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Citations sur Et sois cet océan (9)

Dans le fond de mes veines.

J’ai sur ma vie des années de retard
Mes chevaux bleus sont dévêtus
Tous mes bateaux sont déchirés
Et de l’eau coule dans mes yeux
Quand je ne rêve pas

J’ai caché des années dans le fond de mes poches
Et j’ai porté au bras des nuits
Un soleil templier
Comme une écharpe de mourir

J’ai sur ma vie des années de retard
Au fond de mes silences
Il y a une vie qui ressemble aux falaises
Il y a des enfants derrière des volets d’or
Des chutes lumineuses entre mes bras trop courts
Et un air de piano qui vient du fond des temps

(…)

Au fond de mes silences
Il y a des épaules vêtues de bras fleuris
Et des ruisseaux de givre
Des musiques natales et des marées de rêves
Il y a de longs cheveux d’errance
Des routes calmes dans leurs gants pâles
Et des tambours voilés sur les arbres guerriers
Il y a de lourdes treilles chargées de lueurs vives
Et ces châles de morts dont on drape les chaises

Mon dieu quel grand courage il faut pour être fou
Je n’aurai jamais assez de mes éternités !
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J’ai suivi l’enfant bleu dans la nuit diluvienne
L’enfant qui regardait la marche des étoiles
Dans les branches de sorbiers
Qui nouait autour du cou ses souliers d’infini
Et qui cherchait dans les orages un passage oublié
J’ai suivi l’enfant bleu qui s’était une nuit
Défiguré les yeux aux branches d’un tilleul
Qui s’asseyait au ciel d’une aile débutante
Pour s’en aller tomber au fond de la rivière
Un enfant de craie vive effacée par la pluie
Qui s’endormait parfois pour vivre quelques heures
Et qu’on trouvait au soir dans l’arbre dévasté
J’ai suivi l’enfant bleu jusque dans la maison
Où l’âtre ne tarit pas
Je l’ai suivi jusqu’au regain de son silence
Jusqu’aux récoltes des eaux vives
Et jusque dans l’éclair des matins éboulés
J’ai suivi l’enfant bleu qui ferme le sentier
Aux herbes de l’oubli.
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Feux de saules


ce soir
la lune est pleine d’un soleil mort
et des loups enneigés
campent aux carrefours des douves
il y a longtemps qu’on a rompu le pain
et le feu dételé s’attarde aux voûtes des épaules
sous des années de feuilles pâles
j’écoute la voix du sable qui ne sut revenir
il y a longtemps que la lumière
a été lapidée
qu’on a frappé d’argile
l’instant désespéré
qu’on a tordu l’osier du corps
et que je porte au poing un visage innommable
désormais il faudra vivre de rumeurs
car plus personne ne voit ce fou
qui se signe en silence à la forge du sang
et des oiseaux de givre
passent dans les feux de saules…
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Mémoires d’abîme

il y a longtemps que je ne vis plus ici
je ne prends plus le bras de la pluie pour sortir
et que pourrais-je dire des étés invisibles
où je sauvais la mort sur les restes du jour

certains jours je mettais des années de côté
et mes yeux repoussaient à chaque démesure
je donnais des oublis au fond des parcs sombres
et j’ai su quelquefois ressembler à ma voix

j’ai même accompagné les invasions secrètes
et des blessures m’ont fait la peau
quand on fêtait les guerres
je me joignais aux grands défigurés

je marchais dans ma chute
je ne changeais jamais les murs
et parfois j’ai confié mon visage à l’abîme
surtout ces temps de chien où j’étais mis à prix

je n’avais de pitié pour les terres habitées
et quand les jours ne m’allaient plus
je mettais mon passé pour traverser vos rues
je n’avais plus que mon silence à vous donner

il y a longtemps que je ne vis plus ici
l’oiseau s’est séparé de son vol inutile
alors après ma mort
ne fouillez pas mes poches

vous n’y trouveriez rien qu’une barque fantôme
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Feux de saules Tristan_cabral-et_sois_cet_ocean

