Citations sur Le parfum des citronniers (28)
Elle n’avait jamais goûté les lèvres d’un homme, mais chaque baiser sur la joue, chaque frôlement sur sa peau éveillaient en elle des sensations inédites. Des sensations physiques, comme si son âme descendait de son cœur à son bas-ventre, se diffusant peu à peu dans ses parties intimes. Cette sensation se promenait dans son corps et elle tentait de ne pas respirer trop fort, s’efforçant de lui cacher le plaisir inconnu que diffusait sa présence en elle.
Dans cette petite maison en pierre perdue au milieu des montagnes, tout semblait en vie. A quelques kilomètres, dans sa demeure de marbre, tout semblait mort.
Le pouvoir. Tout se ramène à ça. Quand on n’a plus le pouvoir, on ne vaut plus rien.
Ne me vouvoie pas, s’il te plaît, ça me fait me sentir encore plus vieille. Je n’ai jamais eu l’impression d’être de nulle part. J’ai voyagé dans le ventre de ma mère pour fuir l’Allemagne dans les années 1930, j’ai grandi en Argentine parmi la colonie d’immigrants allemands de Buenos Aires et… ensuite, quand j’ai eu vingt ans, mes parents m’ont envoyée étudier à Heidelberg, une belle ville étudiante, toute petite, où j’ai passé huit ans. Je suis tombée amoureuse d’un musicien et je suis restée en Allemagne. Mais l’Argentine me manquait et je l’ai convaincu de partir à Buenos Aires. Je suis passée d’un endroit à l’autre toute ma vie.
Toujours ensemble. Travailler dans des conditions toujours extrêmes, comme chaque chose dans la vie, était plus facile en compagnie de l’amour.
Marina pensa à quel point l'enfance marquait l'âge adulte. Comment se déroulait la vie d'adulte d'un orphelin ? Un enfant sans enfance était un adulte sans vie.
Par la présente, je soussigné María Dolores Molí Carmona, manifeste ma volonté de faire un testament et désigne comme héritières de la totalité de mes biens Marina Vega de Vilallonga et Anna Vega de Vilallonga.
María Dolores Molí Carmona
A Palma de Majorque, le 10 janvier 1984
La vie n’est pas juste pour grand monde. Marina le savait bien, elle qui avait passé dix ans à regarder le sort s’acharner sur les personnes les plus fragiles de la planète. Ce courrier, ce refus d’agrément, tenu dans ses mains tremblantes, était une injustice insignifiante comparée à ce qu’avaient vu ses yeux, et elle en était tout à fait consciente. Pourtant, elle ressentit
Seulement, la vie, on le sait désormais, n’est pas comme on veut qu’elle soit, mais comme elle est, et ces plans n’étaient pas ceux de la fille d’Imelda qui, amoureuse de son brave vendeur de pain ambulant, se contentait de l’existence qui lui était échue. En revanche, il avait une chose dont la fille d’Imelda était certaine, et qu’elle devait à sa mère : jamais elle n’abandonnerait l’enfant qu’elle portait comme l’avait fait Imelda avec elle, car c’est ainsi qu’elle l’avait vécu.
Sa fille était tellement sûre d’elle concernant son avenir ! Anna la contempla presque avec admiration. À quatorze ans, pour sa part, elle était encore dans les jupes de maman. Elle s’habillait avec les vêtements que lui achetait sa mère, mangeait ce que lui préparait sa mère, sentait le parfum de sa mère et c’était encore sa mère qui lui brossait les cheveux tous les soirs. C’était un autre temps, mais, quand même, quelle différence entre ces deux relations !