Mémoires d'outre-tombe, tome 1/4 : Livres 1 à 12

"Mirabeau tenait de son père et de son oncle qui, comme Saint-Simon, écrivaient à la diable des pages immortelles. On lui fournissait des discours pour la tribune: il en prenait ce que son esprit pouvait amalgamer à sa propre substance. "

"La laideur de Mirabeau, appliquée sur le fond de beauté particulière à sa race, produisait une sorte de puissante figure du Jugement dernier de Michel-Ange, compatriote des Arrighetti. Les sillons creusés par la petite vérole sur le visage de l'orateur avaient plutôt l'air d'escarres laissés par la flamme. La nature semblait avoir moulé sa tête pour l'empire ou pur le gibet, taillé ses bras pour étreindre une nation ou enlever une femme."

Tant que la liberté produit de l'or, une république industrielle fait des prodiges; mais quand l'or est acquis ou épuisé, elle perd son amour de l'indépendance non fondé sur un sentiment moral, mais provenu de la soif du gain et de la passion de l'industrie.

Je n'ai jamais été heureux. Je n'ai jamais atteint le bonheur que j'ai poursuivi avec la persévérance qui tient à l'ardeur naturelle de mon âme. Personne ne sait quel était le bonheur que je cherchais; personne n'a connu entièrement le fond de mon coeur. (Mémoires de ma vie)

À la fin d’une discussion violente, je vis monter à la tribune un député d’un air commun, d’une figure grise et inanimée, régulièrement coiffé, proprement habillé comme le régisseur d’une bonne maison, ou comme un notaire de village soigneux de sa personne. Il fit un rapport long et ennuyeux ; on ne l’écouta pas ; je demandai son nom : c’était Robespierre. Les gens à souliers étaient prêts à sortir des salons, et déjà les sabots heurtaient à la porte.

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Il est fâcheux d’être atteint d’un mal dont la foule n’a pas l’intelligence. Au reste, ce mal n’en est que plus vif : on ne l’affaiblit point en le confrontant avec d’autres maux, on n’est pas juge de la peine d’autrui. Ce qui afflige l’un fait la joie de l’autre ; les cœurs ont des secrets divers, incompréhensibles à d’autres cœurs. Ne disputons à personne ses souffrances ; il en est des douleurs comme des patries, chacun à la sienne.

Le coup de canon dont on refuse quelquefois d’appuyer une cause juste, tôt ou tard on est obligé de le tirer dans une cause déplorable. [Préface générale des Œuvres complètes.]

Le ciel, pour nous punir de nos talents mal employés, nous donne le repentir de nos succès.

Les plaisirs de la jeunesse reproduits par la mémoire sont des ruines vues au flambeau.

Plus le talent est intime, individuel, national, plus ses mystères échappent à l'esprit qui n'est pas, pour ainsi dire, compatriote de ce talent.