Parmi les choses les plus importantes qui murissent en nous, il y a les rencontres différées.
La profondeur de tels yeux est incommensurable. Rien de ce qui s'y enfonce n'en atteint le fond. Rien de ce qui s'y perd n'en reparaît. Le lac de ce regard est sans mémoire; il exige et reçoit. Tout ce qu'on possède lui est donné, tout ce qui compte, tout ce dont on est fait au plus profond de soi-même. Il est impossible de dérober quoi que ce soit à ce regard. Aucune violence n'est exercée, rien n'est arraché. Tout s'offre de soi-même, avec bonheur, comme si cela n'existait, ne s'était fait que dans ce but unique.
On le sentait instantanément, mais qui aurait eu la force et la perspicacité de se le dire? Comment admettre cette chose monstrueuse : des yeux plus vastes que l’être auxquels ils appartiennent. Dans leur profondeur trouve place tout ce qu’on a pu s’imaginer et maintenant que cela se voit offrir un espace où se déployer, tout cela veut être dit
Car à l'époque où les sagesses orientales se mirent à attirer d'innombrables adeptes, quand le renoncement aux visées de ce monde devint un phénomène de masse, il s'y mêla toujours une hostilité envers l'Esprit tel qu'il s'était développé dans les civilisations européennes. Ce fut une démolition générale, on en voulut surtout à la rigueur d'esprit; en refusant de participer au monde tel qu'il était, on se débarrassait du même coup de ses responsabilités envers lui. On n'allait pas se sentir coupable de choses dont on refusait de se mêler. "Vous l'avez bien mérité", devint une attitude très répandue.
Il [Sonne] tenait à ne rien laisser se perdre d'une vie. Ce qu'un être avait une fois touché, il l'emportait pour toujours avec lui.(...) Il s'agissait de veiller à ce que rien d'une vie ne fût renié. La valeur d'un homme résidait dans sa capacité de conserver en lui tout ce qu'il avait vécu et de continuer à le vivre. Faisait partie de ce tout les pays où il avait séjourné, les langues qu'il avait parlées, les êtres dont il avait entendu les voix.(page 292)