Fire Crush, tome 2

Je ne suis pas seule.

Je ne suis plus seule.

Il a accouru pour moi.

Neptune est là. Pour moi. Il a laissé tomber son travail pour moi.

Cela prouve l’importance qu’il m’accorde.

C’est la plus belle preuve d’affection qu’un homme – autre que ceux de ma famille, bien sûr – m’ait jamais apportée.

Mais cela me perturbe aussi. Je ne veux pas être celle pour qui il a abandonné ses responsabilités. Je ne veux pas être la cause directe ou indirecte de la chute de sa société. De la mise à la rue de familles entières.

Gaspard a une kalachnikov braquée sur lui, comme s’il était dangereux… Il a l’air tellement mal… Je me rapproche de l’écran, comme si je pouvais le toucher. Son treillis est déchiré au niveau de la poitrine. Je vois ses plaques militaires briller sur le bandage de fortune grisâtre et imbibé de sang qui entoure son torse. Il a des coupures et des bleus sur le visage. Il souffre, je le vois.

Elle ne dit rien. Je sais qu’elle essaie de se convaincre autant que de me rassurer. C’est ma mère. Et elle a beau être colonelle, elle doit tout de même flipper comme jamais en ce moment. C’est son fils que les djihadistes sont en train de torturer…

Vous savez ce que c’est que de ressentir le vide en soi ? Quand vous avez l’impression que rien ne sera plus jamais comme avant ? Ça part des tréfonds de votre ventre et ça se diffuse insidieusement en vous comme un brouillard épais et nauséabond…

Greg est un mélange d’intelligence brute, de ténacité et d’absence totale de compromission. J’ai toujours eu l’impression qu’il avait le pouvoir de voir mes bêtises, mes failles et mes blessures. Ses yeux bleus, couleur glacier arctique, me donnent l’illusion que mon aîné me passe aux rayons X quand il me regarde. Cependant, il a toujours été très protecteur et plutôt laxiste avec moi, bien que manquant un peu de chaleur.

Cela n’a cependant pas empêché l’armée de me proposer de racheter l’intégralité des brevets liés à l’Exocet. Ils veulent son concept. Mais je connais trop les militaires pour savoir que mon bébé va être utilisé à d’autres fins que celles pour lesquelles je l’ai conçu au départ. Et c’est ça qui me déprime le plus… Toutefois, je n’ai pas d’autre choix, parce que si l’armée est prête à tout pour récupérer mon poisson volant, même avec un processeur défaillant, ce n’est pas le cas des investisseurs civils, qui ne sont pas intéressés par un projet imparfait.

Ma sœur est une scientifique pure souche, comme notre mère. Un génie de la micro-ingénierie mécanique. Elle a pris une large part à l’élaboration de mon projet. C’est elle qui a mis au point le prototype, tandis que je réglais les problèmes de calcul, de logiciel et de processeur à encoder. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans la phase finale des tests. C’est pour ça que Si est là. Son expertise est indispensable, pour le prototype dont je parle tant.

La vérité, outre le fait que Diane risque de ne pas bien accepter mon identité réelle, c’est que je veux qu’elle me demande mon vrai nom. Mais curieusement, elle préfère se contenter de mon pseudonyme. Comme si ne pas savoir qui je suis pouvait la protéger de moi. De nous. Comme si le fait de ne pas me connaître réellement et entièrement lui laissait une sortie de secours… Et ça me contrarie. Diane ne se livre toujours pas à moi malgré son retour. Mais je ne peux pas dire ça à Si. Pas aujourd’hui, en tout cas.

Si est un vrai personnage. Haut en couleur, plein de peps, de vivacité et de joie de vivre. De ténacité, aussi. Je l’ai vu dans son regard. Je la crois tout à fait capable d’être impitoyable s’il le faut. Je ne sais pas encore ce qu’elle fait dans la vie, mais par certains côtés, elle me fait penser à Joe, et par d’autres à Lei. C’est dingue.

Il tient vraiment à toi. Je l’ai lu dans ses yeux. Et puis, je suis sa jumelle. Je sens instinctivement ce genre de choses le concernant. Il est en train de tomber amoureux de toi. Si ce n’est pas déjà fait, d’ailleurs. Tu ne serais pas sur ce bateau sinon, crois-moi.