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Critique de NMTB


Eduqué par un père sévère et taciturne, une mère aimante et pieuse, Chateaubriand a passé toute son enfance triste et solitaire en Bretagne, où il a pu développer une puissante imagination à partir de ce qui l'entourait. Après avoir tergiversé entre une carrière de marin et d'ecclésiastique, sans vocation ni pour l'une ni pour l'autre, il s'engage finalement dans l'armée. Il arrive à Paris vers la fin juin ou le début juillet 1789, il assiste à la prise de la Bastille, aux premières agitations et à quelques séances folkloriques de l'assemblée nationale. Opposé à la monarchie absolue, il est surtout dégoûté par les violences et le chaos. Devenu impie par « le désespoir sans cause qu'il portait au fond du coeur », il s'embarque pour le Nouveau-Monde en 1791, sous prétexte de trouver le passage nord-ouest de l'Amérique. Un voyage d'à peine un an. Début 1792 il est de retour en France et se marie aussitôt avec une inconnue. Puis il repart se battre avec les émigrés pour finir par s'exiler en Angleterre jusqu'en 1800.
Le début de ses Mémoires ressemble plus à des confessions. le jeune Chateaubriand avait lui aussi un peu subi l'influence des Lumières, la plus manifeste est celle de Rousseau, il n'aurait peut-être pas écrit ses mémoires de la même manière sans le précédent du promeneur solitaire. Il est pourtant difficile de savoir quel était son positionnement politique exact à l'époque (royaliste toujours, mais jusqu'à quel point ?). Au début de la révolution, il fréquentait Malesherbes, le beau-père de son frère, et semble avoir à peu près partagé ses idées, c'est d'ailleurs sous sa protection qu'il part en Amérique. La révolution a été fatale ou nuisible à beaucoup de membres de sa famille (son frère a été guillotiné), on peut comprendre l'amertume qu'il en a conçue, l'exacerbation d'une humeur déjà mélancolique et, après coup, sa destruction en règle de tous les mythes de la Révolution : La prise de la Bastille ? Une escroquerie commise par des gueux incapables de rien si on ne leur avait pas ouvert les portes de l'intérieur. Marat ? « Un Caligula de carrefour », Camille Desmoulins ? « Un Cicéron bègue », Danton ? Une « face de gendarme mélangé de procureur lubrique et cruel », il ne s'attarde même pas sur le cas de Robespierre. Toutefois, même dans le dénigrement il gardait son sens de la tragédie et son talent pour donner vie à ses descriptions, il sublimait même ce qu'il abhorrait et révélait tout le pathétisme de la situation.
Des flâneries dans le port de Brest à l'enfer du club des Cordeliers en passant par les déserts de l'Amérique, il fait revivre toute sorte d'ambiances, il rend tout majestueux par son imagination et ses souvenirs baignent dans l'onirisme. Par exemple, il s'était créé une femme idéale qu'il appelait sa sylphide ; plus amoureux de ce fantasme que de n'importe quelle femme réelle, c'est autour d'elle qu'il a créé ses grands personnages féminins. Quand il narre sa rencontre avec le modèle d'Atala sur une île de l'Ohio, on se croirait en plein rêve : il s'endormit sous un magnolia, quand il se réveilla deux jeunes indiennes étaient assoupies sur ses épaules, « une brise traversa le bocage et nous inonda d'une pluie de roses de magnolia. Alors la plus jeune des Séminoles se mit à chanter ». N'est-ce pas parfait comme image ? Personnellement, je serais tombé amoureux pour moins que ça. C'est beau comme une idylle antique. le chevalier De Chateaubriand est né cinq siècles trop tard, il était fait pour vivre au temps des troubadours et non des révolutions.
Le récit égocentré et rêveur De Chateaubriand ne donne pas des Mémoires conventionnelles, peut-être que cela change par la suite quand il acquiert de la notoriété et rencontre des célébrités. On peut se poser des questions sur la réalité de quelques faits qu'il rapporte, mais tout est d'une incontestable et grande beauté. Il n'est jamais ennuyeux avec ses arrangements et ses embellissements, son style est celui d'un maître artisan, un orfèvre qui forgeait des phrases pour les conserver et les réemployer au besoin. Il me semble que tout Chateaubriand est dans ces Mémoires, les lire suffi pour le connaître complètement.
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