Où donc est la nuit ?
Le ciel verse dans la mer
Le bleu de sa lumière
Des mouettes naissent à la cime des vagues
Et leurs ailes d'écume étincellent
Des jeunes femmes translucides
Valsent au large parmi les houles
Et leurs rires déferlent sur la plage
Où donc est la nuit ?
Même les morts que je rencontre
Les bras chargés de fleurs
Et soufflant dans les flûtes du vent
n'en gardent aucun souvenir
Au-dessus des amoureux qui s'enlacent
Luisent les soleils de leurs baisers
Où donc est la nuit ?
On ne l'a jamais vue par ici.
Au bord d'un étang noir
Rond comme un cri muet
Je siffle dans un bois silencieux
J'imite le pinson à gorge blanche
Je remporte sur la mort
La victoire d'un chant d'oiseau
Cet oiseau qui n'existait pas
Voici qu'il chante dans les bois
Cette fleur qui n'existait pas
Voici qu'elle s'ouvre entre mes doigts
Cet amour qui n'existait pas
Voici qu'il flambe dans mon coeur qui bat
Je m'endors sur le sable
Au bord de la mer
Et quand j'ouvre les yeux
Le vent
A balayé en moi ce qui était mortel
Et ma chair est tissée d'absolu
Je crois que la musique
Déroule ses ondes dans l'Infini
Jusqu'aux îles invisibles
Où les âmes des défunts
Écoutent les chants de ses houles
Comme j'écoute sur la plage
Le murmure soyeux de la mer
Je m'assois sur un banc
Côte à côte avec le soleil couchant
Lui aussi prend de l'âge
Et fait halte dans sa course
Il hésite ce soir
À plonger sous la mer
La nuit sera longue et froide sous l'eau
Et saura-t-il encore
Ses rayons parcourus de frissons
Retenir jusqu'à l'aube sa respiration ?
Si la mer un jour
Se déversait hors de la Terre
Laissant à sec les îles et les bateaux
Et me laissait veuf de sa chanson
Des marées de pleurs me monteraient aux yeux
Et mes larmes roulant jusqu'à l'horizon
Composeraient un océan de douleur
Chaque vague devrait apprendre à chanter
Et tout serait à recommencer.
Je fixe les yeux de la mer
Qui m'hypnotisent
Je sombre dans un songe bleu
Où je nage à rebours
Vers l'enfance du monde
Vers la première mélodie d'exil
Modulée par les houles
À peine séparées du ciel
Et quand les vagues me rejettent sur la plage
Où je retrouve les angoisses de mon âge
La mer ferme mes paupières d'ombre.
Je plonge dans les profondeurs
De mes eaux intérieures
Parmi des colonies de poissons verts
Plus je descends plus l'abîme s'éclaire
Il me semble que le soleil
Se lève au fond de la mer
Avec ma chemise verte imprimée de poissons
Je suis recouvert par les flots de la mer
Je marche sur la plage
Et me fonds avec les vagues
Je suis un leurre
Je veux que le soleil pour une fois
Se trompe d'horizon
Et descende dormir dans mon coeur