- J'en ai marre de me lever tous les matins pour aller à l'école ! furent ses premiers mots à notre intention.
Je levai mon nez du journal et lui jetai mon regard "papa-reproche":
- Tu pourrais déjà nous dire bonjour. Regarde ta pauvre mère qui s'est levée à l'aube pour te préparer ton petit déjeuner !
Matthew - qui avait plus que l'habitude de mes homélies - soupira et lança un vague "bjour p'pa, bjour m'man.
- N'empêche que j'en ai quand même marre !
Je déteste l'école et les devoirs !"
- Plains- toi, quand tu n'auras plus de devoirs, tu auras des factures, et c'est nettement moins facile à régler !
A quel moment précis aurait-on dû changer d'agissement pour que cet événement là n'intervienne pas, ne se produise pas. C'est à mon sens bien impossible à définir. Peut être que tout est lié, depuis le début, une sorte de Destin inextricable, bâti d'enchaînements de causes et d'effets.
Ce qu’il y a de dur avec les enfants, c’est le manque de répit qu’ils laissent à leurs parents. A peine réveillée que l'appareil à questions est en mode "marche". Shaony a cette particularité des enfants de cinq ans qui consiste à poser un maximum de questions tout le temps. Comme s'ils essayaient de trouver une faille à cette réalité si improbable qui les entoure.
A dire vrai, j'avais posé la tête sur l'oreiller plein de soirs, j'ai fait quelques rêves, plusieurs cauchemars, ouvert les yeux souvent, et je me suis éveillé ce matin, avec une large moitié de la vie dans le dos, une femme et deux enfants, et de l'amour pour lier le tout.
Voilà ce qui dépasse la terreur la plus sourde. La peur sans raison identifiable, celle qui s’empare progressivement de votre être, qui glisse dans votre sang, coule sur votre esprit comme un liquide frigorifique et lentement prend le contrôle de la raison.