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Citations sur La guerre des salamandres (65)

Les gens commencèrent enfin à considérer les salamandres comme quelque chose d’aussi banal qu’une machine à calculer ou un automate ; ce n’étaient plus, à leurs yeux, de mystérieuses créatures sorties, on ne sait à quelle fin, de tréfonds inconnus. En outre, les gens ne trouvent jamais de mystère dans ce qui leur rend service, dans ce qui leur profite, mais seulement dans ce qui leur nuit, dans ce qui les menace ; et puisque, comme on l’a vu, les salamandres étaient des créatures très utiles, à multiples emplois, elles étaient entrées dans l’ordre des choses normal et rationnel.
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Ce n’est pas tout, Messieurs. Je suis loin d’avoir épuisé toutes les tâches du Syndicat des Salamandres : le Salamander Syndicate cherchera dans le monde entier du travail pour des millions de salamandres. Il fournira des projets et des idées pour dompter la mer, il se fera l’avocat des utopies et des rêves gigantesques. Il fournira des plans de nouvelles côtes et canaux, de digues reliant les continents, de chaînes entières d’îles artificielles pour les survols de l’Atlantique, de nouveaux continents créés au milieu des océans. C’est là qu’est l’avenir de l’humanité, Messieurs, les mers recouvrent quatre cinquièmes du globe ; il est certain que c’est trop ; il faut corriger la surface du globe, la carte des mers et des terres. Ce ne sera plus le style du capitaine Van Toch ; nous remplaçons le roman d’aventures de la pêche des perles par l’hymne du travail. Nous avons le choix : serons-nous des épiciers ou bien des créateurs ? Mais si nous nous refusons à penser continents et océans, nous resterons en deçà de nos possibilités. Il a été question tout à l’heure du prix d’un couple de salamandres. Je préfèrerais que nous pensions en milliards de salamandres, en millions et en millions d’unités de main-d’œuvre, que nous envisagions des déplacements de l’écorce terrestre, de nouvelles genèses et époques géologiques.
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G.H. BONDY (se lève) : Messieurs, nous avons convoqué cette assemblée générale extraordinaire pour attirer votre attention sur les perspectives extrêmement défavorables de notre société qui, permettez-moi de vous le rappeler, a été fière, par le passé, d’annoncer des dividendes de 20 à 23 %, outre de substantielles réserves et des réductions d’impôts. Nous sommes maintenant à un tournant ; la manière d’opérer qui nous a réussi par le passé a abouti à une impasse. Il ne nous reste qu’à chercher des voies nouvelles (fort bien !). C’est peut-être, dirais-je, un signe du destin que notre excellent capitaine et ami J. Van Toch nous ait justement quittés maintenant. C’est à sa personne que se rattachait ce petit commerce de perles, si beau, si romantique et, je le dis franchement, un peu fou. Je considère qu’il s’agit là d’un épisode révolu de l’histoire de notre entreprise ; il avait son charme, pour ainsi dire exotique, mais il n’était pas à sa place dans les temps modernes. Messieurs, les perles ne pourront jamais faire l’objet d’une entreprise de grande envergure, horizontale et verticale. Pour moi, personnellement, cette affaire de perles n’était qu’un petit divertissement (mécontentement). Oui, messieurs, mais un divertissement qui nous a bien rapporté, à vous et à moi. En outre, au début de notre entreprise, les salamandres avaient pour ainsi dire le charme de la nouveauté. Trois cents millions de salamandres ne l’auront plus, ce charme-là. (Rires.)
Je vous l’ai dit : cherchons des voies nouvelles. Tant que vivait mon ami, le capitaine Van Toch, il ne pouvait être question d’imprimer à notre entreprise un autre caractère que ce que j’appellerai le style Van Toch. (Pourquoi ?) Parce que j’ai trop de goût, Monsieur, pour mélanger les styles. Le style du capitaine Van Toch, dirais-je, était celui du roman d’aventures. C’était le style Jack London, Joseph Conrad, etc. Un style désuet, exotique, colonial, presque héroïque. Je ne nie pas que je lui trouvais du charme. Mais après la mort du capitaine Van Toch nous n’avons plus le droit de poursuivre cette aventure juvénile et épique. Ce qui s’ouvre devant nous, ce n’est pas un nouvel épisode, mais une conception nouvelle, messieurs, une tâche pour une imagination nouvelle et fondamentalement différente. (On dirait que vous parlez d’un roman !) Oui, Monsieur, c’est juste. Je m’intéresse aux affaires en artiste. Sans un certain art, Monsieur, vous n’inventerez jamais rien. Si nous voulons que le monde poursuive sa marche, nous devons être poètes. (Applaudissements) (G.H. Bondy s’inclina.) Messieurs, c’est avec regret que je conclus le chapitre qu’il me sera permis d’appeler vantochien ; nous y avons dépensé ce qu’il y avait en nous-mêmes d’enfantin et d’aventureux. Il est temps de quitter ce conte de fées avec ses perles et ses coraux. Sindbad est mort, Messieurs. La question se pose : que faire à présent ?
