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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Après la découverte de l'excellent Bois-aux-Renards d'Antoine Chainas, j'ai eu envie de découvrir ses romans plus anciens.
Anaisthesia, s'il est moins abouti, témoigne de la même puissance d'écriture et d'un attachement viscéral aux mots, surtout lorsqu'ils appartiennent à des lexiques peu usités, comme si cette rareté leur conférait un prestige ésotérique.
L'auteur joue ainsi avec des vocabulaires techniques, designe des objets par leurs mensurations, se gargarise de descriptions anatomiques et de termes médicaux abscons pour signifier des blessures.
Cette écriture, quasi encyclopédique, a un indéniable pouvoir lyrique et hypnotique jusque dans la saturation. Elle crée une atmosphère toute singulière qui peut même faire passer l'intrigue au second plan.

Le narrateur est un policier noir, Désiré Saint-Pierre, défiguré et rendu insensible à la douleur et aux émotions suite à un grave accident de voiture. Il vit avec Rachel, une toxico devenue zombie dans un appartement infâme dans un quartier de dealers . Il consomme également de la drogue et trempe dans différents traffics, comme ses collègues tout aussi corrompus.
Mais son administration veut faire de lui un  modèle de flic noir pour redorer l'image de la police et son équipe est chargée de trouver la trace d'une tueuse en série qui dépose une bague sur ses victimes.

Antoine Chainas ne cache pas son intérêt pour un univers trash et marginal , dans lequel les addictions, la misère et la folie déshumanisent totalement ses personnages.
C'est ainsi qu'il se focalise davantage sur les corps plutôt que sur la psychologie. Les mutilations touchent ici de nombreux personnages, que ce soit le visage de Désiré, le nez manquant de la tueuse, son goût pour les hommes défigurés ou les patients de l' hôpital psychiatrique.
Dans les différents conflits qui vont les opposer, il ne manquera jamais de zoomer sur les blessures de ses personnages avec une précision anatomique qui suscite la répulsion.

Malgré le choix de ce registre délibérément glauque qui alterne les phrases très courtes, purement descriptives, et les descriptions plus longues et clairement technicistes, le propos d'Antoine Chainas fait parfois un détour du côté du politique. Car il s'agit aussi de dénoncer les ghettos créés par le racisme et la grande pauvreté qui rendent possible une société dégénérée.

"J'essaierais de lui expliquer comment ils nous domptent. Comment ils nous font aller exactement où ils veulent qu'on aille. Comment ils nous font entrer dans les cases. Avec leurs lois et leurs décrets. Avec leurs postes de télévision, leurs antennes paraboliques et leurs bouquets satellite. Avec les programmes ethno-thematiques qu'ils nous proposent : quinze émissions de radio, une de télé et trois magazines. Avec les boulots qu'ils nous offrent, les mondes qu'ils nous ferment, l'oubli en point de mire.
Avec leurs supermarchés, avec leurs revenus d'insertion, avec leurs réhabilitations, avec leurs associations de quartier, avec leurs réclames...
Avec toutes ces choses qui ne seront jamais les nôtres. "
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Anaisthêsia fait partie de ces livres auxquels je pourrais attribuer 1 ou 5 étoiles selon l'angle d'attaque de ma chronique. Côté pile, un roman noir de noir, entre 85% et 90% de noir comme pour le chocolat. Côté pile encore, un style incroyablement maîtrisé (avec, notamment, toutes ces digressions techniques). Et une structure bien en place et un rythme efficace.

Côté face, des personnages caricaturaux auxquels on a du mal à s'attacher. Une absence de propos social ou sociétal, voire humain. Et un récit qui condense à peu près tous les éléments qui font le succès d'un polar: flics pourris, tueuse en série impitoyable, orgies sexuelles, maladie rare dont est atteint le personnage principal.

Désiré Saint-Pierre est un flic noir au sein d'une brigade blanche. Il revient suite à un accident de voiture dont on va découvrir les détails, tenants et aboutissants au cours du livre. C'est finalement le "vrai" sujet du roman, avec aveux, rebondissements, lutte de pouvoir et rédemption à la clé. de retour dans l'équipe, il va capturer la tueuse à la bague, redoutable tueuse en série, dont on va peu à peu également récupérer des éléments de son passé. Ensuite, tout part en "live" comme disent les jeunes, et vu que plus personne ne contrôle plus rien, on se doute bien que le mur va arriver à toute vitesse.

Ce serait faire un mauvais procès à Antoine Chainas que de raccrocher son roman/ses idées à d'autres auteurs... les maladies rares ont été longtemps le "domaine" de Grangé (ou de Cornwell). Les flics pourris sont légions dans le polar, mais j'ai souvent pensé à Izzo dans le rapport flic/ville. Les gangs peuvent se rattacher à d'autres auteurs. Les déviances sexuelles à d'autres, etc. Je répète, mauvais procès. Antoine Chainas n'a pas besoin d'autrui pour exister. Il a une écriture personnelle qui m'a plu dès la première ligne.

L'univers décrit par Chainas manque un peu de corps, de contenu. On fait l'impasse sur toute une série de détails sociax ou sociétaux qui auraient pu venir à point nommé pour apporter une dimension intéressante au roman. L'auteur se concentre sur les interactions entre les personnages, ce qui ne veut pas dire qu'on se focalise sur l'humain... j'ai dit "interactions". A l'instar de Désiré Saint-Pierre qui est atteint d'un trouble neurologique rare qui le prive de sensations (physiques ou émotionnelles), tout le monde dépeint par Chainas semble atteint d'indifférence et d'insensibilité. Je rejoint jfponge en me disant que c'est peut-être aussi cela qu'il faut retenir du roman.
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Polar violent. Hémoglobine, viandes et os.

Polar rapide : phrases très courtes, rythme des actions soutenu.

Polar noir, sombre : héros désabusé, blasé, totalement déconnecté de la réalité.

Polar atypique : écriture qui intègre des textes officiels, telle la norme concernant la "housse biodégradable Hygéral 100 avec une fermeture en nylon et drap absorbant confirmé au décret 8728 du quatorze janvier quatre-vingt-sept, article vingt-neuf, agréée par le ministère de la Santé et de l'Action humanitaire" (p.10), celle qui renferme les cadavres.

Polar qui, mine de rien, fait un point plutôt pessimiste de la situation dans les banlieues, de l'intégration des noirs et autres personnes issues de l'immigration qui vivent dans les cités de ces banlieues.

Polar qui parle de la revanche souhaitée des femmes
Polar qui parle des gens oubliés des médias et des conversations et de la littérature : les malades, les fous, les handicapés. On pourrait même parfois y voir la cour des miracles, tellement les descriptions d'Antoine Chainas sont noires.

Pas vraiment gai, mais un style, une écriture, un angle de vue, des héros hors normes et originaux. Antoine Chainas scrute les bas-fonds, les perversions de la société, ses tentatives ou velléités d'intégrer tout le monde quelles que soient ses origines. Antoine Chainas, dont j'ai déjà lu Aime-moi, Casanova fait montre d'une oeuvre à part, loin des clichés et des modes actuelles. Il construit des polars très singuliers, et va au bout de ses raisonnements, quitte à choquer.

Polar qui peut déplaire, qui peut dégoûter.

Polar que l'on peut adorer ou abhorrer.

Polar qui ne laisse pas indifférent. Assurément !
Lien : http://lyvres.over-blog.com
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