Le cadeau doit être offert sans raison à une personne qui ne s'en doute pas et qui ne recevra aucune explication. Elle ne doit pas dire merci ni envisager la moindre forme de réciprocité. En même temps, pour échapper au piège de l'acte gratuit, il faut qu'il y ait un rapport étroit entre l'objet offert et la personne qui le reçoit. Quelque chose qui relève d'une nécessité aléatoire.
Je crois qu'il faut toujours laisser aux autres la liberté de vous cacher quelque chose.
Les hommes vivent leur vie, mais c'est toujours une femme qui la fait même quand ils choisissent finalement de la passer sans elle.
La trace du temps sur la peau est une des choses qui m'intéresse le moins. Ce qui le fascine en revanche c'est la manière dont l'apprentissage du jeu social fait de chacun de nous un homme comme tous les autres, alors que la jeunesse porte en elle un univers irréductible d'espérances et de paradoxes.
Un homme qu s'ennuie au théâtre, c'est comme un homme qui ronfle. On peut difficilement le lui reprocher, mais c'est insupportable.
A quoi pensent-ils, ceux qui se taisent, le soir, dans tous les cafés du monde ? On voit bien, quand on les regarde, que des images leur passent devant les yeux.
J'envie parfois la facilité avec laquelle certains hommes laissent le silence s'installer entre eux.
Pendant deux heures, le public va s’ennuyer poliment devant une pièce du répertoire classique. Je suis ailleurs. Comme d’autres sûrement. Comment font les acteurs quand l’assistance pense à autre chose ? Est-ce qu’eux aussi s’éclipsent parfois et laissent leurs costumes jouer tout seuls en scène ?
Je lance régulièrement des petits coups d’œil à ma montre qui m’assure que la pièce arrive à petits pas vers nous. J’attends. Mon cœur bondit aux trois coups et fond de bonheur en découvrant le décor. Dès la première scène, j’oublie les têtes d’affiche et je m’attache aux débutants auxquels j’adresse, tout au long du spectacle, des encouragements silencieux.
Je souris à cet autre moi qui se reflète dans le miroir et dont je m’apprête à me délester. Le premier indice que je deviens un autre est que j’isole, dans la langue ordinaire, des séquences de six ou douze syllabes. Les phrases de mes interlocuteurs résistent au rythme des vers. Ici, il manque un mot ; là, l’hémistiche est trop long. Soudain, l’une d’elle succombe par hasard. Une habituée a annoncé à la patronne : « Je viendrai demain soir dîner avec mon fils. » Je répète mentalement la phrase en imaginant une situation, un jeu de scène. Le rideau pourrait-il tomber sur un vers comme celui-ci ?