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Critique de jadeau


Après Esope et puis La Fontaine, l'auteur de ce roman a la bonne idée de raconter la vie des Poilus de la Grande Guerre, le quotidien dramatique ou pas des hommes à travers les pensées du rat Ferdinand.
Comme toujours et partout, les rats suivent les hommes, y compris dans les conflits. Sur le front, les rats dévorent les cadavres et dans les tranchées, ils imitent les hommes. Cachés, ils attendent la livraison par camion des denrées, et chipotent ce qu'ils peuvent attraper. Un jour le colonel du bataillon 370 lance la chasse avec prime. Juvenet, un joyeux luron, promu lieutenant-mitrailleur, prend au piège un maousse qu'il surnomme Ferdinand. le colonel décide de le garder vivant dans sa cage pour servir d'avertisseur en le plaçant en avant-poste en cas d'attaque de gaz de combat. Puis la routine et l'ennui dans la tranchée font que Ferdinand devient le rat domestique et plus tard un vrai ami respecté. Un jour Juvenet change de poste et la bouche inutile est libérée. Hélas la compagnie humaine manque au rat. Auparavant, il avait eu une liaison avec une belle ratine, mais la passion observée chez les humains est autrement plus virulente. Surtout en voyant toutes ces lettres d'amour qui transcendent les soldats déprimés.
Avec un peu de chance, Ferdinand retrouve Juvenet et regagne sa cage, heureux. Porté en triomphe par les soldats, il est gavé de lard, car sa seule présence amicale a relevé le moral des troupes. Que fait-on dans les tranchées, en dehors des périodes de combat ? On attend en se racontant des histoires. Ferdinand est témoin de toutes ces anecdotes, décrites au lecteur d'un air détaché, avec un esprit caustique, assez subtil pour détourner la censure. L'attente de la mort est omniprésente, pour les rats et les hommes, mis à égalité durant quatre ans. « Tous les sifflements des balles et des obus nous rappellent qu'ils viennent d'épargner des vies, puisqu'ils ne font que passer ». Les méditations de Ferdinand sont d'une grande richesse. Il sait que les conditions de vie de l'ennemi sont égales, puisqu'il va les visiter. Cette époque est fascinante, mais l'auteur la traite avec détachement et philosophie.
Si son oeuvre commence par un feuilleton satirique, cela permet à la censure de laisser faire en dédramatisant la guerre. Si Pierre Chaine écrit en style poétique, cela rend la narration des faits plus supportable. Sa prouesse est là, et par son côté théâtral, il pousse aux réflexions multiples (n'oublions pas qu'Anatole France a écrit la préface du volume). C'est un avant-gardiste, car un siècle plus tard, sa plume n'a pas pris une ride. Il peut traverser les époques avec un sujet inépuisable. Les rescapés étaient là pour témoigner de la bêtise de la guerre, et pourtant …
Les éditions Louis Pariente ont produit un ouvrage très pertinent, avec les illustrations et des notes de bas de pages très riches en faits historiques.
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