Elle [l’impératrice Catherine II de Russie] choisit aussi de condamner la torture, et proposa que partout la prévention l’emportât sur la répression. Sur ce chapitre, elle faisait en effet preuve d’un grand libéralisme, au point que même le Nakaz fit peur dans un certain nombre pays européens, notamment en France où l’ouvrage fut interdit…
Les accusations de cruauté et d'hypocrisie se multiplièrent contre l'impératrice. Et le peuple russe se mit à prier pour l'innocent assassiné. Certes, on avait suffisamment répété qu'Ivan n'avait pas toute sa raison. Mais, précisément, nulle part ailleurs qu'en Russie celui qui a perdu la raison ou est tenu pour une âme simple n'est autant révéré.
[A propos du troisième partage de la Pologne entre l’Empire de Russie, l’Autriche et la Prusse, en 1795]. Cette distribution des terres et des âmes faisait partie des habitudes de l’Empire ; elle avait eu lieu partout où il avait gagné du terrain. Mais, en 1795, les idées révolutionnaires ont fait leur chemin, même en Russie, et cette extension du servage contribue au développement d’une pensée nouvelle dont tout le XIXè siècle montrera qu’elle ne pourra être freinée et qu’elle met en cause les principes même sur lesquels l’Empire a jusqu’alors vécu. Après 1795, la Russie aura maintes fois l’occasion de vérifier le sage conseil de Jean-Jacques Rousseau aux polonais dans ses Considérations sur le gouvernement de la Pologne (1772) : « Vous ne sauriez empêcher qu’ils vous engloutissent. Faites au moins qu’ils ne puissent vous digérer. »