ce soir
la lune est pleine d’un soleil mort
et des loups enneigés
campent aux carrefours des douves
il y a longtemps qu’on a rompu le pain
et le feu dételé s’attarde aux voûtes des épaules
sous des années de feuilles pâles
j’écoute la voix du sable qui ne sut revenir
il y a longtemps que la lumière
a été lapidée
qu’on a frappé d’argile
l’instant désespéré
qu’on a tordu l’osier du corps
et que je porte au poing un visage innommable
désormais il faudra vivre de rumeurs
car plus personne ne voit ce fou
qui se signe en silence à la forge du sang
et des oiseaux de givre
passent dans les feux de saules…
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Inutile de mettre le doigt sur la violence, le charnel de cette poésie. Cabral donne à son mal être, la force de sa révolte, les cris d’une quête d’absolu. Et à quoi bon la poésie si elle n’est pas déséquilibre, questionnement, refus de l’ordre et mise en danger pour aller de l’avant ? À quoi bon si elle ne prétend pas sauver le monde d’une façon ou d’une autre, loin de nos vanités personnelles ? En 1981, Cabral récidive dans la même ligne avec Et sois cet océan!…dans une langue dont le lyrisme ne masque rien des maux de l’existence, dans des pages qui disent les amitiés, où le corps et la nature se mêlent pour exprimer la souffrance de vivre.

Pour Rémy S.

Il y a des êtres qui ne sont pas d’ici. Ils n’habitent ni tout à fait un rêve ni la maison du monde. Et ils vont droit au jour. Ils dorment sur leurs armes dans une aube de cendres. Ils vont au plus grand large si proches de nous- mêmes qu’on les voit quelquefois sur des barques fantômes. Ils ne s’attardent pas au feu des attelages et l’huile dans les lampes n’éclaire qu’un peu de leurs visages. Ils ne se couchent pas sur les pierres domestiques, ils nous jettent des mots simples comme les pierres, ils entrent par effraction dans nos yeux éboulés et suivent des aurores qui toujours se rassemblent. Ce sont des enfants seuls qui avancent de face, qui réchauffent la pluie et qui rentrent le feu dans les maisons d’hiver. Ils sont comme un chemin au milieu des lucioles. Le chemin ne prend pas mais il donne.

Rémy était l’un de ces êtres. Il était du peuple de l’holocauste. C’était un insoumis à la douceur rebelle.

Nîmes, le 12 octobre 1978
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Parole d’Agur

à Yannis Ritsos prisonnier du fascisme grec

avec des bouts d’avion je me ferai des ailes
et avec du napalm je changerai mon sang
je bourrerai ma tête de grenades au phosphore
et par une nuit claire je tomberai en feu
sur les villes accroupies dans leurs charniers
immenses
je détruirai enfin tout ce qui nous ressemble
je brûlerai partout jusqu’à notre mémoire
et puis je sauterai au milieu de la mer…
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Mémoires d’abîme


Extrait 2

je marchais dans ma chute
je ne changeais jamais les murs
et parfois j’ai confié mon visage à l’abîme
surtout ces temps de chien où j’étais mis à prix

je n’avais de pitié pour les terres habitées
et quand les jours ne m’allaient plus
je mettais mon passé pour traverser vos rues
je n’avais plus que mon silence à vous donner

il y a longtemps que je ne vis plus ici
l’oiseau s’est séparé de son vol inutile
alors après ma mort
ne fouillez pas mes poches

vous n’y trouveriez rien qu’une barque fantôme

                        Nîmes - 12 mai 1980
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Mémoires d’abîme


Extrait 1

il y a longtemps que je ne vis plus ici
je ne prends plus le bras de la pluie pour sortir
et que pourrais-je dire des étés invisibles
où je sauvais la mort sur les restes du jour

certains jours je mettais des années de côté
et mes yeux repoussaient à chaque démesure
je donnais des oublis au fond des parcs sombres
et j’ai su quelquefois ressembler à ma voix

j’ai même accompagné les invasions secrètes
et des blessures m’ont fait la peau
quand on fêtait les guerres
je me joignais aux grands défigurés
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