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Critique de audelagandre


Île de Bréhat dans les Côtes-d'Armor, 1925. Martial de la Boissière enquête sur la mort de son ami d'enfance, Alain. le bateau de ce dernier s'est écrasé sur les rochers après une sortie en mer. Même si cela ressemble à un banal accident, notre enquêteur en herbe, proche d'un Hercule Poirot dans le style soupçonne des raisons bien plus mystérieuses. En effet, Alain était un excellent navigateur… Cet accident a surgi après la présence des deux amis à une séance de spiritisme où le nébuleux maître Collas leur avait fait de bien étranges prédictions… Martial, membre honoraire du cercle Cardan qui s'est fixé comme mission de déjouer les élucubrations de pseudo voyance se charge de l'enquête.

Ce roman est la suite du « Diable sur les épaules », premier roman de Christian Carayon dans lequel on découvrait un auteur à la plume très Agatha « Christienne ». Son écriture, un peu désuète, mais tellement romantique me faisait réellement penser à un auteur du début du XXe siècle. Ce n'est que plus tard, en lisant « Un souffle une ombre », puis l'excellent « Torrents », que j'ai pu mesurer la poésie lyrique de l'auteur par la description fouillée d'un monde rural noir. Je l'avais alors rangé dans ces auteurs capables de déclencher chez leurs lecteurs des émotions profondes rien qu'en décrivant la nature. « Les naufragés hurleurs » n'est pas le dernier livre de Christian Carayon, il est en fait le second, publié aux éditions les nouveaux auteurs en 2014 et réédité ce jour par les éditions Fleuve. Aussi, je n'ai pas retrouvé dans ce roman cette ruralité noire, senti ce terreau parfois opaque s'extirper des strates de la terre, oxygéné par des mots puissants qui mettent à jour un monde qui semblait figé, hors du temps et de l'espace dans lequel nous naviguons.

Et pourtant !! C'est un autre aspect de l'écrivain que je découvre ici : une capacité à plonger son lecteur dans une forme de contes, de mythologie bretonne, de légendes et sorcelleries qui donnent aux naufragés hurleurs une tessiture singulière. Christian Carayon a choisi l'île de Bréhat pour décor, comme une plongée vertigineuse dans une forêt de Brocéliande impénétrable et ésotérique. Sur cette île sibylline se cachent bien des secrets, la nature semble se refermer sur les personnages et leurs histoires pour mieux les asphyxier. Ce qui se passe à Bréhat doit rester à Bréhat. L'écriture de l'auteur, un peu surannée quelques fois, semble parfois poussiéreuse à dessein. Un chuchotement à peine audible pour conserver cette intimité fragile qui s'est glissée entre l'auteur et son lecteur, la pérennité de légendes qui ne sont racontées qu'aux élus.

Le début est lent, mystérieux à souhait, presque initiatique. Christian Carayon déploie lentement ses ailes pour vous faire adhérer à son écriture : délicate, subtile, et précise. Au coeur de cette nature magnétique, il vous envoûte. Si comme moi, vous ne connaissez pas l'île de Bréhat, vous la verrez se livrer sous vos yeux. L'apanage des grands auteurs qui vous embarquent dans une atmosphère qu'eux seuls savent créer par les mots. Je ne peux que recommander cette déambulation poétique si vous acceptez de vous laisser porter.

Je remercie les éditions Fleuve de leur confiance.

Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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