Je me suis sculpté en forme de tout ce que les autres voulaient. J'ai tenté de me forcer à adopter telle ou telle identité, pour leur plaire. Mais ma sculpture, elle a reçu trop de coups, elle est tombée. Et je me suis fracassée en mille morceaux.
La tristesse... Elle déferle parfois. Peut-être plus souvent que je ne le crois. Des fois, je pense que c’est de la gêne, ou de la honte. Peut-être que c’est toujours de la tristesse. Ou peut-être que je dis n’importe quoi. Je suis heureux pour Dougie, je suis heureux pour mon frère. Pour Yohan, dont la relation avec Josiane dure depuis trois ans déjà. Si seulement j’avais pu réussir à désirer Amélie... Immanquablement, je repense à William et à sa déclaration : « Je veux un chum. »
Depuis notre rupture, je me dis que je vais rester célibataire, mais je dois trouver une échappatoire aux questions. Le meilleur moyen de les faire taire serait de trouver une autre fille. Mais ça ne me tente pas ! Pour moi et pour cette fille potentielle, ce ne serait pas juste. J’aimerais... être amoureux. Savoir ce qu’on ressent quand on ne se force pas à toucher, quand on veut toucher. Quand on attend les baisers plutôt que d’en avoir peur.
Jeunes ? J’ai souvent l’impression d’avoir trois cents ans. J’aimerais bien m’amuser, moi aussi, mais... mon idée d’un amusement implique une toile et des pinceaux, ou un bon film et quelqu’un avec qui me pelotonner sur le divan. Si je ne peux avoir la deuxième option, je veux profiter de la première.
La Joconde ne serait pas La Joconde si ce n’était pas précisément cette femme que Vinci avait décidé de peindre. Mais je ne vais pas lui avouer que sa beauté et ce que je ressens pour lui ont quelque chose à voir avec l’âme de mon dessin.
« Avoir l’air stupide, c’est sûrement le meilleur moyen de faire craquer une fille. Plus t’es nerveux, mieux c’est, je crois. »
Personne ne semble accorder d’importance au fait qu’il y avait un homme nu devant nous il y a seulement quelques minutes. Et moi, je ne peux effacer cette image de mon esprit. Est-ce que c’est à ça que je vais rêver cette nuit ? J’aimerais bien...
Nos regards se sont croisés et mon cœur s’est emballé et les mains se sont mises à me fourmiller. Je n’avais plus de sentiments pour Yohan depuis longtemps et mon attirance s’est tout à coup portée vers William, comme un volcan, une tornade. Avec Yohan, c’était une grosse vague. Avec Will, c’est un tsunami. Et ça ne veut pas s’arrêter.
Dans la voiture, à droite, il y a un couple, je les vois se tenir la main. Je détourne les yeux. Peu importe. Je n’ai pas besoin de ça. J’ai déjà plus que ce que je mérite. J’ai eu de la chance d’être choisi. Mes parents adoptifs auraient pu prendre n’importe qui... Ils avaient déjà Charles, ils voulaient d’autres bébés, mais non... ils m’ont choisi. D’aussi loin que je me rappelle, j’ai toujours senti que quelque chose clochait, chez moi. Et eux, ils n’ont rien vu. Est-ce que ma mère biologique savait ? Mon père biologique devait savoir. Il me détestait vraiment.