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Citations sur Atelier Albertine - Un personnage de Proust (7)

appendice 17
sur le second paradoxe de Zénon
Les personnes que Marcel aime sont des gens en mouvement. Comme Albertine – toujours en train de filer à bicyclette, en train, en voiture, à cheval ou de s’envoler par la fenêtre ; comme la mère de Marcel – perpétuellement en train de monter l’escalier pour aller lui souhaiter bonne nuit ; comme sa grand-mère – qui arpente le jardin tous les soirs pour entretenir sa santé même quand il pleut à verse ; ou comme son ami Robert de Saint-Loup – qu’on aperçoit la première fois en train d’escalader la banquette dans un restaurant pour apporter un manteau à Marcel, qui reste assis, tout frissonnant, au bout de la table. Marcel est le centre immobile de toute cette activité cinétique, il est comme la flèche qui vole dans le second paradoxe de Zénon, que l’arc décoche mais qui n’atteint jamais sa cible parce qu’elle n’est pas en mouvement. Pourquoi la flèche de Zénon n’est-elle pas en mouvement ? Parce que (c’est l’explication d’Aristote) le mouvement de la flèche est constitué d’une suite d’instants, et à chaque instant la flèche emplit l’espace entier de cet instant, et c’est là (comme dirait Zénon) une description de l’immobilité. Donc, si vous additionnez tous les instants de l’immobilité, ça ne bouge toujours pas. Personne n’irait nier que le roman de Proust ruisselle de temps, et de flèches partant dans toutes les directions. Mais on pourrait également envisager le roman entier comme un immense moment figé, puisqu’il faut à Marcel les trois mille pages de l’histoire pour arriver au point initial où il se met à l’écrire. À la dernière page du livre il décoche sa flèche mais surpasse Zénon, il la tire en arrière, puisque vous venez juste de finir de lire le roman qu’il se propose d’écrire. Ca me donne un peu mal à la tête de penser longtemps à Zénon et à ses paradoxes, même si son élocution pince-sans-rire me plaît. Voici un verre d’antidote-Zénon par ce proustien dévoué, le réalisateur Chris Marker (Sans soleil) : « C’est ainsi qu’avance l’histoire, en se bouchant la mémoire comme on se bouche les oreilles […] un instant arrêté grillerait comme l’image d’un film bloquée devant la fournaise du projecteur. »
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appendice 15 (a)
sur les adjectifs
Les adjectifs sont les poignées de l’Être. Les substantifs nomment le monde, les adjectifs vous permettent de retenir le nom et de l’empêcher de se disperser partout dans votre esprit telle une explication présocratique du cosmos. Chez Proust, l’air peut être, par exemple (adjectivement et au fil des volumes), collant, écaillé, effiloché, comprimé ou percolé ; puis poudreux, grumeleux, embaumé, distillé, éparpillé, liquide ou volatil ; puis tissé ou cassant ; puis congelé ; puis fondu, vernissé, onctueux, élastique, fermentant, contracté, distendu ; puis solidifié ; enfin, il semble n’y avoir pas d’air du tout dans le dernier volume. Je ne vois guère d’intérêt dans ce genre d’informations, mais établir de telles listes fait partie du très grand plaisir qu’on éprouve une fois qu’on entre dans le désert de l’Après-Proust.

appendice 15 (b)
sur les adjectifs
Mais ne négligeons pas la suggestion faite en 1971 par le tardif philosophe présocratique Roland Barthes, à savoir forger une langue sans adjectifs du tout, par conséquent déjouer le « fascisme du langage » et maintenir « l’utopie du sens aboli », ainsi qu’il l’exprima de façon délirante. « Quand je jouais aux barres, au Luxembourg », écrit Barthes, « mon plus grand plaisir […] c’était de délivrer les prisonniers – ce qui avait pour effet de remettre toutes les parties en circulation : le jeu repartait à zéro » (Roland Barthes par Roland Barthes). Clairement, ce sont là des eaux trop profondes pour les aborder dans un simple appendice, même si je signale à votre attention le malaise qu’éprouva toute sa vie Roland Barthes à l’égard de la compétition, sa méfiance envers les situations binaires et son rêve engagé d’un troisième langage dans lequel nous serions tous exemptés du sens.
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53.
Il existe quatre façons pour Albertine d’éviter d’être complètement possédable dans le volume V : en dormant, en mentant, en étant lesbienne ou en étant morte.
54.
Seules les trois premières lui permettent de bluffer.
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47.
Chez Proust, dit Samuel Beckett, il n’y a ni justice ni injustice, et je veux bien le croire. Le bluff, toutefois, demeure une zone d’ombre.
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35.
Marcel ne prononce jamais le mot « lesbienne » devant Albertine. Il dit « le genre de femmes que je n’aime pas ».
36.
Albertine nie connaître de telles femmes. Marcel suppose qu’elle ment.
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10.
Albertine n’appelle jamais le narrateur par son nom, à aucun moment dans le roman. Les autres non plus. Le narrateur laisse entendre que son prénom pourrait être le même que celui de l’auteur, c’est-à-dire Marcel. Admettons.
11.
Albertine nie être lesbienne quand Marcel l’interroge.
12.
Ses amies sont toutes lesbiennes.
13.
Le déni d’Albertine le fascine.
14.
Ses amies le fascinent également, surtout par contraste avec ses amis à lui, qui sont gays mais très discrets. Les amies d’Albertine « se donnent en spectacle » sur la plage et s’embrassent dans les restaurants.
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1.
Albertine, le prénom, n’est pas un prénom courant pour une Française, même si Albert est fréquent pour un garçon.
2.
Le prénom Albertine revient 2 363 fois dans le roman de Proust, plus que tous les autres personnages.
3.
Albertine elle-même est présente ou mentionnée dans 807 pages du roman de Proust.
4.
Dans un bon 19 % de ces pages elle dort.
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