Citations sur À ''Combat'' : Éditoriaux et articles (11)
Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison, que ce soit dans leurs machines ou dans leurs idées. Et pour tous ceux qui ne peuvent vivre que dans le dialogue et l'amitié des hommes, ce silence est la fin du monde.
(1948)
Rien n'est donné aux hommes et le peu qu'ils peuvent conquérir se paie de morts injustes. Mais la grandeur de l'homme n'est pas là. Elle est dans sa décision d'être plus fort que sa condition. Et si sa condition est injuste, il n'a qu'une façon de la surmonter, qui est d'être juste lui-même.
Il faut que cela soit bien clair : personne ne peut penser qu'une liberté conquise dans cette nuit, dans ce sang aura le visage tranquille et domestiqué que certains se plaisent à lui rêver. Ce terrible enfantement est celui d'une révolution.
Novembre 1949 - le siècle de la peur-
Pour sortir de cette terreur, il faudrait pouvoir réfléchir et agir suivant sa réflexion. Mais la terreur, justement, n'est pas un climat favorable à la réflexion. Je suis d'avis, cependant, au lieu de blâmer cette peur, de la considérer comme un des premiers éléments de la situation et d'essayer d'y remédier. Il n'est rien de plus important. Car cela concerne le sort d'un grand nombre d'Européens qui, rassasiés de violences et de mensonges, déçus dans leurs plus grands espoirs, répugnant à l'idée de tuer leurs semblables, fût-ce pour les convaincre, répugnent également à l'idée d'être convaincus de la même manière.
Agissez, vous ne risquez pas plus et aurez au moins ce coeur tranquille que les meilleurs des nôtres emportent jusque dans les prisons.
Qu'est-ce qu'une insurrection ? C'est le peuple en arme. Qu'est-ce que le peuple ? C'est ce qui dans une nation ne veut jamais s'agenouiller.
Entre la peur très générale d'une guerre que tout le monde prépare et la peur toute particulière des idéologies meurtrières, il est donc bien vrai que nous vivons dans la terreur. Nous vivons dans la terreur parce que la persuasion n'est plus possible, parce que l'homme a été livré tout entier à l'histoire et qu'il ne peut plus se tourner vers cette part de lui-même, aussi vraie que la part historique, et qu'il retrouve devant la beauté du monde et des visages ; parce que nous vivons dans le monde de l'abstraction, celui des bureaux et des machines, des idées absolues et du messianisme sans nuances. Nous étouffons parmi les gens qui croient absolument avoir raison, que ce soit dans leurs machines ou dans leurs idées. Et pour tous ceux qui ne peuvent vivre que dans le dialogue et dans l'amitié des hommes, ce silence est la fin du monde.
Mai 1944
Il faut dire les choses comme elles sont : nous sommes vaccinés contre l'horreur. Tous ces visages défigurés par les balles ou les talons, ces hommes broyés, ces innocents assassinés, nous donnaient au début la révolte et le dégoût qu'il fallait pour entrer consciemment dans la lutte. Maintenant la lutte de tous les jours a tout recouvert et si nous n'en oublions jamais les raisons, il peut nous arriver de les perdre de vue. Mais l'ennemie est là, et comme s'il veillait à ne laisser personne se détourner, il augmente ses efforts, il se dépasse lui-même, il renchérit chaque fois un peu plus sur la lâcheté et sur la crise. Aujourd'hui, en tout cas, il est allé plus loin qu'on ne pouvait l'imaginer (...)
22/12/1944
La France a vécu beaucoup de tragédies qui, aujourd'hui, ont reçu leur dénouement. Elle en vivra d'autres qui n'ont pas commencé.
Paris fait feu de toutes ses balles dans la nuit d'août. Dans cet immense décor de pierres et d'eaux, tout autour de ce fleuve aux flots lourds d'histoire, les barricades de la liberté, une fois de plus, se sont dressées. Une fois de plus, la justice doit s'acheter avec le sang des hommes.