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Citations sur Le vin bourru (9)

Craindre des averses ? Je ne comprends pas. Il faudrait annoncer exactement l’inverse, affirmer que le beau temps c’est la pluie, et pas seulement pour l’agriculture, pour l’industrie, pour l’air que nous respirons, pour notre santé, pour tout. Les grandes nations sont faites de pluie. Mais apparemment le culte du soleil sévit encore sous des formes modernes et la « météo » ne s’adresse qu’à des adeptes aveuglés.
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Pour les hommes, l'été, la sieste apportait deux heures de répit à une activité incessante. Tradition des pays chauds, autre signe du Midi, la sieste coupait la journée en deux. (...)
Femmes et enfants restaient éveillés. Les femmes tricotaient à l'ombre, après la vaisselle, devant la porte. Les enfants jouaient aux billes et tentaient de s'enfuir pour courir çà et là, surtout vers la rivière. Mais ils avaient ordre de ne pas se baigner moins de deux heures après le repas.
La sieste : un morceau de temps suspendu, une odeur de sueur, les volets à-demi fermés, les mouches sur le drap, la voix basse des femmes et le chant des cigales.
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Le pays est vert, accidenté, sillonné de ruisseaux, froid l'hiver à cause du vent du Nord qui descend en sifflant du massif, chaud et même très chaud l'été, mais riche en ombre fraîche, en arbres bien feuillus, en mousse, en herbe à sauterelles. On y trouve de l'eau partout et pourtant c'est bien le Midi. Cela se reconnaît aux cyprès du cimetière, aux oliviers, aux cigales, aux réclames pour le Pernod et à l'accent, même si dans certaines familles on roule les "r" , comme plus haut dans les montagnes sombres, là où habitent les "gavaches". (...) Ils vivent au nord, dans les régions froides et peu civilisées des montagnes centrales. Ils parlent patois et ne sont bons qu'à faire brouter les vaches. A certaines saisons ils descendent dans les terrains méridionaux comme travailleurs périodiques. C'est l'occasion pour nous de voir comme ils sont frustes et ignorants. Le gavache est la référence barbare. Il est ce qu'il ne faut pas être. (...)
Beaucoup plus tard, en travaillant en Espagne, je découvris que pour les Espagnols tous les Français sont des gavachos. Et j'appris l'origine de ce mot. Les Gavaches furent un peuple du Massif central qui, au Moyen-Age, lorsque l'Espagne était encore verte (...), franchissaient la frontière pour venir y faire les récoltes.
Des journaliers, des saisonniers. Les Français ont été pendant plusieurs siècles travailleurs immigrés en Espagne. Il paraît que le mot existe aussi en italien.
On est toujours le gavache de quelqu'un. Il fallait s'y attendre.
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A cette époque-là, dans ce pays-là, il est difficile d'imaginer la somme d'efforts physiques qu'on demandait à un enfant. D'abord, dans ces terrains accidentés, tout chemin montait ou descendait, et tout trajet se faisait à pied. Quand j'eus une bicyclette, le problème se compliqua. Il fallait alors monter à vélo le plus de côtes possible, à moins de passer pour un incapable. D'où des concours incessants avec les autres. Pour monter à Saint-Martin, chez mes grands-parents, une partie du chemin marquait une pente très forte. Cet endroit, redouté des charretiers et des chauffeurs, s'appelait La Renarde. Généralement les femmes et les enfants mettaient pied à terre en bas de La Renarde et montaient à pied, en poussant la machine. Je me rappelle encore ma joie lorsque - je devais avoir onze ans - je montai pour la première fois cette côte sans descendre de vélo. J'en parlai à tout le monde. J'écrivis même la grande nouvelle à ma tante et à mon oncle, à Marsillagues. j'étais initié, promu.
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Les adultes n'évitaient pas à l'enfant le spectacle de la mort humaine, au contraire. Les vieux mouraient tous à la maison, la famille exposait leur corps sur un lit, dans leur dernier habit, et tout le village venait les saluer, en lançant au passage quelques gouttes d'eau bénite avec un rameau de buis. Les morts tenaient souvent un chapelet entre leurs mains froides.