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Si vous cherchez la petite île de Tana Masa sur la carte, vous la trouverez en plein sur l’équateur, un peu à l’ouest de Sumatra ; mais si vous montez sur le pont du Kandong Bandoeng pour demander au capitaine J. Van Toch ce que c’est que cette Tana Masa devant laquelle il vient de jeter l’ancre, il lâchera une bordée de jurons, puis il vous dira que c’est le plus sale coin de l’archipel de la Sonde, encore plus minable que Taba Bala et tout aussi perdu que Pini ou Banjak ; qu’il n’y vit, sauf votre respect, qu’un seul homme – sans compter, bien sûr, ces pouilleux de Bataks – et que c’est un agent commercial, un soûlard, un bâtard de Cubain et de Portugais, plus voleur, mécréant et cochon que tous les Cubains et tous les Blancs pris ensemble ; et que s’il y a au monde quelque chose de foutu, c’est bien cette foutue vie sur cette foutue Tana Masa, c’est moi qui vous le dis, Monsieur ! Alors vous lui demanderez sans doute pourquoi il vient d’y jeter ses foutues ancres comme s’il voulait y passer trois jours ; il répondra à cette question par un grognement irrité, puis il vous fera comprendre, toujours en grommelant, que le Kandong Bandoeng ne serait pas venu dans les parages simplement pour du foutu coprah ou de l’huile de palme, ça tombe sous le sens, Monsieur, et d’ailleurs ça ne vous regarde pas, j’ai mes foutus ordres, Monsieur, et vous êtes prié de vous mêler de ce qui vous regarde. Puis il lâchera des jurons copieux et variés, comme il sied à un capitaine de bateau encore vert malgré son âge.
Mais si, au lieu de poser des questions indiscrètes, vous laissez le capitaine Van Toch grogner et jurer à cœur joie, vous en apprendrez plus long. Vous voyez bien qu’il a besoin de se soulager. Laissez-le donc parler, son amertume se frayera son chemin.
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Ce fut une guerre étrange, si toutefois on peut appeler ça une guerre; en effet il n'existait pas d’État des Salamandres, ni de gouvernement reconnu à qui l'on aurait officiellement pu déclarer la guerre. Le premier pays à se trouver en état de guerre avec les salamandres fut la Grande-Bretagne. Dès les premières heures, les salamandres coulèrent presque tous les navires ancrés dans les ports; il n'y avait pas moyen d'empêcher cela. Seuls les bateaux en haute mer étaient pour l'instant en relative sécurité surtout au-dessus des grandes profondeurs; c'est ainsi qu'une partie de la flotte britannique put se sauver en brisant le blocus de Malte et en se groupant au-dessus des profondeurs ioniennes; mais ces bâtiments furent bientôt attaqués par les petits sous-marins des salamandres et coulés l'un après l'autre. En six semaines, la Grande-Bretagne perdit les quatre cinquièmes de sa jauge globale.
Une fois de plus dans son histoire, John Bull put montrer son célèbre entêtement. Le gouvernement de Sa Majesté refusa de négocier avec les salamandres et ne retira pas son embargo sur les livraisons. "Un gentleman britannique, déclara le Premier ministre au nom de toute la nation, protège les animaux, mais ne négocie pas avec eux." Au bout de quelques semaines une pénurie désespérée de produits alimentaires se fit sentir dans les Îles Britanniques. Seuls les enfants touchaient une petite tranche de pain et quelques cuillerées de thé ou de lait par jour; la nation britannique endura ces souffrances avec un courage sans exemple, même si elle tomba assez bas pour être amenée à manger tous ses chevaux de courses. Le prince de Galles laboura de ses propres mains le premier sillon sur le court du Royal Golf Club, destiné désormais à la culture des carottes pour les orphelinats de Londres. On planta des pommes de terre sur les courts de tennis de Wimbledon et l'on sema du blé sur les champs de course d'Ascott. "Nous ferons tous les sacrifices, même les plus grands, affirmait au Parlement le leader du parti conservateur, mais nous ne renoncerons pas à l'honneur britannique."
