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Critique de Lucilou


Depuis le temps que je dis, que je répète que non "Roméo et Juliette" n'est pas une pièce dépassée au propos éculée, que toutes les réécritures qui fleurissent en sont une preuve irréfutable!
Qu'elle peut être d'actualité et à l'origine d'oeuvres contemporaines absolument géniales. Depuis le temps... Et voilà qu'enfin une parution toute récente vient me donner raison!

Je n'ai donc pas hésité longtemps avant de commander "Romy et Julius" à ma libraire préférée (ça va, elle est habituée à mes lubies et presque toutes mes obsessions tant et si bien qu'elle avait anticipé ma demande! Ma libraire est formidable, je sais.). Ce roman tombait d'autant plus à pic que ces derniers temps, je me suis prise à lorgner du côté de la littérature jeunesse... Vraiment, "Romy et Julius" m'était destinée!

Dans cette version de la plus célèbre des pièces de maître Will, Vérone est un petit village comme la France en est pleine. Un village avec ses habitants, ses fermes, sa MJC, ses écoles et ses querelles de clochers. du côté des deux camps en présence, il faut compter sur les habitants historiques du bourg, attachés à leur vision de la ruralité et à leurs traditions d'un côté et sur les néo-ruraux de l'autre, un peu bobos, souvent végétariens et parfois militants de la cause animale. le décor est planté. Il ne nous manque que les protagonistes.
La jolie blonde aux yeux de tempête et un peu garçonne qu'on voit là-bas, c'est Romy, la fille du boucher. Elle a un caractère bien trempé et rêve en secret d'être un jour comédienne quand son père et son frère l'imaginent derrière le comptoir de la boucherie.
Un peu en retrait, ce garçon aux boucles brunes et aux yeux de rivière au printemps, avec son air doux et timide, c'est Julius. Sa famille de végétariens et lui ne sont là que depuis quelques années. Lui ce qu'il aime, c'est traîner avec son meilleur ami Ayden et danser comme Gene Kelly.
Ces deux là n'auraient pas dû se rencontrer (ils ne fréquentent pas le même collège en plus!) sauf que rien ne se passe jamais comme prévu et c'est pendant le cours de théâtre de la MJC du village orchestré par M. Williams, enseignant en art dramatique et sa fiancée, la professeur de musique du collège de Romy que le coup de foudre les enchaîne. La fiction rejoindra ensuite la réalité puisque tous deux seront choisis par leurs professeurs pour incarner sur scène les amants de Vérone et comme pour Juliette et son Roméo, l'amour de Romy et Julius sera mis à rude épreuve, eux dont les entourages sont si différents et si peu prompts à s'écouter pour se comprendre. Reste à savoir quelle sera l'issue de cet amour là dans ce monde de fous...

Un tel cadre aurait pu passer pour risible, mais en réalité, il fonctionne parfaitement et les talents conjugués de Marine Carteron et Coline Pierré nous offre un roman très réussie, très beau, très actuel et non dénué de fantaisie.

Tout d'abord, le roman se révèle très fidèle - autant, en tout cas, que le cadre spatio-temporel choisi le permet- à la pièce et c'est un vrai plaisir. On y retrouve les moments de grâce, de tension, de chagrin, les doutes et les trahisons... Pour autant, l'ensemble est cohérent, intelligible et ne dépare pas en 2020. C'est clairement une belle adaptation fidèle et passionnée, jusque dans le découpage du livre en actes, chaque acte étant précédé de son prologue.
Ensuite, l'histoire d'amour entre Romy et Julius est très bien traitée, avec beaucoup de sensibilité. Elle est crédible, émouvante, jamais mièvre. En lisant, j'ai retrouvé mes quatorze ans et les émotions de l'adolescente que j'étais alors. Je crois que c'est d'ailleurs ce qui ressort le plus de ma lecture par rapport à l'histoire d'amour: l'émotion. Celle dont on a parfois un peu honte mais qui fait tellement de bien, même si elle serre un peu le coeur et qu'elle donne l'impression d'être beaucoup trop sentimentale. Ils m'ont touchée ces deux là...
Je voudrais ensuite saluer l'intelligence du contexte, traité avec beaucoup d'intelligence et de finesse, sans parti pris. Les auteurs ont su se glisser dans les deux camps pour nous en faire saisir chaque argument, chaque position sans n'émettre aucun jugement et c'est d'autant plus malin que risqué. le final tend à rappeler qu'il est bon de savoir dialoguer quelque soit son camp et qu'il vaut mieux se concentrer sur ce qui nous unit plutôt que sur ce qui divise. Naïf peut-être mais salvateur sûrement.
Je pourrais disserter encore sur les personnages secondaires, sur la peinture à vif de notre société croquée avec virtuosité, sur le grain de folie de l'ouvrage aussi, sur les codes malmenés puis inversés qui donnent aux deux amoureux un surcroît de profondeur et de modernité, mais j'en ai déjà trop écrit...

Maître Shakespeare, vous pouvez dormir tranquille, sachez-le: vos histoires ne sont pas prêtes de disparaître. Elles n'ont même jamais été si proches de l'immortalité.







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