Citations sur Intempérie (11)
Ici, il n'y avait que des lévriers galgos. Efflanqués. Chairs essorées sur une ossature longue. Des animaux mystiques qui couraient à toute vitesse après les lièvres, sans jamais s'arrêter pour flairer, parce qu'ils avaient été jetés sur la Terre avec un unique mandement : traquer et déchiqueter. Des lignes rouges ondoyaient sur leurs côtes, vestiges de la cravache de leurs maîtres. De celle qui, sur la terre sèche, asservissait les enfants, les femmes et les chiens. p10
Le berger le reçut sans un mot, comme on accueille un pèlerin ou un exilè. Le garçon enlaça son torse au point d'arracher au berger meurtri une légère plainte. "Les côtes", dit-il, et le noeud se défit immédiatement. Ils s'écartèrent. Ce qui suivit ne fut pas de la honte. Peut-être simplement une distance mieux adaptée aux lois de cette terre et de ce temps. Et quoi qu'il en soit, la graine était semée.
- As-tu vu la couronne que porte le Christ là au dessus?
- Oui, elle a trois pointes.
- Elle s'appelle les pouvoirs. Une c'est la mémoire, l'autre, la compréhension et la troisième, la volonté.
Ils finirent la traite en quelques minutes et le garçon fut surpris du peu de lait que toutes avaient donné. Le vieux expliqua qu'à cette époque là de l'année, entre la chaleur, le peu d'eau et les aliments secs, les animaux devenaient radins.
(traduction du contributeur depuis le texte original)
Devant lui, la plaine dégageait une odeur de terre brûlée et de pâture desséchée, sa manière à elle d'évacuer la souffrance que lui avait infligé le soleil pendant la journée. Un hibou gris passa au-dessus de sa tête et alla se perdre tout en haut des oliviers. Le garçon se dit qu'il ne s'était jamais autant éloigner du village où il avait passé toute sa vie. Au bout de ses pieds s'étendait une terre inconnue, tout simplement.
Une ligne brisée sanguinolente jaillissait de la blessure ouverte par l'un des clous du fer. La violence de la scène irrita les nerfs du garçon, à moins que ce fût la pensée récurrente que cet homme partait le remettre aux mains de son bourreau. Il donna un coup de pied dans les reins du cul-de-jatte, ce qui eut pour effet tout à la fois de déplacer le corps dans une nouvelle position sur les cailloux du chemin et de lui arracher une plainte somnolente. La bouche entrouverte contre la terre, les lèvres couvertes d'une panure de sable, et un point rouge sur la poussière, là où le sang tombait.
Comme oreiller, le vieux avait installé sa bardelle rembourrée de paille de seigle. Le garçon y posa la tête avec précaution, et s'installa du mieux possible sur la laine râpeuse.
En définitive, il était aussi fils de cette terre là comme les perdrix et les oliviers.
(traduction du contributeur à partir du texte original en espagnol)
Il se pencha vers la porte obscure en brandissant la cravache devant lui. De l’intérieur lui parvinrent les arômes de viande qu’il connaissait et aussi une légère pestilence qu’il n’avait pas remarquée auparavant. Il passa la tête dans la pièce noire et, sans rien distinguer, il sentit le poids de ce qui s’était déroulé dans ces lieux. Une densité de vieille sacristie (…), où les murs avaient absorbé durant des siècles les cris des enfants de chœur, des orphelins et des enfants trouvés. Le mal, la souffrance et la charité. La mort jetée là, cadavres entassés.
Petit chef d'oeuvre espagnol intemporel entre sierra accablée par le soleil, misère humaine et violence des petits pouvoirs.
A lire absolument.