La petite gitane

Précieuse fut élevée en divers lieux de la Castille, et quand elle eut quinze ans son aïeule putative la ramena à la capitale et à son ancien campement...

Un classique de la littérature espagnole...Dans la même lignée que les autres romans de Cervantès...On se retrouve dans des siècles en arrière dans un monde coloré, et poétique.

"Lorsque le Ciel me disposa à t'aimer, ô ma Preciosa, je résolus de faire pour toi tout ce que ta volonté viendrait à exiger de moi, bien qu'il ne me fût jamais venu à l'idée que tu allais me demander ce que tu me demandes ; mais puisque ton bon plaisir veut que le mien s'ajuste et s'accommode au tien, compte-moi comme gitan dès à présent, et soumets-moi à toutes les expériences qu'il te plaira, tu me trouveras toujours tel que je te le déclare à présent. (...)"

Il ne s'en fallut pas de deux doigts que la Carduche ne rendît l'âme, à la rigoureuse réponse d'André ; elle lui eût répliqué, si elle n'eût vu que d'autres gitanes entraient dans la cour. Elle en sortit confondue et égarée, et se serait volontiers vengée si elle l'eût pu. André, qui ne manquait pas de jugement, résolut de mettre de la distance entre eux et de se détourner de cette occasion que le diable lui proposait; il lut bien dans les yeux de la Carduche que, même sans les liens du mariage, elle ne ferait point de difficulté de s'abandonner à toute sa volonté et, ne désirant pas se voir combattre pied à pied et seul en cette lice, il pria tous les gitans de vouloir déloger la nuit même de ce lieu.

Jamais les jalousies, à ce que j'imagine, dit Précieuse, ne laissent l'entendement libre de juger des choses comme elles sont : toujours les jaloux regardent avec des lunettes grossissantes, qui font grandes les choses qui sont petites, géants les nains, et vérités les soupçons.

Que sais-je si la beauté que tu dis que je possède et que tu élèves au-dessus du soleil et prises plus que l'or fin, ne te semblera point être de près une ombre, et de l'alchimie lorsque tu la toucheras ? Je te donne deux ans pour éprouver et pour examiner ce que tu dois choisir pour ton profil et ce que la raison veut que tu laisses. Une marchandise dont, une fois qu'on l'a achetée, on ne se saurait défaire si ce n'est par la mort, il est bon d'avoir du temps, et beaucoup, pour la bien regarder et contempler, afin d'y remarquer les défauts ou la bonté qu'elle possède.

[...] je sais que les passions amoureuses sont en l'âme de ceux qui en sont nouvellement possédés, comme des impétuosités indiscrètes, qui font sortir la volonté hors de ses gonds. Laquelle, renversant les obstacles, se précipite inconsidérément à la suite du désir et, croyant atteindre le paradis de ses yeux, tombe dans l'enfer de ses soucis. Si elle obtient ce qu'elle désire, le désir décroît avec la possession de la chose désirée, et alors les yeux de l'entendement venant à s'ouvrir, l'on aperçoit que la raison veut que l'on abhorre ce que l'on adorait auparavant.

Les serments et les promesses que fait le captif afin qu'on lui donne la liberté, il est bien rare qu'il les tienne une fois qu'il l'a recouvrée, répondit Précieuse ; et je pense que ceux d'un amoureux sont de même.

Tête menue, tête menue,
tiens-toi en toi, ne glisse pas,
appareille deux étançons
de la sainte et bénie patience.
Sollicite
la jolie petite confiance ;
ne t’incline
à de méprisables pensers ;
tu verras
choses bien proches du miracle,
Dieu aidant
et Saint-Christophe le géant.

celui qui donne l’âme ne doit point faire difficulté de donner le bien.