La sagesse du nomade

« Chaque homme qui tire le maximum de lui-même a un livre en lui […] bien que ce serait peut-être un meilleur livre s’il attendait l’âge de soixante ans avant de le présenter aux éditeurs. »

Ce doit être un des rares endroits au monde où on peut entendre des gens défendre réellement la position américaine au Vietnam. Ils détestent cordialement les Russes et les Chinois. Nombreux sont ceux qui parlent anglais et, sur le chantier de fouilles, j’ai écouté un long exposé d’un homme, qu’on ne peut présenter autrement que sous le terme de paysan, sur les mérites de Eton et sur l’Angleterre, modèle d’éducation pour toute société. Le
monde est plein de surprises.

« Les nomades dans les temps anciens voyageaient en boucle à la recherche de nourriture, d’abris, d’eau ; nous autres, nomades d’aujourd’hui, nous voyageons en boucle à la recherche de nous-mêmes. »

Par civilisation, j’entends « la vie dans les villes » et par civilisés ceux qui vivent dans un cadre urbain, là où l’on sait lire et écrire. Toutes les civilisations sont fondées sur une discipline excessive et un comportement rationnel. Les nomades ne sont pas civilisés et tous les termes qu’on utilise traditionnellement pour les désigner sont lourds des préjugés de la civilisation : errant, vagabond, inconstant, barbare, sauvage, etc. Les nomades ne peuvent qu’avoir une influence perturbatrice, mais on leur a adressé des reproches hors de proportion avec les dommages matériels qu’ils causent. Ces reproches sont rationalisés et justifiés par une fausse piété. Les nomades sont des exclus, des parias. Caïn était un « errant parcourant la terre ».

Ce n’est pas un livre pour l’expert spécialisé, car on pourrait écrire des volumes sur chacun des sujets mais il donne une image très claire de ce domaine et, bien entendu, ces magnifiques illustrations sont d’une grande aide. Il serait pourtant absurde de laisser entendre que la meilleure manière d’apprendre sur de telles choses est de les voir personnellement ou, à défaut, de les regarder sur photographies. J’ai pu y glaner plusieurs renseignements qui me sont d’un grand secours.

« Nous avons tous beaucoup plus à gagner qu’à perdre par la publication de documents même indiscrets, qui finiront un jour par émerger et par causer alors plus de tort que s’ils avaient été publiés ouvertement, en toute candeur et vite. »

Les histoires d’amour n’occupent pas une place importante. Les relations les plus intimes de Chatwin furent souvent avec des personnes rencontrées brièvement en des lieux éloignés. « On ne trouve pas d’amoureux alanguis chez les gitans, écrivit-il dans un de ses carnets. L’amour romantique est joué sur un mode mineur jusqu’à être presque inexistant. 

Il ne montrait ses ébauches à personne tant qu’il n’en était pas satisfait, mais il me lisait ses premières moutures à haute voix. Tout devait sonner parfaitement et couler avec aisance. Les lettres sont ses seuls écrits qu’il n’ait pas retravaillés. Il considérait l’écriture comme un labeur. Un ordinateur le rendait trop facile.