navigateur, explorateur et commodore John Byron qui avait été le précurseur de James Cook, écrasé par le poids de son ascendance et probablement désireux de se faire un prénom a tout juste la vingtaine lorsque les morts de sa mère et d'un ami proche le plongent dans une profonde mélancolie et l'incitent à prendre la mer et à s'embarquer dans un long voyage.
Son projet initial de Byron était de rallier les Indes britanniques en passant par la Méditerranée, l'Anatolie, et la Perse. Il n'accomplira jamais la partie terrestre de ce voyage, se contentant de caboter en Méditerranée.
En 1809, il s'embarque donc, en deuil ou peu s'en faut, en direction de Malte en faisant escales au Portugal et dans le sud de l'Espagne.
Son Childe Harold est donc un ouvrage en vers principalement et largement autobiographique auquel il souhaite donner un air moyenâgeux dans le vocabulaire et les tournures employées.
L'oeuvre complète se compose de quatre chants mais les deux premiers furent écrits bien avant les deux autres et ont un ton différent des deux suivants.
Ici, dans cette édition de 2001 aux éditions Ressouvenances, les traducteurs, Florence Guilhot et Jean-Louis Paul, ont pris le parti de séparer les chants I et II des deux suivants — choix que j'approuve — mais ont surtout voulu entreprendre une traduction en vers, ce qui là est un choix que je n'approuve pas du tout.
Ce qui est de la poésie en anglais, traduit et avec des rimes au bout, ne fera pas de la poésie en français. Et ce choix et donc, à mon sens, très dommage, car on sent le travail colossal que cet exercice a dû représenter, pour un résultat franchement médiocre et peu engageant. Tout le rythme et la légèreté de l'original est enfermé dans une boîte, véritable carcan de la versification en français.
C'est très dommage car cette traduction ne permet pas d'accéder à la pleine puissance du texte malgré, je le répète, les considérables efforts des traducteurs. le choix d'une traduction en vers n'est pas bon et j'en veux pour preuve les traductions de l'Eugène Onéguine de Pouchkine (qui a été inspiré par Childe Harold) où aucune traduction en vers n'est capable de soutenir la comparaison avec la traduction non versifiée de Jean-Louis Backès.
J'ai donc eu beaucoup de mal a accrocher à ces deux premiers chants et heureusement qu'il y avait le texte original en regard qui me permettait de deviner la véritable poésie contenue dans cet écrit.
C'est donc un Byron farouchement opposant à Napoléon que nous découvrons en péninsule ibérique (car son voyage correspond à l'invasion de l'Espagne par la Grande Armée). Son parti pris en faveur des peuples autochtones contre toute forme de colonialisme est évident.
En ce sens (et surtout dans ses notes qui sont très intéressantes), il dénonce également la politique d'ingérence de son propre pays ou de n'importe quel autre, réclame la liberté au sens large pour les peuples asservis, que ce soit l'Espagne sous la botte de Napoléon ou la Grèce sous le joug de l'Empire Ottoman.
Son engagement en faveur de la préservation des patrimoines antiques, notamment en Grèce est forte et il exprime clairement la honte que lui inspirent les pilleurs anglais d'antiquités grecques.
Cet écrit est un précurseur du romantisme en ce sens qu'il représente une aspiration à la liberté, aux espaces, à la beauté de la nature ou des artifices humains, mais toujours empreints d'un sentiment de deuil et de nostalgie que rien ne pourra jamais apaiser.
J'en termine avec un petit " I have a dream ", je rêve, pour ce Childe Harold's Pilgrimage d'une traduction qui puisse restituer toute la beauté et la fluidité du verbe, donc, bien différente de celle-ci. Mais ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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