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Critique de Lulu_Off_The_Bridge


Pour ceux qui le connaissent, la patte de l'Australien est reconnaissable, et pour les autres, il faudra aimer l'outrance et barboter dans les mochetés du monde pour apprécier ce roman.
Histrion, bateleur, Bunny en est un fameux, quoique je ne sois pas sûre qu'il faille pousser très loin les similitudes entre l'auteur et sa bestiole. Faut-il voir en Bunny Munro le jumeau maléfique de Cave, celui qu'il aurait été sans la musique ? Hâbleur certes, doté d'un charme tordu dont il fait un usage encore moins recommandable, prompt à se perdre dans n'importe quel paradis terrestre ? Possible, possible… le roman, quoiqu'il en soit, est un long portrait en mouvement, ce type de récit donc chaque péripétie est une mise au jour des mécanismes mentaux de la créature. Classique, ou peu s'en faut. Ceux qui suivent ce blog doivent savoir que c'est là mon type de roman préféré, ceux qui ne racontent pas grand-chose – désolée pour les amateurs d'actions trépidantes. Car dans les faits, il ne se passe pas grand-chose : un veuf pathétique traîne son fils sur les routes de la côte anglaise, saute sur tout ce qui bouge avant de passer l'arme à gauche. Je me permets de spoiler, au passage, attendu que le dénouement est de toute façon écrit en gros sur la couverture. Bunny va passer l'arme à gauche, n'ayez aucun doute. La gageure est donc : comment conserver l'intérêt du lecteur quand il n'y a pas de suspens et qu'on est plus proche de Bukowski que de Racine? En écrivant une histoire universelle, peut-être, quitte à s'asseoir un peu sur la catharsis.
Disons que si l'on comprend bien la problématique du personnage, son drame de n'avoir, au sens propre, pas les couilles de s'affranchir de ses propres scories, il manque une réelle empathie pour que le tragique fonctionne. On pourrait aussi envisager l'angle de la comédie sociale noire, si en vogue chez nos amis grand-bretons, ou parler du rapport homme/ femme, ici réduit au très biologique rapport homme/morceau de femme – pas le cerveau, bien entendu. Mais tout cela concourt à faire de cette Mort de Bunny Munro une tragédie ratée, la fresque grotesque d'un héros qui ne s'élève qu'en ratant la marche, et j'ai envie de croire que c'est fait exprès. Tragédie car tout l'intérêt du roman réside dans cet écart entre la hauteur du propos et la bassesse du héros, pour montrer tout ce qu'il n'est pas. Cave met en scène un bizarre exemple d'échec humain, sans l'ombre d'un espoir de rédemption, ou un espoir avorté à la limite.
Faut-il aimer Nick Cave pour apprécier son roman ? Je n'en sais fichtre rien. Il faut aimer Bukowski, comme je l'ai dit. Aimer le grotesque en son sens le plus fort, ne pas se voiler la face devant le cru, le gras, le glauque, voire le carrément criminel. Aimer l'humour noir, aussi, ça peut aider. Ça aide toujours, cela dit. Alors si votre conception du roman anglais ressemble à un film de James Ivory, Mort de Bunny Munro n'est pas pour vous. Mais si vous avez un faible pour les zigotos qui montrent leurs fesses au public au lieu de lui tirer les larmes, ça devrait bien se passer.
Lien : http://luluoffthebridge.blog..
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