J'aurais pu dire beaucoup de choses à Virginia sur la vie et la mort et d'abord lui raconter comment j'avais, à douze ans, sérieusement contemplé l'idée du suicide parce que je croyais avoir échoué à l'examen d'entrée en sixième et comment j'avais, assis près d'une fenêtre, envisagé d'y accéder en montant sur les pupitres et en me précipitant dans le vide. Mais je n'étais pas là pour faire des révélations à Virginia ni même pour lui dire comment les femmes me sauvaient invariablement de la mort lorsque, sorti de chez moi déprimé, doutant de tout et obsédé par le suicide, la seule vue d'une jupe, d'une paire de seins et d'une paire de jambes (j'hésiterais aujourd'hui à qualifier cela d'harmonieux) changeait mon état d'âme et faisait de l'almost Hamlet d'alors une ébauche (jamais venue à bien) de Don Juan.
Le lendemain, bien avant dix heures, j'étais assis place Cadenas, au centre de l'université, face aux bureaux d'inscription. J'aimais l'atmosphère paisible de la placette, avec les moineaux qui sautillaient autour du banc, citadins ailés, vivaces, timides et téméraires à la fois. En attendant Carmina, il me vint l'idée d'une nouvelle que j'écrivis plus tard sur le thème de l'attente et de l'amour.
Depuis le temps où je partais en safari sexuel au Théâtre universitaire, beaucoup de choses s'étaient passées, entre autres des événements importants comme la perte de ma virginité, une relation intime avec une ou deux femmes, la prison pour cause de mots puis la prison des mots et même mon mariage comme conséquence de la sentence.
- Tu baises bien, petit Chinois, me dit-elle comme suprême compliment, mais sais-tu quel est ton dilemme ?
Et avant que j'aie pu me permettre de lui demander ce qu'était mon dilemme sexuel, elle laissa tomber son ultime sentence.
- Tu l'as vraiment très petite.