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Critique de djathi


djathi
22 septembre 2021

Javier Cercas décide pour ce dernier opus de s'aventurer dans une contrée inabordée par sa plume jusqu'alors avec un polar plutôt bien troussé !
Une saison consacrée à la découverte du genre pour moi .
Hormis un plaisir facile et quelquefois soporifique tant la banalité des intrigues finit par éculer ma curiosité , mon incursion dans le genre risque fort de se terminer plus tôt que prévu .
Meurtres , enquêtes, résolutions , un contexte social et/ou géographique agrémentant un peu la sauce et" envoyé c'est pesé ", un de plus sur les têtes de gondole ...
Alors pour se distinguer parmi cette abondance de productions , il en faut du talent : d'aucuns sauront sortir du peloton par leur griffe , d'autres par l'attachement du lecteur à un enquêteur en produisant une série , certains sauront rallier les deux et rentrer dans les classiques ( L'inimitable et unique Simenon ) ...
Cercas évidemment ne brillera pas par son style littéraire : brouillon souvent , journalistique ( n'oublions-pas qu'il est avant tout un chroniqueur au journal " El pais") , désordonné, foisonnant et redondant ... Mais tout comme Carrère qui écrit comme un cochon ( Chut ) , voilà un homme qui a des choses à dire , et pas des moindres ... Cependant , loin de tourner autour de son nombril contrairement à Carrère( pas toujours... Rappelons-nous l'excellent "L'adversaire") , ses thématiques quasi obsessionnelles tournent autour de la douloureuse histoire de son pays , du sens de la vérité , de l'identité, la justice etc ...
Alors oui , il sera bien question d'un meurtre , d'une enquête , et tout le tsoin-tsoin classique d'un polar convenu et les amateurs du genre ne seront pas déstabilisés .
Classiquement aussi le microcosme sociétal est utilisé , ce qui lui permet de nous faire voyager sur ces Terra Alta , région située au sud de la Catalogne , terre aride et sans grand attrait, mais aussi et surtout marquée par l'histoire récente avec la sanglante bataille de l'EBRE .
On y retrouvera Melchor , ancien délinquant en quête de résilience , devenu policier par souci non pas de rachat mais de vengeance , Melchor, le gamin des rues de Barcelonne, élevé à la" vas-y que je te pousse ", immergé brutalement sur ces terres inconnues accompagné de son vade-mecum" Les misérables " , puisant inlassablement des réponses auprès de Victor Hugo et s'identifiant à Jabert , " ce faux-méchant" selon son regard d'écorché avec une finesse d'analyse amputée par des carences culturelles .
Melchor , personnalité toute de guingois , cherchant des accroches pour appréhender le monde , se réfugiant auprès de son livre doudou , sa bible, compagnon de route .
Melchor et ses blessures évoluant à l'instinct primitif , sens en éveil tentant d'intellectualiser ses ressentis .
Et en échos , une société toute aussi meurtrie , par l'histoire , cette grande histoire s'infiltrant insidieusement dans l'inconscient collectif , cette grande histoire effaçant la plus petite , celle des petites luttes intestines inhérentes à ces terroirs repliés sur eux-mêmes produisant des bombes à retardement (car la loi de cause à effet , personne ni rien n' y échappe ).
A travers une banale histoire de meurtre , Cercas reprend ses thèmes de prédilection et construit un polar intelligent et finement équilibré entre l'intrigue et la dimension d'ouverture .

Indulgente je suis peut-être ...Mais après toutes les daubes que je me suis enfilées ces derniers temps dans ce registre , Cercas s'échappe un chouilla du peloton .
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