Ici et là-bas
Ici c'est Cerbère, village français frontalier, première terre d'exil de milliers d'espagnols fuyant Franco.
Là-bas c'est la terre des ancêtres, des racines, de l'identité; celle qu'on quitte parce que la vie n'en laisse pas le choix, pour un ailleurs étranger, promesse incertaine d'une vie meilleure.
Gabriel le solitaire, traine une mélancolie profonde depuis ses 6 ans, depuis son départ d'Italie- hanté par le souvenir de sa grand-mère, généreuse et aimante mais surtout par le cri de la séparation, sa déchirure à lui, béante et douloureuse. Alors il nage inlassablement pour trouver la quiétude... mais c'est à Cerbère que sa quête d'une paix intérieure va aboutir.
Un village chargé de l'histoire de trois soeurs, trois fleurs: Rosa, Bégonia et Flora. Trois exilées elles-mêmes qui tentent en 1939 d'apaiser les maux de ces êtres arrachés à ce qu'ils sont au plus profond.
Gabriel rencontre leur maison trente ans plus tard, abandonnée et surtout hantée par cette fratrie féminine et par tous ceux qui y ont trouvé refuge. le théâtre de vies qui passent, se croisent, s'unissent et se quittent, souvent pour repartir vers l'exil.
Des dizaines d'années après les âmes de ces naufragés continuent d'errer sur le village. Gabriel les ressent avec force, nouvel exilé dans cette maison des fleurs, il veut tout savoir de ces histoires dans
L Histoire. Il repeuple la maison vide par les souvenirs qu'il exhume devenant très vite pour lui un espace cathartique capable d'éclairer sa propre vie et lui permettre enfin de se sentir vivant.
Dans un chassé-croisé entre passé et présent, à la lumière des carnets de Flora, l'histoire de cette maison se reconstitue, celle d'un refuge où la misère des exilés côtoie la joie de vivre et la douceur des trois soeurs, et où l'expression artistique apaise, protège et libère de la peur et de l'avenir.
C'est une histoire de départs, d'arrivées, de souffrances, de résistance et d'espoir. Une histoire de femmes pour panser les maux d'un homme.
L'écriture d'
Aurélia Cassigneul-Ojeda est celle de l'instant habitée par le passé, belle car souvent poétique et emprunte d'une douce nostalgie, capable de décrire la blessure et la douleur avec douceur, sans brusquer son lecteur, pour l'aider comme Gabriele à glisser vers le coeur de ces déracinés.
Un très beau roman sur l'exil et la quête de soi, sujets universels que raconte
Aurélia Cassigneul-Ojeda dans une intimité sensible et poétique. Une très belle lecture pour cet été- aux éditions Ateliers
Henry Dougier.