L'autre moi

Je m'assieds sur le divan près de mon lit et je tente de me poser un peu et de réfléchir calmement. Il doit me manquer une pièce du puzzle, un élément de l'équation. Mais une chose est sûre, il doit y avoir une explication plausible à tout ce qu'il m'arrive.

Je suis terrifiée. Et en colère. Il n'y a rien de pire pour une femme désespérée. Ce cocktail de sentiments va me faire exploser. Sam va payer le prix fort ! Il m'a enlevé ce que j'avais de plus cher au monde. Je frapperai encore plus fort. J'appuierai là où ça fait mal. Je le vaincrai !

C'est maintenant que mes larmes commencent à tomber. Je sens enfin des tremblements m'envahir, ceux qui me préviennent que je viens de faire quelque chose de grave. Et pour une fois, je me laisse battre par mon propre corps, j'accepte des coups et des cris. J'accepte de passer de l'autre côté. Le côté obscur.

J'ai voulu jouer dans la cour des grands et je sais que les conséquences vont être à la hauteur de mes agissements. Je m'attends au pire, mais j'espère le meilleur.

Un auteur, c'est comme un joueur d'échecs. Il pose ses pions, il les emmène à sa guise puis il les place là où il le faut pour qu'ils puissent soit se défendre, soit se faire tuer.

Oui, il ne faut jamais sous-estimer les petites actions qu'on croit pouvoir dissimuler dans l'oubli. Un jour, elles reviennent frapper à votre porte et vous demandent des comptes. un jour, elles frappent de toutes leurs forces et vous heurtent profondément.
Un jour, elles vous rattrapent et…elles vous tuent.

Non, je ne suis plus un écrivain. Je suis Sam Carda et j'ai l'intime conviction que je ne suis pas fou à lier. Enfin, je crois.

Si je veux prendre le contrôle de mon histoire, je dois mettre mes angoisses de côté. Chaque décision que je vais prendre se révèlera très importante. Je n’ai pas droit à l’erreur. Cette fois, je ne peux pas supprimer un paragraphe ou revenir en arrière. Je ne suis pas en train d’écrire un roman, je suis sur le point de déterminer mon avenir. Et tout cela me fait très peur. Je suis même terrifié à l’idée de prendre les choses en main. Parce qu’à l’intérieur, je sens que je ne serai pas capable d’assumer la vérité. J’ai peur de découvrir qu’Ambre avait raison et que tout ce qui m’arrive n’est finalement que le fruit de mon imagination et de mon cerveau malade. Et puis, je n’ai pas cette force intérieure de quelqu’un qui n’a pas peur d’affronter les choses. Je suis plutôt un homme qui subit et qui se laisse aller au gré du vent. Cette effrayante histoire m’oblige à changer, à surpasser mes limites mentales pour me sauver.

La meilleure façon de m’en sortir c’est d’agir comme je le ferais dans mes propres romans. Je vais enfin prendre les choses en main et je vais faire ce que je sais faire de mieux : imaginer un piège dans lequel tomberont mes agresseurs. Ruser, créer de faux-semblants, c’est dans ces domaines que je suis le plus doué et c’est sur ce terrain que je vais jouer. Je dois redevenir l’auteur de ma propre histoire. Cette fois, il est temps que je me relève et que j’avance avec détermination !

On veut vous voir ramper comme nous avons nous-mêmes rampé dans votre stupide roman. Et puis, soyez réaliste quelques instants. Vous croyez vraiment que vous allez revoir Magali ? Elle va mourir dans d’atroces souffrances et ce sera la première d’une longue liste. Nous détruirons tous les gens que vous aimez les uns après les autres jusqu’à ce que vous vous retrouviez seul et amer.