Le premier cadavre que je vis fut celui de ma grand-mère Germaine, mère de mon père, quand j'avais cinq ans. Ma mère me conduisit devant elle - toute blanche dans une robe noire - pour un dernier regard.
- Regarde-la, me dit-elle, tu ne la verras plus.
Ainsi la mort devenait familière avant même qu'elle ne fût comprise et admise. Elle n'avait rien d'ef-frayant.
P.91
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Le matin, quand je me levais pour l'école, il était déjà parti au travail, dès cinq ou six heures du matin. Travail complexe, qui changeait d'une saison à l'autre et même d'un jour à l’autre, qui devait s'adapter au temps, au vent, aux orages, qui
supposait - entre le soin des bêtes, les jardins (nous en avions quatre), la vigne, les arbres fruitier - une organisation mentale extrêmement précise. Il devait savoir combien d'heures lui seraient nécessaires pour tailler cette vigne, ramener pour les chèvres un fagot de cha-taignier qu'il laisserait sécher avec d'autres dans le pailler pour l'hiver, arroser, remplacer les tuiles du toit, couper du jambon, changer un manche de pioche, aiguiser la faux à petits coups de marteau sur un coin en fer planté dans le sol, assis par terre les jambes écartées, fendre du bois avec une masse et des coins en fer, réparer la porte d'un bahut, soutirer le vin à la cave, relever un mur (ce qu'il faisait aussi bien qu'un maçon), attraper des pigeons la nuit, retirer le fumier des lapins, du cochon, prévoir les labours, préparer du sulfate, remplacer les souches manquantes, mettre les semences à sécher.
Il devait aussi faucher, battre, vanner. S'il avait des lapins, il lui fallait cultiver un peu de luzerne, et cela valait également pour les chevres. S'il possédait un cheval, il avait besoin d'un champ d'avoine, car l'avoine, nécessaire à l'énergie de l'animal, coûtait souvent trop cher à l'achat. S'il élevait des poules, il devait planter du maïs, et ainsi de suite. Je ne vois pas de fin à cet enchaînement d'occupations.
Je suis toujours frappé, dans nos existences réservées pour la plupart à une seule activité, aplanie et facilitée grâce à tant d'engins, par la réflexion jadis nécessaire, par l'agilité forcée de l'esprit devant cent décisions à prendre chaque jour, devant un emploi du temps irrégulier, d'autant plus difficile à établir que le paysan en est le seul maître. S'il se trompe, c'est tant pis pour lui. Il lui faudra travailler davantage.
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Il ne faut surtout pas croire qu'il suffit de verser de l'eau sur la terre pour arroser. A fin d'un gros orage d'août, avec tonnerre et colonnes d'eau poussées par le vent qui s'abattent pendant une heure sur la vallée, le non-prévenu croit que la terre est satisfaite. Mais les paysans, qui ont l'expérience, secouent la tête et disent : « Ça n'a même pas pénétré. » Et ils ont raison. Il suffit de gratter un peu le sol pour voir que trois ou quatre centimètres à peine sont humides, qu'aucune racine n'a été touchée par la pluie.
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L'eau de la Vernière, embouteillée près de Lamalou, s'est adaptée aux habitudes contempo-raines. Elle est en plein essor. Une eau nouvelle est apparue sur le plateau, à La Salvetat. Elle se vend bien, je crois. Il paraît qu'un seul employé suffit à faire marcher toute l'usine.
Enfin — qui aurait pu le croire ? — on dit même que c'est en vendant de l'eau, cette matière claire et fraîche qui courait partout sous nos pas, que se sont développées d'énormes sociétés commerciales qui achètent, petit à petit, la terre entière.
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Quand un orage d'été s'annonçait à l'ouest, quand une ligne plus claire se dessinait derrière les nuages noirs, quand soufflait le coup de vent qui précède toujours l'orage et que, cinq minutes plus tard, nous recevions en souriant les premières gouttes de pluie, quelqu'un disait
« Ça, c'est de l'or qui tombe du ciel.»
P.97
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