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Nous assistons au dénouement de la tragédie de l'espèce humaine, commença Wolf Meynert. Ne nous laissons pas leurrer par sa fièvre d'entreprise et par sa prospérité technologique ; ce n'est que la rougeur fiévreuse sur le visage d'un organisme déjà marqué par la mort. Jamais les hommes n'ont eu un niveau de vie aussi élevé qu'aujourd'hui ; mais trouvez-moi un seul homme heureux, une seule classe heureuse, une seule nation qui ne se sente pas menacée dans son existence. Au milieu de tous les dons de la civilisation, riches comme Crésus en biens spirituels et matériels, nous nous sentons de plus en plus envahis par un sentiment d'incertitude, d'oppression et de malaise. [...] En un mot, concluait Wolf Meynert, le désespoir. Les signes caractéristiques de l'approche de la fin. L'agonie morale.
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Laissons de côté la question de l'âme ; mais pour autant que j'aie pu observer les Andrias, je dirais qu'ils n'ont pas de personnalité ; ils se ressemblent tous : tous aussi travailleurs, tous aussi capables, tous aussi dénués d'expression. En d'autres termes : ils réalisent un certain idéal de la civilisation moderne : la Moyenne.
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Il est des gens qui interprètent l'abréviation S-Trade (Salamander Trade) comme Slave-trade ou traite des esclaves. Eh bien, en tant qu'observateurs impartiaux, nous pouvons dire que si autrefois le commerce des esclaves avait été aussi bien organisé et aussi propre et hygiénique que l'actuel commerce des salamandres, les esclaves n'auraient eu qu'à s'en féliciter.
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La question se pose : L'homme est-il, a-t-il jamais été capable de bonheur ? L'homme certes, comme tout être qui vit, mais pas le genre humain. Tout le malheur de l'homme réside dans le fait qu'il ait été obligé de devenir l'humanité ou qu'il l'est devenu trop tard, quand s'était irréparablement différencié en nations, races, croyances, castes et classes, en riches et en pauvres, en hommes éduqués et en ignorant, en maîtres et en esclaves. Rassemblez de force en un même troupeau des chevaux, des loups, des brebis, des chats, des renards et des biches, des ours et des chèvres ; parquez-les dans un même enclos, forcez-les à vivre dans cette mêlée insensée que vous appelez l'Ordre Social et à respecter les mêmes règles de vie ; ce sera un troupeau malheureux, insatisfait, fatalement divisé, où nulle créature ne se sentira chez elle.
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Je suis loin d'avoir épuisé toutes les tâches du Syndicat des Salamandres : le Salamander Syndicate cherchera dans le monde entier du travail pour des millions de salamandres. Il fournira des projets et des idées pour dompter la mer, il se fera l'avocat des utopies et des rêves gigantesques. Il fournira des plans de nouvelles côtes et canaux, de digues reliant les continents, de chaînes entières d'îles artificielles pour les survols de l'Atlantique, de nouveaux continents créés au milieu des océans. C'est là qu'est l'avenir de l'humanité. Messieurs, les mers recouvrent quatre cinquièmes du globe ; il est certain que c'est trop ; il faut corriger la surface du globe, la carte des mers et des terres(...). Nous pouvons aujourd'hui parler de nouvelles Atlantides, des anciens continents qui s'étendront de plus en plus loin dans la mer du monde, de mondes nouveaux que l'humanité construira elle-même. Je m'excuse, Messieurs, ceci peut vous paraître utopique. Oui, nous entrons vraiment dans l'Utopie. Nous y sommes déjà, mes amis. Il nous suffit de nous rendre compte des conséquences de l'avenir des salamandres au point de vue technique (et économique !). Oui, surtout du point de vue économique. Messieurs, notre société est trop petite pour pouvoir exploiter à elle seule des milliards de salamandres.
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