Il y a des livres qu'on aime lire et relire parce qu'ils sont intemporels et charmants.
Ce livre de
Karel Capek fait partie de cette catégorie.
Il nous emmène dans un beau voyage au Pays du Jardin !
Se laisser guider par lui, ce passionné de jardinage, participer à ses émerveillements, ses étonnements, quel plaisir !
Que la nature est belle ! Oui, mais dans un jardin, il faut la maîtriser cette nature, sinon elle déborde vite de partout et elle vous envahit !
Karel Capek, lui, sait comment s'y prendre.
Il nous invite mois après mois, sous la forme d'un almanach, à cheminer par les allées, à prendre soin des plates-bandes.
Pas un mois où il ne se passe rien au jardin !
Ce ne sont pas des conseils ordinaires qu'il nous donne, il nous convie avec beaucoup d'humour à l'amour des plantes. Sa passion est communicative. On a envie de bichonner notre jardin avec lui !
Que vous ayez de l'expérience en matière de jardinage ou non, vous ne pouvez que tomber sous le charme de ce livre dont l'écriture est pleine de gaieté.
Il nous distille du bien-être, avec les parfums, l'esthétique des fleurs et le gazouillis des oiseaux.
Il ne faut pas aller bien loin pour faire de belles observations et de belles découvertes.
Avec ces temps de confinements et parfois de morosité ambiante, le jardin est tout indiqué pour s'aérer les poumons et l'âme en même temps !
Impossible de s'ennuyer dans le jardin de
Karel Capek ! On ne tient pas en place, il y a toujours quelque chose à faire !
Mais c'est quoi un jardinier ?
Plusieurs réponses, vu la complexité du personnage !
Le jardinier est un homme qui parle par images.
Il aime dire que « l'hiver résiste aux assauts du printemps », et il se sent humilié de ne pouvoir « contribuer à la mort de ce tyrannique hiver ».
L'homme jardinier est d'humeur changeante.
Il peste contre le mauvais temps. Il « enrage comme un lion en cage », parce qu'il est contraint de « rester près du poêle avec un gros rhume ». Bref, il se met en retard pour la venue du printemps au jardin ! C'est alors que le jardinier prend conscience que « la patience est la mère de la sagesse ».
C'est un homme tourmenté : « le quatrième jour, quand ce germe a poussé démesurément, le jardinier commence à se demander avec inquiétude si ce ne serait pas de la mauvaise herbe. »
C'est un homme bizarrement conçu !
« L'homme jardinier est indubitablement un produit de la civilisation et pas du tout de l'évolution naturelle. S'il avait été produit par la nature, il serait fait tout différemment ; il aurait des jambes de scarabée afin de n'être point obligé de s'asseoir à croupetons et il aurait des ailes » « pour pouvoir s'élever au-dessus de ses plates-bandes (On dirait du Pierre Dac). Quiconque n'en a pas fait l'épreuve ne peut se faire une idée de l'embarras que constituent les jambes pour un homme qui ne sait où les poser » « comme elles sont inutilement longues quand il faut les plier au-dessous de soi » « ou bien avoir des membres extensibles à volonté comme un pied d'appareil photo. » (Je vous invite à voir l'illustration correspondante qui est absolument hilarante !)
De nombreux dessins, de la main du frère de l'auteur,
Josef Capek, très simples et enfantins, et malicieux à souhait, viennent illustrer de façon appropriée les textes de ce livre.
Et comment on prépare la terre à semences ?
C'est « un grand mystère » qui « comporte des cérémonies magiques. »
La vie du jardinier est pleine de changements et de volonté créatrice, mais il lui arrive souvent de sortir un peu de la mesure…
Bientôt « la convoitise du collectionneur » naît en lui, et il s'enlise de plus en plus profondément dans cette passion. Passion qui devient de la spécialisation, qui fait de lui un « maniaque exalté » qui ne vit que pour ses roses, ses orchidées ou encore ses dahlias !
Et on s'amuse avec des situations cocasses, qui surviennent à son insu.
La lance d'arrosage est un être qu'il faut apprivoiser : « elle se tord, fait des cabrioles », « se jette sur l'individu », « se roule autour de ses jambes : il faut alors qu'il pose le pied dessus ; mais elle se dresse et lui entoure la taille et le cou. Tandis qu'il lutte avec elle comme avec un python, le monstre tourne son bec de cuivre vers le ciel et dégorge un violent jet d'eau dans les fenêtres, sur les rideaux tout frais posés. »
Et on pourrait imaginer en arriver à la situation de « l'arroseur arrosé », comme dans le célèbre film de
Georges Méliès !
Ce livre est très plaisant.
Le ton est enjoué et humoristique. L'écriture est joliment poétique.
Le texte est enthousiaste et exaltant.
Il foisonne d'émotions et de sensations !
C'est indéniable, il y a un sacré vécu dans ce que nous raconte
Karel Capek.
Une chouette invitation à déambuler dans ces petits lopins de terre, à admirer, à observer, à pratiquer l'art de la patience, et à en « prendre de la graine » !
« Je ne vous révélerai pas le secret qui fait que les jardiniers se reconnaissent entre eux, je ne vous dirai pas si c'est par le flair, ou grâce à quelque mot de reconnaissance ou bien à l'aide d'un signe secret. »