Citations sur Les faucons de Raverra, tome 1 : La sorcière captive (40)
Je m'étais toujours demandé d'où venait cette aura de force presque palpable qui enveloppait ma mère, cette autorité qui lui permettait de pénétrer dans une salle bondée d'une centaine de personnes et d'y imposer le silence par sa simple présence. Ce qui la rendait invulnérable, aussi inatteignable que les Grâces elles-mêmes, au point que ses ennemis tentaient de la frapper à travers moi, persuadés qu'ils étaient de ne pouvoir s'en prendre directement à elle.
Je la sentais à présent, enfler en moi comme les eaux de la lagune à marée haute : "la Sérénité".
— C'est facile de dire que vous ne pouvez pas changer le monde, s'emporta Zaira en pointant le doigt sur lui. Ce sont les gens qui font changer le monde. Je ne connais peut-être pas bien l'histoire, mais ça au moins, je le sais. Ne prétendez pas que c'est impossible alors que vous êtes juste trop feignant pour essayer !
L'orgueil et la colère pouvaient pousser les gens à commettre les pires actes.
— Vous vous souciez donc de ce qui se passe là-bas ? demandai-je, en m'efforçant de ne pas prendre un ton provocateur.
Zaira haussa les épaules.
— J'aime bien Domenic. Je ne voudrais pas qu'on lui chamboule sa géographie.
— Quelqu'un doit parfois se dresser contre l'Empire, ne serait-ce que pour l'empêcher de sombrer dans la tyrannie.
Je rengainai ma dague dans son fourreau, mais la colère qui se lisait sur mon visage était aussi tranchante qu'une lame d'acier.
— Vous avez encore beaucoup à apprendre sur la manière de courtiser les Raverraines.
Il était temps pour moi de remettre mon corset et de retourner au combat.
— Ne me pensez-vous pas capable de prendre mes propres décisions? rétorquai-je. Je connaissais les dangers. J'ai choisi de venir. Si vous endossez tout le blâme pour les risques que nous affrontons ensemble, par voie de conséquence vous réclamez aussi tout le crédit de nos succès. Et à ça, lieutenant, je me dois de protester.
— Comment est-ce possible qu'elle préfère "ça" à vivre aux Mues ?
— Ce n'est pas tant que ce soit mieux ici, dit-il. Le problème vient de ce qu'elle n'a pas eu le droit de choisir.
La Contessa me fixa d'un regard incisif, les yeux plissés.
— Le pouvoir a toujours des ennemis.
Je baissai les yeux sur la cicatrice au dos de mon poignet.
— Je suppose, oui.